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purifier l'air que l'on respirait en France, à consolider le trône qui se relevait au milieu d'elle. Au fort de ces prestiges, il fallait une prodigieuse sagacité, une inflexible fermeté pour tracer au clergé la ligue qu'il devait suivre et l'y maintenir, pour lui faire bien distinguer entre ce qui appartenait au moment et ce qui, revenait à l'éternité, entre les empressemens de l'intérêt personnel et ceux de l'intérêt véritable, entre la partie de la nation qui s'agitait alors et la masse qui, semblable au rocher, ne, peut s'ébranler que pour tout entraîner. Surtout il ne fallait pas se lasser de dire au clergé. qu'il eût à se tenir éloigné de toute participation avec la politique, et à se renfermer dans les temples. Après s'être plaint pendant, tant d'années d'être l'instrument de la politique d'un autre, comment pouvait-il convenablement se prêter pour en servir de nouveau à d'autres? Il fallait avoir la force de lutter contre le clergé, plutôt que de conniver à des penchans qui, sous des apparences respectables,, cachaient les résultats les plus funestes. Ce sont ces apparences qui faisaient le danger principal; malheureusement, elles sont de nature à ce que l'on ne soit pas en garde contre elles. On a

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conçu un grand et légitime éloignement contre des désordres, une sainte horreur contre une grande licence. On s'est imbu d'une idée qu'on croit propre à les réprimer: elle a une apparence de vérité en même temps que d'honneur. Malheureusement on a été éloigné pendant long-temps; aussi lorsqu'on veut venir àl'application, on trouve que tout est changé, et que ce que l'on a conçu au loin, au près ne peut trouver place. Un autre malheur est celui de penser que les autres sont affectés comme nous le sommes, et au même degré que nous. Un autre malheur encore est de ne pas calculer que ce qui nous paraît fort simple, peut ne pas le paraître autant aux autres, et surtout à tout un peuple; et cependant c'est sur ce peuple qu'il faut agir. Si ce qu'on lui propose, fût-il le plus beau du monde, n'est point agréé par lui, alors à quoi auront servi toutes les importations étrangères ? Ces réflexions ont été mises à l'écart dans la direction du clergé ; il s'est trouvé livré à des hommes qui n'avaient que leurs idées d'outre-mer, qui caressaient les chimères qu'ils s'étaient créées loin du théâtre sur lequel l'orage les avait reportés, et qui sont venus montrer à la France des acteurs qui n'entendaient

pas plus sa langue qu'elle ne parlait la leur. Le théâtre et le parterre se sont trouvés être de deux nations et user de deux idiomes différens. Dans ce cas, il y a nécessairement erreur d'un côté, et défaut de confiance de l'autre.

Règle générale: ne faites rien rajeunir, pas même l'Église, par des vieillards; ne faites point gouverner un pays par des étrangers et par des inconnus. Les peuples aiment les réputations toutes faites, et ne se plaisent pas du tout à servir d'expériences (1).

C'est par suite de cette absence de direction véritable, comme par la présence de la petite Église au milieu de la grande Église, qu'à l'é

(1) Eût-on jamais osé, en Angleterre, confier la pluralité des places et des services publics à des hommes qui n'auraient pas mis le pied dans ce pays depuis vingt ans, qui n'y seraient connus d'aucune manière ? Le gouvernement représentatif, qui est celui de l'opinion, exclut qui n'a pas d'opi nion pour soi. On se demande toujours pourquoi on fait en France ce que l'on ne ferait pas en Angleterre, et si les sept lieues qui les séparent, en mettent mille de distance entre le gouvernement représentatif de l'une et le gouvernement représentatif de l'autre. La géométrie serait-elle, par hasard, au-delà du pas de Calais, différente de ce qu'elle est en France, et les triangles n'y ont-ils pas trois côtés comme partout?

poque de la restauration l'Église de France se

trouva double.

L'Église et l'État reconnaissaient tels siéges et tels évêques; l'État ne reconnaissait et ne payait qu'eux. D'autres arrivent et s'intitulent les évêques de ces mêmes lieux (1); le directeur reconnu du clergé est du nombre. Il est entouré de ces propriétaires de siéges fictifs, et attachés à leurs seules personnes, qui, hors de l'Église et de l'État, n'ont de bercail qu'eux-mêmes, sont à la fois les pasteurs et les brebis, et ne sont suivis que de leur ombre. Jamais on ne vit un pareil désordre. Si la force publique n'eût veillé, on aurait vu ces siéges imaginaires revendiqués par des hommes venus de l'étranger sur le sol français

(1) On lira dans la lettre de M. l'évêque d'Orthosia, insérée dans le chapitre suivant, que le pape refusa de recevoir la lettre que le cardinal Consalvi lui présenta au nom de ces évêques, parce qu'ils continuaient de prendre les titres des évêchés supprimés ou conférés à d'autres en vertu du concordat de 1801. Ces évêques avaient leurs lois et leur Église, à part des lois et de l'Église reconnues en France. Spectacle unique au monde, et bien peu attendu de la part d'un clergé, celui de venir dans un pays, non pas pour s'y conformer aux lois, mais pour y porter les siennes propres, et les faire subir à ce pays. On ne vit jamais rien de pareil.

pour donner un démenti aux lois civiles et religieuses qui le régissaient. On se demande toujours comment des hommes croient pouvoir s'en tenir aux principes qu'ils se sont faits pour euxmêmes, sans égard pour l'ordre au milieu duquel ils vivent, et qui n'est pas fait pour leur céder. Peut-être ces tentatives prenaient-elles leur fondement dans ce qui se passa à l'époque de la publication de la Charte, pendant laquelle on entendit appeler aux plus hautes fonctions de l'État, l'archevêque duc de Reims, l'évêque duc de Langres, l'évêque comte de Châlons, quoique l'Église ni l'État ne connussent aucun de ces siéges ni de ces titulaires ; et il ne peut

y

avoir de titulaires sans siéges. A la même époque, le livre destiné à faire connaître à la France et à l'Europe la composition de tout ce qui forme les pouvoirs publics, ouvrage qui porte un caractère officiel, l'Almanach Royal, n'a pas cessé de dire M. de la Fare, évêque de Nanci ; et l'Église, ni l'État, ni Nanci, ne le reconnaissent pour l'évêque de ce lieu. On y a lu long-temps, M. l'archevêque duc de Reims, M. l'évêque de Saint-Malo, ambassadeur à Rome; et Rome ni la France ne reconnaissaient l'évêque de Saint-Malo. Par une es

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