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bon sens voudrait qu'il acquittât toujours les mêmes droits. La réglementation fiscale a renversé le bon sens. Dans le cas de la propriété collective, l'action au porteur échappe à l'impôt de succession, l'action nominative le paie amoindri; par contre, dans le cas de la propriété individuelle, le titre personnel de l'héritier supporte le maximum de l'impôt.

Grâce enfin à la surcharge constante des droits fixes de timbre et d'enregistrement imposés par la procédure et grâce aux impôts latents qui accompagnent ces droits réels, sous forme d'honoraires des agents de procédure, la petite propriété est toujours infiniment plus accablée que la grande, l'épargne du modeste travailleur s'émiette entre les mains du receveur et des gens de loi, et peut à peine se transmettre aux plus pauvres héritiers. Régime d'inégalité, d'amertume et de découragement.

Le remède à cette situation serait d'abord dans une modération des droits fiscaux, et ensuite, comme la indiqué très judicieusement M. Isaac Péreire, dans un mode de perception qui répartirait la charge de l'impôt de mutation sur un certain nombre d'années. Un abonnement sur le revenu remplacerait le prélèvement sur le capital. Au lieu d'un amoindrissement du fonds, on aurait une obligation d'épargne.

Par analogie avec le droit de transmission des titres au porteur, devenu un complément de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, les droits de mutation sur les immeubles, payés par abonnement ou par annuités, deviendraient. un complément de la contribution foncière. On pourrait alors aisément transformer celle-ci en un impôt de quotité, ce qui la rendrait sensible à tous les accroissements de la richesse, sans qu'elle cessât jamais d'être proportionnelle à la productivité des capitaux immobiliers.

Une telle réforme, une telle transformation n'est possible qu'à la condition de ne point individualiser les' capitaux, de ne point les différencier, subjectivement en quelque sorte,

par des droits ou des charges attachés aux personnes des propriétaires. Il ne doit pas y avoir de capitaux de la ligne directe ou de la ligne collatérale, de capitaux mariés ou célibataires. Ce sont de bizarres conceptions qui rappellent les anomalies du droit féodal attachant des titres ou des fonctions à telle ou telle terre. Il n'y a jamais, sous quelque forme qu'elle se présente, qu'une chose identique, le capital, dont la valeur est imposable indépendamment des personnes qui le possèdent et des circonstances accidentelles de leur entrée en possession.

Ce n'est qu'à la faveur de ce principe, élémentaire en économie politique, que nous sortirons de ce chaos d'illogismes de notre législation fiscale.

CHAPITRE XXIX

LES DROITS DE CONSOMMATION

Certains avantages des contributions indirectes. Répartition des droits de consommation et des droits d'octroi. — Improportionnalité et cherté des droits sur les boissons. L'antagonisme du vin et de l'alcool. — Projet de réforme.

Lorsqu'on s'est rendu compte des vices. et des inégalités soit des contributions directes soit des impôts sur le mouvement des capitaux et des personnes, ce n'est pas sans un certain apaisement qu'on aborde le chapitre des droits de 'consommation. Malgré leur défaut capital d'être des contributions indirectes, c'est à dire des impôts impersonnels, inaperçus des électeurs, et permettant aux gouvernements d'esquiver bien des responsabilités; malgré leurs frais énormes de perception et la gêne qu'ils causent à un grand nombre de productions; malgré enfin le renchérissement dont ils frappent les denrées et dont les travailleurs sont les premiers à souffrir, ils n'offrent pas toujours ces inégalités monstrueuses que l'on a pu constater à l'occasion des autres impôts. Tandis que les contributions qu'on appelle directes vont bien souvent frapper un but qu'on n'avait pas visé, celles qu'on nomme indirectes, à cause de leur perception, sont presque les plus immédiates comme incidence.

Les impôts sur le revenu ou le capital, ceux sur la richesse circulante, n'atteignent que les valeurs qui ne peuvent se dissimuler, et alors, par une sorte de revanche rancunière,

ils frappent très lourdement tout ce qui, par essence ou par circonstance, ne peut se soustraire à la publicité. Ainsi le capital acquitte plus d'impôts que le talent personnel, la propriété plus que le capital, l'association plus que l'individualité. De là, sinon en droit, du moins en fait, une inégalité dont il faut tenir grand compte dans la réforme des impôts et qui plaide en faveur des droits de consommation, parce qu'à ceux-ci nul ne peut se soustraire; ce sont les plus généraux de tous dans l'application.

Ces droits de consommation arrivent pourtant à un chiffre formidable 1,219 millions, au budget de 1880, sans y comprendre encore les droits d'octroi des communes, qui montent à environ 300 millions, et qui sont de même nature.

Le total des droits de douane et des contributions indirectes s'élève même encore plus haut sur les états officiels; ils y figurent pour 1,371,352,000 francs. J'en ai défalqué, pour des raisons déjà données, l'impôt sur les transports à grande vitesse (86,356,000 francs) et la partie des recettes sur les tabacs et les poudres qui ne fait que rembourser les dépenses des manufactures de l'État et qui a ainsi le caractère d'une recette spéciale (65,728,400 francs).

Le reste se répartit comme suit :

Boissons (dont 200 à 220 millions sur l'alcool et les

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Denrées coloniales (café, cacao, thé, épi

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On n'a pas, je crois, publié le détail des droits d'octroi pour toute la France, mais le voici pour la ville de Paris, tel qu'il résulte du compte général des recettes et des dépenses de l'exercice 1879 :

Aux droits d'octroi proprement dits, s'éle

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plus spécialement applicable aux consommations.

Il se répartit ainsi très approximativement :

Vins, alcool, cidres, poirés, bières, raisins, etc.; droit sur les bouteilles

entrepôts

Vinaigres et conserves, huiles comestibles.

Fr. 70.026.000

5.988.000

20.010.000

7.327.000

3.613.000

Bestiaux, viandes et issues (y compris les droits d'abattoirs).
Volailles, gibier, poissons, huîtres, pâtés, truffes, viandes

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Droits de halles et marchés pesant presque exclusivement sur les 106,964,000 fr. de comestibles ci-dessus et sur les autres denrées alimentaires non frappées de droits, telles que légumes de toutes sortes.

Total pour les comestibles.

Gaz d'éclairage, huiles végétales à brûler, huiles minérales et animales, essences, vernis, goudrons, éthers et chloroformes, suifs et bougies stéariques, dont le total grève presque exclusivement l'éclairage..

7.204.000 114.168.000

14.439.000

Combustibles, entrepôts à domicile, abonnements des

usines.

12.761.000

.

Matériaux de construction, bois à ouvrer, asphaltes, verres à vitres, glaces, etc.

12.846.000

Fourrages (grevant la circulation qui est déjà frappée de 4,324,000 francs sur les voitures publiques)

4.451.000

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