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DE BRETAGNE

ET DE VENDÉE.

DIRECTEUR ARTHUR DE LA BORDERIE.
SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION: ÉMILE GRIMAUD.

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BUREAUX DE RÉDACTION ET D'ABONNEMENT, PLACE DU COMMERCE, 1.

1864.

8841R4

1864

pt. 1

NANTES, IMP. DE VINCENT FOREST ET ÉMILE GRIMAUD, PLACE DU COMMERCE,

1.

UN POÈTE IRLANDAIS

A LA BRETAGNE.

Depuis plusieurs années, des rapports aussi agréables qu'utiles se sont noués entre les archéologues des différentes branches de la famille celtique. Les Bretons du Pays de Galles prirent l'initiative à l'instigation d'un de nos plus éminents compatriotes, M. Rio, marié parmi eux. L'entrevue qui eut lieu, en 1838, entre les Armoricains et les Gallois inspira M. de Lamartine : les premières strophes de son poème, les seules qui répondissent un peu à la situation, sont encore dans toutes les mémoires :

Lorsqu'ils se rencontraient sur la vague ou la grève,
En souvenir vivant d'un antique départ,

Nos pères se montraient les deux moitiés d'un glaive
Dont chacun d'eux gardait la symbolique part;
Frère! se disaient-ils, reconnais-tu la lame?
Est-ce bien là l'éclair, l'eau, la trempe et le fil?
Et l'acier qu'a fondu le même jet de flamme
Fibre à fibre se rejoint-il?

Et nous,
nous vous disons: O fils des mêmes plages!
Nous sommes un tronçon de ce glaive vainqueur:
Regardez-nous aux yeux, aux cheveux, aux visages,
Nous reconnaissez-vous à la trempe du cœur?...

Il n'a pas dépendu de nous que « les deux tronçons du glaive > se réunissent en Armorique comme précédemment dans le Pays de Galles. On sait comment l'Association bretonne a été dissoute, à la veille d'un congrès qui aurait rassemblé à Vannes les plus dignes représentants de la race et de la science celtiques. « Dix mille congrès pareils, disait à ce propos le Saturday Review (7 juin 1862), auraient à peine attiré l'attention de notre reine ou de ses conseillers; mais on a craint, à ce qu'il paraît, que cette réunion ne ressuscitât quelque nouvel Arthur. »

Quoi qu'il en soit, des particuliers ont pu rendre une politesse que la politique interdisait à une association, et plus d'un de nos frères des Iles Britanniques a pris place, sinon au bureau de notre classe d'Archéologie, du moins à la table bretonne. Parmi ces derniers, nous avons vu, avec autant d'orgueil que de satisfaction, M. Samuel Ferguson, qui joint au talent poétique de notre Brizeux une science d'archéologue qui lui a donné un des premiers rangs dans la Société royale d'Irlande. Il a passé plusieurs semaines en Bretagne, recherchant, étudiant, dessinant nos monuments primitifs, les comparant avec ceux de son pays, plein d'une admiration de jour en jour plus justifiée pour nos communs ancêtres. Il se trouvait parmi nous précisément à l'époque où l'ouverture du chemin de fer jusqu'à Quimper faisait répéter les présages plus éloquents que fondés de notre poète national sur l'avenir de la Bretagne, et inspirait cette lettre de part ridicule, énergiquement désavouée par tout patriote éclairé. Mais, qu'on le sache, il ne put s'empêcher de sourire des craintes puériles de quelques-uns de nos concitoyens. Il s'associa de grand cœur à nos protestations, et eût applaudi particulièrement à celle de ce digne religieux breton de la Compagnie de Jésus, vrai disciple du P. Maunoir, qui répondait naguère avec tant de chaleur et de raison aux prophètes de malheur : « Non, l'Armorique ne sera pas si tôt absorbée dans l'uniformité d'une civilisation plate et monotone. Bien longtemps elle conservera les traits qui accentuent si vigoureusement sa physionomie originale. Ce vieil idiome celtique subsistera.... La sauvegarde d'un isolement protecteur ne cessera pas entièrement d'exister pour la majeure

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