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et six mille fantassins, parmi lesquels se trou- CHAP. XCIX. voient quelques compagnies d'Allemands. Mais 1498. Vitelli étoit résolu à ne point leur livrer de combat, tandis qu'il pouvoit plus facilement les vaincre, en les enfermant dans le pays stérile qu'ils occupoient. Il s'empara des passages de la Vernia, de Chiusi et de Montalone, par lesquels l'armée vénitienne pouvoit communiquer avec la Romagne; il fortifia Arezzo, et tous les débouchés du Casentin. Du côté de la Toscane, il excita les paysans à prendre les armes, et à se mettre partout en défense contre les ennemis; et resserrant ainsi toujours plus ces derniers, il les exposa bientôt à toutes les souffrances du manque de vivres et de fourrages (1).

Ainsi l'armée

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que

les Vénitiens avoient en

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(1) Fr. Guicciardini. L. IV, p. 205. Scipione Ammirato. L. XXVII, p. 253. - Jacopo Nardi. Lib. III, p. 91. Petri Bembi hist. Ven. L. IV, p. 82. — Paolo Giovio vita di Leone X. Lib. I, p. 68. —Navagiero finit abruptement à cette époque son histoire de Venise. On pourroit supposer qu'elle étoit pour lui seulement l'ébauche d'une histoire de Venise en dix livres, qu'on sait qu'il écrivit en latin, et qu'il fit brûler à sa mort. En effet, le manuscrit que Muratori a fait imprimer, Scr. Rerum Ital, T. XXIII, p. 921-1216, ne présente qu'un ouvrage très-incomplet, et très-peu digne de la réputation de Navagiero. Celui-ci fut l'un des restaurateurs des lettres en Italie, des amis de Bembo, et en même temps des hommes d'état les plus distingués de Venise. Il mourut à Blois, le 8 mai 1529, ambassadeur de sa république auprès de François Ier. Une partie cependant de cette histoire, avant la fin du quinzième siècle, a le mérite de la véracité, de l'intérêt et de la naïveté.

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CHAP. XCIX.

voyée en Toscane pour faire lever le siége de 1498. Pise, étoit assiégée elle-même; et le duc d'Urbin,

1499.

loin de pouvoir délivrer Marco Martinengo, comme il en étoit chargé, avoit besoin d'être délivré à son tour. La république s'en occupa sans perdre de temps; elle envoya à Ravenne, au commencement de l'année 1499, Nicolas, comte de Pitigliano, pour y former une nouvelle armée. Celui-ci, ayant rassemblé sous ses ordres quatre mille fantassins, s'avança jusqu'à Elci, château-frontière du duché d'Urbin, d'où il comptoit pénétrer dans le Casentin, et dégager l'armée assiégée. D'autre part, Vitelli vint se placer vis-à-vis de lui, à la Pieve de SantoStéfano, pour lui disputer le passage. Les deux républiques, également fatiguées des dépenses infinies d'une guerre ruineuse, pressoient leurs généraux d'en venir à un combat décisif; mais les deux capitaines, Pitigliano et Vitelli, élevés dans le système précautionneux de l'école militaire italienne, demeurèrent sourds à toutes les instances qu'on leur adressoit, et ne voulurent point hasarder leur réputation par une bataille (1).

L'une et l'autre république avoit en effet les plus fortes raisons pour s'éloigner, dans cette occasion, de sa prudence accoutumée, et vou

(1) Scipione Ammiralo. L. XXVII, p. 253. — Jacopo Nardi. L. III, p. 93. — Macchiavelli Framm. istor. p. 128.

loir remettre sa fortune au sort douteux d'un CHAP. XCIX. combat. Chacune espéroit, en obtenant la vic- 1499. toire, faire la paix à des conditions plus avantageuses, tandis chacune sentoit que,

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que

dût

son armée être défaite, à cette distance de la capitale, et dans un pays facile à défendre, son existence ne pourroit être compromise. Toutes deux auroient mieux aimé peut-être qu'une déroute les forçât à céder de leurs prétentions, que de continuer avec peu d'espérance une lutte ruineuse et interminable. Les Vénitiens languissoient de dégager leurs trois armées, qui demeuroient immobiles à Pise, à Bibbiéna et à Elci; les Florentins n'étoient pas moins impatiens de renvoyer leur commandant Paul Vitelli, contre lequel ils avoient conçu une extrême défiance. Celui-ci venoit d'accorder un sauf-conduit au duc d'Urbin, qui étoit malade. Julien de Médicis avoit profité de ce sauf-conduit pour sortir de Bibbiéna avec le duc, et les Florentins s'étoient plaints amèrement de ce qu'un rebelle de leur république, assiégé par leur armée, avoit été dérobé par leur propre général à la punition dont les lois le menaçoient (1).

Les deux républiques soupiroient pour la

(1) Scipione Ammirato. Lib. XXVII, p. 254. Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 216. — Jacopo Nardi hist. Fior. Lib. III, p. 93. Paolo Giovio vila di Leone X. Lib. I, p. 69.

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CHAP. XCIX.

paix plus encore que pour la bataille, et deux 1499. puissans médiateurs se présentèrent en même temps pour négocier entre elles. D'une part, Louis XII cherchoit à s'assurer l'alliance de l'une comme de l'autre république; et pour les réconcilier l'une à l'autre, il demandoit Pise que fût mise en dépôt entre ses mains, promettant secrètement aux Florentins de leur rendre ensuite cette ville, et aux Vénitiens de leur procurer d'amples dédommagemens dans l'état de Milan (1). D'autre part, Louis-le-Maure, en pressant les Florentins de se réconcilier aux Vénitiens, espéroit faire lui-même de cette manière sa paix avec les derniers. Il voyoit le roi de France persister dans les projets d'invasion en Lombardie, qu'il avoit annoncés dès les premiers jours de son règne. Il connoissoit les négociations de ce monarque avec le pape, le renouvellement de son alliance avec le roi d'Angleterre, la trève conclue pour plusieurs mois entre Louis XII et Maximilien, sans que le dernier y eût fait, suivant sa promesse, comprendre le duché de Milan. Sforza savoit encore que Louis XII offroit aux Vénitiens de partager ce même duché de Milan. Dans la guerre, il avoit tout à craindre du ressentiment de ses voisíns; mais s'il rétablissoit la paix en Italie,

il

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CHAP. XCIX.

pouvoit espérer que la république de Venise, revenant à des desseins plus sages, abandon- 1499. neroit des projets de vengeance trop dangereux pour elle-même (1).

Louis XII ayant renoncé au rôle de médiateur, pour s'unir d'une manière plus intime avec la république de Venise, les Florentins, qui désiroient ardemment la paix, n'en furent que plus disposés à prêter l'oreille aux conseils de Louis-le-Maure. Les Vénitiens, de leur côté, qui se préparoient secrètement à une guerre contre le même duc de Milan, qui savoient que les Turcs s'armoient pour attaquer leurs établissemens en Grèce, qui étoient enfin inquiétés par les prétentions inouies et les menaces de Maximilien, encore qu'ils fussent accoutumés à les voir ensuite se résoudre en fumée, ne voulurent pas être distraits par la guerre de Pise, au milieu de circonstances qui pouvoient devenir plus sérieuses. Les affaires de Pise furent dévolues du conseil des Prégadi à celui des Dix, qu'on regardoit comme bien moins accessible aux passions généreuses, et bien plus dominé par la seule politique. Ce conseil, adoptant la proposition qui lui avoit été faite par Louis-leMaure, signa un compromis, par lequel il remettoit tous les droits de la république entre

(1) Barthol. Senarega de rebus Genuens. T. XXIV, P.

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