Page images
PDF
EPUB

calculé. Il servait de correctif au concordat de 1516 et de 1801 : il devrait servir de modèle à tous les autres. Si tous les concordats avaient été faits dans le même esprit, de grands maux auraient été prévenus.

Je ne balance pas à le dire, ce concordat était un acte de lumière, favorable au monde entier, et qui, dans l'état de ce même monde, ne peut manquer, un peu plus tôt, un peu plus tard, de devenir sa règle. Fions-nous à la raison.

Le concordat n'était entaché d'aucun mélange de matière bénéficiale avec les objets purement religieux.

L'acte qui rendait la paix à la France dans une partie aussi essentielle que l'est l'ordre religieux ne pouvait être qu'un acte éminemment national, parce que tout ce qui est vraiment religieux entre dans les intérêts les plus intimes d'une nation. Il n'y a que les choses nominalement religieuses qui sortent de ces mêmes intérêts. Il est vrai qu'alors ces mêmes choses ne sont que des prétextes. Par le concordat, toute influence étrangère était interdite, et l'État mis à l'abri des conséquences des prétentions de Rome, qui l'ont tant troublé. A cet égard

rien n'entrait plus avant dans les intérêts de la nation.

Ainsi, par cet accord de toutes les conditions requises pour la bonne constitution d'un concordat, accord qui se trouvait pour la première fois depuis l'abolition de la pragmatique, les contestations qui avaient si long-temps et si péniblement agité l'Église et l'État avaient atteint un terme. Ces querelles avaient été pour les temps modernes, ce que furent celles des ⚫ investitures pour les âges antérieurs.

On a un seul reproche à faire à cet acte: son auteur et son temps. Mais que sont les noms et les temps, lorsqu'il s'agit de la vérité, également utile à la religion et à l'humanité ? la vérité perd-elle de ses ineffables attributs, pour être proclamée dans un temps, ou par un homme? Pour prendre le chemin de l'Amérique, pour expliquer l'organisation de l'univers, a-t-on demandé quelles mains avaient soulevé les voiles qui dérobaient l'une et l'autre aux regards des mortels? Pour suivre les Espagnols vers les sources des richesses, a-t-on commencé par vérifier si leurs traces n'étaient pas teintes de sang? Le monde

n'est pas un théâtre où la fin de chaque pièce fait demander le nom de l'auteur.

Mettons donc les noms à part; ne voyons, dans le concordat de Fontainebleau, que ce qui s'y trouve, le plus haut degré d'utilité pour les sociétés religieuses et pour les sociétés humaines.

CHAPITRE XLI.

Esprit du clergé à l'époque de la restauration.

DANS l'espace de treize ans, le clergé a éprouvé deux grandes joies : la résurrection de 1801, et la restauration de 1814. L'une semblait lui garantir l'accomplissement des promesses que l'autre lui avait faites. Sortir des mains de Napoléon pour tomber dans celles du fils aîné de l'Église, passer d'un souverain militaire et philosophe au roi très-chrétien, certes, c'était revenir des rives de l'Euphrate sur les bords du Jourdain. La première éducation des prê-tres est longue et fastidieuse; si, comme tout le monde, ils ont de la peine à oublier, comme tout le monde aussi ils en ont à apprendre : sous Napoléon, il fallait sans cesse refaire son éducation, ou mettre en oubli la première; continuer ce qu'ils avaient appris, dut leur paraître un sort plus doux. Napoléon avait fait tout ce qu'il avait pu pour dégoûter le clergé de lui; emprisonner le pape, faire des conciles, les dissoudre, capturer ses membres, enfer

T. III.

2

mer un bon nombre d'ecclésiastiques, et mille autres choses encore, il y en avait plus qu'il ne fallait pour faire rejeter, comme un fardeau insupportable, le Zorobabel de 1801. Le clergé ne lui tenait plus compte de rien. Il eût fait des miracles qu'on leur eût cherché querelle. Sûrement le concordat de Fontainebleau est l'acte le plus lumineux qui, depuis mille ans, eût été fait dans la catholicité, et qui devrait à jamais lui servir de règle; ch bien! le clergé n'y voyait que le pape à Avignon. Quand une fois les esprits en sont venus là, tout est perdu, il faut un changement. Il venait d'avoir lieu, la joie du clergé fut immodérée ; il voyait les cieux ouverts, il attendait la descente de la manne. Les gens qui connaissent le monde, sans se méfier de ces bontés du ciel, cherchaient par où elles allaient se manifester.

La satisfaction du clergé était dans la nature des choses. Il a toujours aimé la famille de saint Louis, toujours il a été aimé d'elle; le temps qui fortifie, comme il détruit, a resserré les liens qui les unissent; le clergé se reconnaît à cette famille, comme elle se reconnaît avec lui. Napoléon était une nouvelle connaissance donnée par le malheur, acceptée par le besoin,

« PreviousContinue »