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acquis pour les titres anciens; mais qu'est-il arrivé pour les titres créés postérieurement à l'impôt? Les Compagnies qui ont émis de nouvelles obligations, ont dû tenir compte de la révolution opérée par l'impôt. Elles plaçaient auparavant leurs titres au taux de 5 0/0, je suppose; ce taux n'a pas varié du fait de l'impôt: l'intérêt courant d'une place financière résulte de l'état général de l'offre et de la demande des capitaux et de la concurrence que se font, sur le même marché, toutes les valeurs françaises et étrangères, qui se disputent les épargnes nouvelles ou les capitaux disponibles. Or, il est bien évident que l'impôt n'a pu modifier ce rapport général des titres et des capitaux circulants; le capitaliste français est tout aussi libre qu'auparavant, si l'obligation nouvelle d'une compagnie industrielle ne lui présente plus les mêmes avantages, de se rejeter soit sur les fonds étrangers, qui lui offrent un revenu égal ou supérieur, soit sur la rente française, dont la sécurité lui permet de consentir à un intérêt un peu moindre. De l'existence de ces issues laissées ouvertes, il résulte que le capitaliste peut se refuser de payer l'impôt, et que les Compagnies doivent le supporter. Contraintes de procurer à leurs prêteurs un revenu de 30/0 comme auparavant, elles émettent leurs obligations à 291 francs au lieu de 300 francs, c'est-à-dire qu'elles empruntent à un taux beaucoup moins avantageux, qui grève toutes leurs entreprises et qui les constitue dans une infériorité réelle vis-à-vis des entreprises de l'État français ou vis-à-vis de l'étranger.

Il n'en serait pas de même si l'impôt portait également sur tous les émetteurs de titres, sur l'État français et sur les États étrangers, comme sur les fonds des villes et des départements, comme sur les sociétés foncières, industrielles ou financières. Alors, il n'y aurait plus d'issue permettant au contribuable de s'échapper, ce serait bien le taux général de l'intérêt qui aurait été modifié par l'impôt, et il n'en résul

terait aucun désavantage particulier pour les associations de capitaux. J'ajoute enfin que cette participation des fonds d'État à l'impôt serait une garantie de justice et de modération pour les villes et les sociétés particulières le ministre des finances et les agents du Trésor seraient les premiers à se défendre contre l'impôt, ils feraient cause commune avec les associations particulières, au lieu de sacrifier constamment celles-ci à l'âpreté du fisc; l'État conserverait la supériorité naturelle de son crédit, mais il ne l'augmenterait pas artificiellement d'une exemption d'impôt injustifiée.

En vain prétendrait-on que l'impôt appliqué aux valeurs de l'État serait le déguisement d'une spoliation des rentiers français, d'une banqueroute partielle; le même argument pourrait s'appliquer à toutes les contributions. Frapper le rentier sur ses meubles ou sur sa boisson, ou le frapper sur sa rente, c'est tout un. Il y aurait spoliation, il est vrai, comme il y a eu spoliation pour les actionnaires et les obligataires des compagnies, le jour de la première application de l'impôt. La rente baisserait en proportion de la réduction infligée au revenu annuel, mais cette réduction pourrait être successive, non totale comme on l'a faite à l'égard des valeurs mobilières; mieux encore, elle pourrait s'introduire à la faveur d'une conversion générale des rentes qui ont dépassé le pair. Enfin, si l'on redoutait toute novation aux contrats anciens, on pourrait du moins renoncer pour l'avenir à ce système de privilège des rentiers et appliquer l'impôt à tous les emprunts nouveaux.

Cela suffirait à rétablir l'équilibre avec les autres valeurs et cela autoriserait à étendre l'impôt à tous les fonds publics étrangers. On a voulu exonérer ceux-ci de crainte de représailles. On s'est dit si nous imposons la rente italienne, la rente américaine, la rente autrichienne, la rente turque; à leur tour, l'Italie, les États-Unis, l'Autriche, la Turquie

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imposeront notre rente sur leur propre marché. On comprendrait cette crainte si nous n'avions qu'un crédit précaire dépendant des emprunts à négocier à l'étranger, mais nous sommes très loin heureusement d'une telle situation.

La portion de nos rentes qui reste classée dans les portefeuilles étrangers est tout à fait minime et pour ainsi dire négligeable. Non seulement nous nous suffisons à nousmêmes, non seulement nous sommes nos propres créanciers, mais nous sommes encore ceux du monde entier et c'est nous qui dictons nos conditions financières à tous les États emprunteurs de l'ancien et du nouveau continent. Nous n'avons donc aucune crainte à concevoir, aucun ménagement à garder, que celui de la justice et de l'équité.

Eh bien, la justice et l'équité exigent que tous les revenus soient également frappés du même impôt, et qu'aucun groupe de capitaux, fussent ceux du Trésor lui-même, ne soit protégé d'une manière exceptionnelle. Quand on aura satisfait à ce devoir de morale financière, l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières sera devenu une contribution directe qui pourra prendre place à côté de la contribution foncière. Ce sera, comme elle, un impôt sur un revenu spécial, un impôt impersonnel. Elle aura toutes les facilités d'assiette et de perception de ce genre d'impôt. Elle en aura aussi les inconvénients et les inégalités relatives. On devra donc la maintenir, comme les autres contributions directes, dans une proportion modérée, qui ne laisse trop sentir ni les inégalités ni les doubles emplois.

CHAPITRE XXVIII

LES IMPÔTS SUR LA CIRCULATION (suite).

ET L'ENREGISTREMENT

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Droits fixes et improportionnels. Droits progressifs à rebours sur les ventes judiciaires d'immeubles; écrasement de la petite propriété. Successions et donations; on impose non les capitaux mais les circonstances. Impôts latents plus forts que les droits fiscaux. Tous ces droits sont condamnés par l'inégalité de leur incidence.

Nous arrivons maintenant aux droits de timbre et d'enregistrement. Nous en avons vu le total énorme, qui, d'après les prévisions de 1880, était de 488 millions et demi pour l'enregistrement et de 140 millions pour le timbre.

Le budget ne donne pas chaque année la décomposition de ces sommes colossales. Pour se faire une idée approximative des éléments qu'elles embrassent il faut se reporter à quelque année antérieure. Voici le détail des droits perçus en 1875:

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d) Transmission des valeurs mobilières.

Droits non sujets aux décimes abonnement à 0,20 0/0 par an pour les titres au porteur; droit de 0,50 0/0 par transmission pour les titres nominatifs...

e) Droits de greffe.

22.796.000

Droits fixes mise au rôle, rédaction et transcription, expédition; - droits proportionnels: bordereaux de collocation et d'adjudication..

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f) Droits d'hypothèques.

Droits fixes inscriptions diverses, transcriptions
d'actes et jugements, salaires du conservateur pour
tous enregistrements non soumis à un droit pro-
portionnel. Droits proportionnels 1 p. 1,000
sur les inscriptions d'hypothèques; 0.50 0/0 sur
les transcriptions par suite de partages d'ascendants;
1.50 0/0 sur les transcriptions par suite de muta-
tions et donations
Autres perceptions (1)

TOTAL DES DROITS D'ENREGISTREMENT, DE GREFFE
ET D'HYPOTHÈQUES

5.549.000

4.123.000

52.807.000

452.970.000

(1) Je ne trouve dans la partie statistique du Traité des Impôts, de M. Ed. Vignes, aucune explication sur cette somme. Elle paraît provenir, au moins pour la majeure partie, des deux décimes et demi ajoutés au principal des droits d'enregistrement. Le désaccord des sommes par

tielles avec le total général provient des centaines négligées.

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