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et les Français, impatientés de cette manière ti- CHAP. CIT. mide de combattre, prirent congé de l'amiral vénitien et se retirèrent (1).

Dans le même temps les Turcs avoient formé le siége de Lépante; Grimani n'osa point secourir cette ville, qui se rendit, lorsqu'elle vit la flotte vénitienne s'éloigner (2). Grimani, pour recouvrer sa réputation, fit de son côté une tentative sur Céphalonie; mais elle n'eut point de succès. Alors il ramena sa flotte à Corfou, et il y trouva Melchior Trévisani, que le conseil des Dix lui avoit donné pour successeur, et qui avoit l'ordre de l'envoyer lui-même à Venise, chargé de fers, pour rendre compte de sa conduite. La belle flotte qu'il commandoit, avoit paru aux Vénitiens suffisante pour détruire celle des Turcs, et conquérir ensuite le Péloponèse et l'Eubée : plus ils avoient conçu de hautes espérances, plus ils étoient disposés à expliquer un mauvais succès par une trahison ou une lâcheté. Peut-être cependant ne tenoientils point assez compte des progrès faits par les Turcs, dans l'art de la guerre maritime, et Grimani, en approchant de la flotte si supérieure

(1) Petri Bembi hist. Veneto. L. V, p. 93. Chron. Venetum. T. XXIV, p. 103, 110. Andrea Cambini, presso Sansovino. L. II, f. 176 v.

(2) Raynaldus Annal. eccles. 1499, §. 9 et 10, p. 480. – Theod. Spandugino, presso Sansovino. L. II, f. 209.

1499

1499.

CHAP. CIT. en nombre des ennemis, avoit-il reconnu que ce n'étoit plus une cohue désordonnée, comme on le supposoit à Venise. Le peu de succès des amiraux qui succédèrent à Grimani, et le triomphe qui étoit réservé à celui-ci, lorsque dans son extrême vieillesse, à l'âge de quatrevingt-sept ans, il fut élu doge de cette même république qui l'avoit condamné, sont des indices de son innocence. Mais à son arrivée à Venise, la prévention contre lui étoit trop forte pour qu'il pût y résister. En vain son fils, le cardinal Grimani, accourut-il de Rome pour le recevoir, et dans ses habits pontificaux se chargea-t-il des fers de son père, soit lorsque celuici traversoit le port, soit lorsqu'il fut traduit devant le grand conseil; la sévérité de cette assemblée n'en fut point adoucie. Elle avoit évoqué à elle le jugement, craignant que le prévenu n'exerçât une influence illicite sur le conseil des Dix, par ses richesses et le crédit de sa famille. Grimani fut condamné à la relégation dans les îles de Cherso et d'Ozèro, au golfe du Quarnèro; au bout de quelque temps il s'échappa de ce lieu d'exil, et il se refugia à Rome, auprès du cardinal son fils (1).

(1) Petri Bembi hist. Veneto. L. V, p. 98. Fettor Sandi.
Lib. IX, c. VII, T. IV, p. 207. Chron. Venetum. T. XXIV,
Rer. Ital. p. 124.
Raynaldi Annal. eccles. 1499, §. 10 et 11,

p. 481.

Paolo Giovio Vita di Antonio Grimani. Ritratti.

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Les troupes de terre ne firent pas leur devoir CHAP. CIL mieux que celles de mer. Zancagno avoit été 1499. chargé de rassembler les milices des frontières de la Carniole, de mettre en défense les bords de l'Isonzo, et d'établir son camp à Gradiska. Mais Scander Bassa, sangiak de Bosnie, ayant amené sur l'Isonzo sept mille chevaux, en envoya, le 29 septembre, deux mille au-delà du fleuve. Zancagno ne leur opposa aucune résistance, et ne permit point à ses soldats de sortir de Gradiska. Les paysans, qui se croyoient en sûreté derrière l'armée de la république, furent frappés de terreur à l'approche de ces troupes barbares; les bords de la Piave et du Tagliamento furent abandonnés, quoique susceptibles de défense. Des troupeaux de fuyards s'échappant de tout le Friuli, de Trévise, et même de Padoue, s'enfermèrent à Venise, et la campagne fut délaissée jusqu'au bord des Lagunes. Les Turcs, après y avoir enlevé de nombreux captifs, dont ils massacrèrent une partie avant de repasser le Tagliamento, rentrèrent dans leurs foyers, sans avoir trouvé l'occasion de combattre (1).

Au commencement de l'année 1500, les Vé

(1) Petri Bembi hist. Ven. L. V, p. 97. — Chron. Venetum. T. XXIV, p. 116. · Vellor Sandi. Lib. IX, c. VII, T. IV, p. 205, 206. — Annal. eccles. Raynaldi. 1499, §. 7 et 8, p. 480. - Theod. Spandugino. Lib. II, f. 208.

1500.

CHAP. CII.

nitiens, découragés par le mauvais succès de la 1500. dernière campagne, et désireux de pouvoir diriger toute leur attention sur les affaires de l'Italie, dont les révolutions devenoient tous les jours plus importantes, envoyèrent à Constantinople, pour se plaindre de ce que le grandseigneur les avoit attaqués sans provocation, redemander leurs marchands faits prisonniers dans toute l'étendue de l'empire turc, et la restitution de Lépante; mais Bajazeth leur répondit qu'il n'accorderoit la paix à la république, qu'autant que celle-ci lui céderoit Modon, Coron et Napoli de Malvoisie, et qu'elle s'engageroit à lui payer un tribut annuel de dix mille ducats (1).

Pendant l'hiver, la flotte turque s'étoit partagée entre les deux golfes d'Ambracie et de Lépante. Melchior Trévisani, qui avoit pris le commandement de la flotte vénitienne, vouloit empêcher les Turcs de se réunir, et il occupoit dans cette espérance les parages de Corfou et de Céphalonie; mais les ennemis se dérobèrent à sa vigilance, ils firent leur jonction devant le promontoire de Leucade, et se trouvant alors supérieurs en forces, ils firent reculer les Vénitiens. Dauth Pacha entroit dans le Pélopo

(1) Petri Bembi hist. Ven. Lib. V, p. 100. Chron. Venet. T. XXIV, p. 148.- Vettor Sandi storia civile l'enez, L., IX, c. VII, T. IV, p. 207.

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nèse, avec une armée formidable, en même CHAP. CH temps que la flotte turque attaquoit du côté de 1500. la mer les villes dont Bajazeth avoit demandé la cession. Les Turcs furent repoussés devant Napoli de Malvoisie, et devant Zonchio, l'ancienne Pylos de Nestor; mais ils s'emparèrent du faubourg de Modon, et ils commencèrent aussitôt le siége de cette ville importante (1).

Jérôme Contarini remplaça dans le commandement de la flotte vénitienne, Melchior Trévisani, qui étoit mort de maladie devant Céphalonie. Ce nouvel amiral voulut porter du secours à Modon, mais ayant rencontré la flotte turque près de Pylos, il la combattit avec désavantage; il perdit quelques galères, et fut obligé de se réfugier à Zanthe (2). Cependant comme il ne pouvoit se résoudre à abandonner les assiégés, il se présenta de nouveau, le 9 août, devant Modon, non point avec l'intention de livrer un combat, mais pour distraire l'attention des ennemis, tandis que cinq galères, les plus promptes à la course, pénétreroient dans le port, avec les renforts et les munitions qu'il destinoit aux assiégés. Son projet parut réussir, quatre des cinq galères arrivèrent au travers de toute la flotte turque', jusqu'à l'estacade qui'

(1) Petri Bembi histor. Veneta. Lib. V, p. 102. - Chroni.. Venetum. T. XXIV, Rer. Ital. p. 142.

(2) Petri Bembi hist. Ven. L. V, p. 103.

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