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ment à sa droite et à sa gauche le cardinal Fesch et Lucien toute la soirée, et n'a vu que les Anglais et quelques ministres étrangers; aucun Français n'y a été. Au reste, le pape s'est raccommodé avec Murat; c'est-àdire, qu'il a plié et fait un pas en arrière. Il y a un mois qu'il avait fait fermer la poste de Naples, et même avait fait enlever les lettres de force, pour les faire porter à la poste papale. Dès lors, toute communication fut interrompue; mais nous avons vu avant-hier, avec étonnement, rouvrir cette poste de Naples. Votre excellence voit qu'il n'y a que la France qui n'obtient rien. C'est que nous ne parlons pas ici avec la fermeté et la dignité qu'il convient à une grande puissance.

Lucien Buonaparte, le cardinal Fesch, Louis et madame Létitia, voilà les protecteurs zélés de cet Isoard, que cette cour poltronne voudrait conserver pour auditeur de rote de la France, qui est en correspondance suivie avec eux, qu'ils sollicitent d'arriver à Rome. Son valet de chambre, qui l'attend, le dit à tout le monde. Les envoyés plénipotentiaires d'Autriche, d'Espagne, obtiennent tout ce qu'ils demandent, parce qu'ils ont toujours la menace en bouche.

Qui a fait plier le pape avec Murat ? C'est qu'il a ordonné à son consul de demander ses passe-ports, et qu'il a dit, dans une lettre qu'il a écrite au pape, qu'il` demandait passage pour quelques troupes, qu'on a refusé pourtant, en indiquant une autre routé.

Il ne serait pas hors de propos que Sa Majesté fût instruite de tout cela.

Cette lettre aurait dû vous arriver, monseigneur, plutôt; mais, à la légation, on n'a pas eu la bonté de me faire avertir que M. Beaufremont passait et demeurait huit heures à Rome; car il a dîné chez l'ambassadeur, où je n'étais pas.

Mille tendres respects à votre excellence
L'ÉVÊQUE D'ORTHOSIA.

P. S. Le pape n'a pas répondu à la lettre des évéques, remise à Consalvi, parce que vous l'aviez signée comme titulaires de vos siéges du reste, on l'a trouvée trèsbien.

tré

D'après cette circonstance, il paraît démon

que M. le cardinal de Périgord, se disant archevêque d'un siége inconnu à l'Église et à l'État, était chargé de la direction de toute cette négociation. Ce prélat partageait l'opinion qui excluait le concordat de 1801, il ne reconnaissait d'Église que celle du roi de France; le concordat de 1801 devait être tenu pour non-avenu, pour non-existant, et l'ancienne Église seule reconnue. Une fois ce principe admis, les changemens partiels et locaux auraient été faits au nom du roi : voilà le système qui résulte évidemment de ce document. C'était le plan de M. l'évêque d'Orthosia; mais ce n'était point celui du pape, pas plus que celui de M. le cardinal Consalvi. Il paraît même qu'il y avait

T. III.

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partage d'opinions dans l'ambassade française. Le venait de recréer l'évêché de Bâle, propape

prio motu. Cet acte arbitraire avait soulevé la Suisse, Rome en était aux regrets, et M. d'Orthosia nous apprend qu'elle aurait voulu l'anéantir. Ce faux pas, avec celui du rétablissement des Jésuites, était l'œuvre du parti qui, à l'époque du retour à Rome, s'imaginait qu'il n'y avait qu'à procéder, comme leurs confrères de France entendaient le faire de leur côté : et le succès eût été le même des deux parts; car, tandis que les uns amenaient le 20 mars, les autres étaient au moment de faire perdre l'Italie à l'Autriche; tant en tout pays ces maladroits portent malheur. Pendant la négociation, M. le cardinal Consalvi était occupé au congrès de Vienne : il paraît qu'il désirait gagner du temps, pour avoir celui d'arriver et d'empêcher, par sa présence, de nouvelles chutes. L'Autriche, fortement intéressée au maintien de la paix en Italie, a raffermi le crédit de M. le cardinal Consalvi sur les affaires de Rome, où ce sage ministre est occupé à contenir les ultra, comme le ministère français l'est à Paris.

Le pape avait nommé une commission de

trois membres pour les affaires de France: elle déplaisait fort à l'ambassade à cause de sa modération; celle-ci réussit à obtenir du pape de traiter directement avec lui-même, ou bien avec le cardinal Pacca, dont l'exagération était suffisamment garantie par son opposition à Napoléon, et par la part qu'il avait eue à la bulle d'excommunication. On était occupé à réclamer l'effet de cette promesse, lorsque le 20 mars eut lieu. Telle est la filiation des événemens et des idées qui résulte de la correspondance de M. l'évêque d'Orthosia, laquelle, réunie avec ce que l'on a vu, avec ce que l'on a pu apprendre d'ailleurs, avec la connaissance de l'esprit régnant alors, forme un corps de système et de preuves où tout s'enchaîne et s'explique en s'enchaînant.

Une circonstance, particulière à M. l'évêque d'Orthosia, achève de confirmer la réalité de l'existence de ce système. Ce prélat fut envoyé à Rome avec l'ambassade, comme auditeur de rote; mais depuis long-temps la place était occupée par le prélat Isoard. On n'en tint compte; et dans la préoccupation que tout devait se diriger à Rome par les idées qui dominaient à Paris, on envoya un homme

prendre la place qui était remplie par un autre, au vu et au su du souverain de ce pays. Les puissances présentent leurs sujets pour ce tribunal le pape les institue, et après cela ils sont inamovibles. Ces formalités avaient été remplies, le prélat Isoard était en possession depuis plusieurs années, le pape souverain de Rome le reconnaissait; et cependant on envoyait un autre occuper la place, comme si elle était vacante. N'est-ce pas la preuve que l'on regardait tout ce qui s'était fait comme nonavenu, et que l'on voulait faire à la rote l'application des principes qui dictaient la demande de l'abolition du concordat? On ne trouva pas le souverain de Rome plus disposé à souscrire à cette tentative sur un de ses tribunaux, qu'on ne trouvait le pape disposé à détruire et à répudier son ouvrage de 1801. M. l'évêque d'Orthosia est revenu de Rome, sans avoir pu être admis à ce poste si désiré d'auditeur de rote, et sans avoir reçu ce billet de chancellerie si précieux et si impatiemment attendu. Il est resté auditeur in partibus, comme il est évêque d'Orthosia. Le 20 mars suspendit la négociation on avait bien autre chose à faire que dés concordats. Elle reprit quelque temps après.

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