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taxe de l'habitation, qui détournerait de l'amour du foyer et de la possession du chez soi, en renforçant encore la funeste attraction des cercles, des cafés, des cabarets et autres lieux banals de réunion.

Dans cette crainte, on ne devrait pas en exagérer l'importance et il y aurait nécessité de dégrever les petits loyers en exonérant de tout impôt un minimum de revenu, en raison du nombre des membres de la famille, 600 francs, par exemple, par personne adulte et 300 francs par enfant de moins de 15 ans.

Supposons qu'on établisse comme présomption générale que le loyer représente le sixième du revenu total (1); dans cette hypothèse :

100 francs de loyer pour un homme ou une femme seule,

impliquant un revenu de 600 francs, ne seraient pas taxés; 200 francs de loyer, impliquant 1,200 francs de revenu, seraient taxés jusqu'à concurrence de 600 francs pour un homme ou une femme seule, et ne seraient pas taxés du tout à l'égard d'un homme marié ;

300 francs de loyer, impliquant 1,800 francs de revenu, net seraient pas taxés si l'homme était marié et père de deux enfants.

400 francs de loyer, impliquant 2,400 francs de revenu, ne

seraient pas taxés si l'homme était marié et père de quatre enfants, ou si, vivant avec son père ou sa mère, il n'avait que deux enfants.

Ce chiffre de 400 francs forme la limite des loyers que la ville de Paris a exonérés de la contribution mobilière.

L'avantage d'un impôt sur le revenu général est ainsi, vu son caractère personnel, de se prêter aux dégrèvements exigés

(On estime qu'à Paris le logement représente le sixième du revenu jusqu'à 1,200 ou 1,500 francs, le huitième jusqu'à 6,400 francs, le dixième au delà.

par les circonstances, ce qui est à peu près impossible dans le cas des impôts sur les revenus spéciaux.

Il est à désirer pourtant que l'impôt direct soit toujours perçu sur des revenus nets, et non sur des revenus bruts qui sont souvent grevés de charges particulières. Un revenu foncier peut être frappé d'une redevance hypothécaire, un profit industriel ou commercial peut être assujetti à un intérêt de commandite, un même revenu dans chacune de ces catégories peut s'appliquer tantôt à un individu célibataire, tantôt à un ménage sans enfants, tantôt à une famille nombreuse. L'impôt général sur le revenu, s'il était possible, tiendrait compte de toutes les défalcations nécessaires et devrait éliminer les doubles emplois; des impôts sur les revenus spéciaux, au contraire, n'en peuvent tenir aucun compte.

La première assemblée constituante voulait corriger les doubles emplois pour arriver à une exacte proportionnalité. Ainsi, en frappant le revenu d'après le loyer, elle admettait que l'on déduirait du revenu ainsi évalué la part pour laquelle le contribuable justifierait avoir déjà payé l'impôt foncier. C'était là une idée juste bien que d'une application difficile. Mais l'impôt foncier n'était pas le seul qui fît double emploi la patente atteignait aussi les mêmes revenus que la taxe personnelle et la taxe mobilière.

De nos jours, un tel système de dégrèvement, bien que séduisant au premier abord, serait radicalement impuissant à rétablir l'égalité, à cause de la multiplication des créances et des valeurs mobilières. L'impôt sur le revenu des titres ou créances fait certainement double emploi dans une large mesure avec tout impôt général sur le revenu, mais il serait impossible de le défalquer de celui-ci. S'imagine-t-on la difficulté inouïe de constater nominativement pour chacun la perception de l'impôt sur le revenu du moindre titre, pour en tenir compte ensuite dans l'assiette de la contribution générale sur le revenu ?

La chose serait impraticable. Il faut donc renoncer à l'impôt unique et inique sur le revenu général. Il faut se résigner aux impôts directs multiples, spéciaux ou généraux, les uns sur constatations, les autres sur présomptions, d'autres encore peut-être sur déclarations plus ou moins véridiques, en les maintenant tous dans des limites assez modérées, pour que les inégalités et les doubles emplois restent peu sensibles.

Sans doute, la contribution foncière, les portes et fenêires, les patentes, les impôts sur les valeurs mobilières visent partiellement et séparément ce même revenu que la taxe personnelle, la taxe mobilière et les taxes somptuaires viennent à leur tour frapper en bloc, mais qu'importe si, chaque groupe d'impôts restant au dessous de ce qu'il devrait. exiger du contribuable, le double emploi arrive à reconstituer l'intégralité de la contribution.

C'est là un empirisme que, dans l'état présent des fortunes privées, il ne paraît pas possible d'éviter.

Un nouvel impôt général sur le revenu, d'après la déclaration du contribuable, ne serait point substitué utilement aux contributions directes actuelles, il ne pourrait que leur être superposé en formant une cinquième ou sixième contribution. Cet impôt sur le revenu n'aurait donc pas le caractère d'un impôt général et fondamental, mais seulement d'une taxe de redressement et de compensation, frappée sur les contribuables aisés pour faire contrepoids à la trop lourde incidence des impôts de mutation et de consommation qui pèsent sur les contribuables pauvres. Dans ces conditions, on ne pourrait l'établir que sur les revenus dépassant le salaire habituel d'un ouvrier ou d'un petit employé, et il ne deviendrait jamais susceptible d'un rendement considérable.

On voit, en définitive, d'après cet exposé sommaire des contributions directes, que, tout en se prêtant à des réfor

mes utiles et productives, elles n'offrent pas encore la possibilité d'une assez grande extension pour que, d'une manière générale, on arrive à les substituer totalement aux impôts de mutation et de consommation que nous allons passer en

revue.

CHAPITRE XXVII

LES IMPÔTS SUR LA CIRCULATION

La série des impôts sur la circulation. Postes et télégraphes. Chemins de fer. - L'impôt sur les valeurs mobilières.

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Les impôts sur la circulation des capitaux et des personnes s'élèvent, avons-nous vu, à près de 800 millions par an. Nous les groupons comme suit, en prenant les chiffres du budget de 1880:

Droits d'enregistrement, de greffe et d'hypothèques

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Taxe sur les biens de mainmorte.

Impôt de 3% sur le revenu des valeurs mobilières

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Produit des 2 dixièmes du prix de transport des voyageurs et des marchandises par chemin de fer en grande vitesse et par autres voitures publiques.

488.595.000

140.221.000

9.165.00

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5.150.000

34.274.000

86.356.000

Recettes nettes des postes et télégraphes (déduction faite des dépenses).

24.957.000

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On voit figurer dans cette série le produit des amendes et des condamnations judiciaires, parce que, lorsqu'elles ne

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