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Ce jugement d'hommes compétents et impartiaux ne peut soulever aucune observation. Sera-t-il permis néanmoins à l'un des favorisés du jury d'exprimer ici un regret?

Aucun travail d'ensemble n'a été publié sur un concours aussi considérable, pour exprimer la moralité de cette vaste enquête, pour en dégager la réponse aux grandes questions solennellement posées par M. Isaac Péreire. Cependant, en dehors des vingtcinq mémoires couronnés, beaucoup d'autres méritaient l'attention et avaient droit peut-être à quelque publicité.

Dans chacun d'eux se serait trouvée une fraction de vérité, une parcelle d'or à recueillir et à mettre en lumière. L'artiste a manqué à cette œuvre si désirable. M. Isaac Péreire n'était plus là. Il n'aurait pas, lui, laissé perdre ce suffrage raisonné de plusieurs centaines d'écrivains étudiant de bonne foi la question sociale, et c'est, pensons-nous, dans la signification collective de cette manifestation sans précédent qu'il eut trouvé le principal profit du concours et la vraie récompense de sa générosité.

Le jury, obéissant aux scrupules de son impartialité, n'a pas voulu dépasser son strict mandat. Peutêtre, en effet, l'achèvement de l'entreprise de M. Isaac Péreire aurait-il lieu plus librement par les soins de ses fils et de ses amis. Nous ignorons si la chose est encore faisable. On retrouverait probablement dans les consciencieuses analyses du secrétaire infatigable du concours, le fin et judicieux M. Saléta, et dans la collaboration volontaire des concurrents eux-mêmes,

les éléments d'un livre utile qui serait forcément consulté par tous les écrivains sociaux de l'avenir et qui, mieux que quelques mémoires récompensés, perpétuerait sûrement le nom du fondateur du concours. S'il en était autrement, nous regretterions toujours, quant à nous, la dispersion de tant de feuilles où chacun avait mis de son cœur, de son observation personnelle et de sa pensée (1).

Le présent ouvrage, bien que classé dans la première série dite du paupérisme, touche à toutes les questions du programme. Il n'a pas paru possible à son auteur de s'attacher à une solution unique du mal populaire; il croit que le remède est aussi multiple qu'il y a de fonctions diverses dans la société et que la guérison doit venir de tous les côtés à la fois. C'est du moins l'idée qu'il a voulu exprimer par ce titre d'Hygiène sociale qu'il donne aujourd'hui à son travail.

Le mémoire publié n'a pas subi de changements essentiels. On y a seulement introduit quelques faits nouveaux survenus depuis quinze mois; il a bien fallu tenir compte des réformes passées à l'état de mesures accomplies, dont on ne parlait auparavant que comme de simples projets.

L'auteur a été heureux et surpris, à cette occasion, de pouvoir en constater le nombre et l'importance. Il

(1) Nous proposerions même alors à tous nos co-lauréats de composer, en coopération, un volume, de la substance de nos écrits récompensés. Vingt-cinq études analytiques d'une vingtaine de pages, fournies par les auteurs couronnés, formeraient, par leur réunion, un livre populaire plus instructif et plus intéressant peut-être que n'importe quel mémoire en particulier,

lui suffira d'indiquer ici, en ce qui concerne la France seulement l'institution de la Caisse d'épargne postale, l'admission récente des associations ouvrières aux adjudications des travaux de la Ville, la création d'un grand établissement de crédit populaire, un premier vote acquis à la réforme des ventes judiciaires d'immeubles de la petite propriété, le chemin fait par les propositions relatives à la réforme des détestables impôts sur les boissons, le service nouveau de l'assistance des enfants moralement abandonnés, la gratuité de l'enseignement primaire, l'obligation légale de l'instruction et enfin les importantes lois financières pour la construction des écoles et le développement des moyens de savoir.

Ce sont là des progrès considérables qui prouvent que les quinze derniers mois sont loin d'avoir été stériles. On ne pouvait les passer sous silence. Puissent des progrès nouveaux et rapides enlever bientôt à ce livre tout ce qui lui reste en intérêt d'actualité.

Paris, 20 juin 1882.

Ad. C.

L'auteur sera profondément reconnaissant de toutes les rectifications et informations nouvelles qu'on voudra bien lui adresser personnellement, 4, cité Gaillard, à Paris.

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HYGIÈNE SOCIALE

CONTRE LE PAUPERISME

CALIFORNIA

CHAPITRE PREMIER

LE PROBLEME DU PAUPÉRISME

Concours institué par M. Isaac Péreire. Données du programme sur l'instruction, le crédit, la prévoyance et les impôts. — Caractère général des idées Saint-Simoniennes.

Un homme dont le nom, joint à celui de son frère, est imprimé sur beaucoup d'œuvres grandioses qui se sont accomplies dans le dernier demi-siècle, M. Isaac Péreire, a institué, quelques mois avant de mourir, comme par un acte de sa dernière volonté, un concours sur le Paupérisme.

C'est une noble et généreuse idée, digne du journaliste de 1830, du professeur d'économie politique de 1831, du fondateur de nos premiers chemins de fer de 1835 à 1852 et du financier qui, sous l'Empire, émerveilla le monde des affaires par ses conceptions hardies et ses vastes spéculations.

M. Péreire a eu raison. Sous un aspect particulier, c'est en définitive le problème social qu'il a soulevé encore une fois avant de mourir. Car il n'était pas de ceux qui nient la

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