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époque, en même temps que la législation et la jurispru dence s'amélioraient à leur égard.

Je relève, dans un extrait du rapport officiel de 1869 au parlement anglais, les chiffres relatifs aux principales sociétés, aux sociétés fusionnées (amalgamated), qui embrassent une grande partie du royaume et qui se subdivisent en autant de branches ou de loges qu'il y a de localités.

Les mineurs ont 54.000 membres associés. Les mécaniciens en ont 33.474, divisés en 312 loges; ils ont 2 millions 81,125 fr. de recettes annuelles et une réserve totale de 2,467,475 francs. Les maçons d'Angleterre et d'Irlande comptent 18,281 associés, divisés en 282 loges; les fondeurs en fer sont 9,853, divisés en 103 loges; les charpentiers et menuisiers en bâtiment, 9,115 en 149 loges; les ouvriers en chaudières sont 9,000. Les charpentiers et menuisiers sont 8,736, divisés en 218 loges; ils ont 492,300 francs de recettes et une réserve de 429,475 francs. Puis, viennent les fileurs du Lancashire, 8,000; les lamineurs de Gateshead, 6,000; les carrossiers, 5,430; les bricklayers (maçons en briqueterie) de Sheffield, 5,242; les peintres en bâtiment, 3,960; les bricklayers de Londres, 3,409, en 96 loges; les typographes, 3,300; les charpentiers écossais, 3,154, etc.

En somme, on estimait à cette époque le nombre des sociétés à 2,000, leur personnel à environ 800,000 associés, et leur budget annuel à environ un million de livres sterling (25 millions de francs).

Ces chiffres remontent à 1868; le Congrès des tradeunions, tenu à Dublin du 13 au 18 septembre 1880, en donne de beaucoup plus élevés, mais probablement moins précis, puisqu'ils émanent des intéressés eux-mêmes. A ce congrès, 122 délégués, dont 101 anglais ou écossais, représentaient 107 sociétés seulement, composées d'environ 500,000 membres. Les mineurs, représentés au congrès, tant ceux de l'Union nationale que ceux du Duramshire et du

nord du Yorkshire, étaient 80,000; les mécaniciens, (44,000)1; les membres du Conseil des métiers de Glascow, 36,000; les membres de la Société des ouvriers agricoles, 20,000; les maçons, 20,000; les ouvriers en chaudières de machines à vapeur, 17,700; les charpentiers et menuisiers, 17,000: les hommes de peine du Kent, 16,000; les membres du Conseil des métiers de Londres, 16,000; les tisseurs du nordest du Lancashire, 16,000; les tailleurs, 13,576; les employés de chemins de fer, 13,200; les fondeurs en fer. 11,534; les membres du Conseil des métiers d'Édimbourg, 10,000, etc.

Il est clair que presque toute la population ouvrière de la Grande-Bretagne est groupée en trade-unions (2) Le fait de l'association professionnelle est devenu une coutume générale qui s'est imposée à la loi. Cependant, l'Angleterre n'est pas encore parvenue au régime de tolérance absolue, dont semblent jouir les unions américaines. Elle ne leur a pas reconnu, comme l'État de New-York, la personnalité civile et le droit de posséder; mais enfin, dès 1868, elle avait rendu une loi transitoire où se trouvait défini ce qui, dans les statuts d'associations ouvrières, doit être regardé comme une restriction du commerce: l'injonction, par exemple, aux membres associés de n'admettre qu'un certain mode de travail, tel que

(1) La plus importante de toutes les trade-unions du Royaume-Uni, dit M. Ludlow à l'occasion de cette corporation, est restée jusqu'à présent en dehors de la loi sur les associations: c'est la Société fusionnée des mécaniciens (Amalgamated society of engineers). Fondée en 1851, cette association avait, à la fin de 1876, 44,578 sociétaires et, en fonds, £ 275,146 (6,878,650 francs). (Comptes rendus du Congrès des institutions de prévoyance, p. 291.)

(2) M. Howell estime que le nombre des sociétés locales seulement, sans compter les fédérations, ne peut guère être inférieur à 3,000; que le nombre total des sociétaires ne peut être moindre de 1,250,000, et que leurs revenus annuels, aussi bien que leurs fonds, doivent monter à bien près de 2 millions de livres (50 millions de francs). Ibid. p. 292.

le travail à la journée, ou l'obligation de quitter l'ouvrage après un certain nombre d'heures, etc. Toute insuffisante qu'elle fût, la loi de 1868, dès sa promulgation, avait permis à une association d'obtenir justice en faisant condamner un caissier infidèle.

La législation anglaise a été encore retouchée en 1871 et en 1876, mais ce n'est toujours qu'un régime provisoire qui suffit aux strictes nécessités de l'association et qui prépare une législation plus complète et plus libérale (1).

Nous sommes loin maintenant des crimes de Sheffield et le sentiment qui semble prédominer de plus en plus en Angleterre, est celui de l'indestructibilité des associations. L'enquête et l'expérience ont démontré leur puissance, qui peut se retourner contre la société, si on leur refuse une existence régulière, et qui, au contraire, peut s'employer activement au bien public, si on leur accorde la liberté du grand jour et la responsabilité qui résulte de la personnalité légale.

« Le grief le plus souvent opposé aux associations ou

(1) M. Ludlow, chef de l'enregistrement des sociétés de secours mutuels, dans son excellent mémoire sur la prévoyance ouvrière dans le Royaume-Uni, caractérise comme suit les trade-unions : « Une loi de 1876, qui modifie et complète celle de 1871, définit ainsi la trade-union : toute coalition (combination) temporaire ou permanente, ayant pour but soit de régler les rapports entre ouvriers et patrons, ou entre ouvriers et ouvriers, ou entre patrons et patrons, soit de soumettre à des conditions restrictives l'exercice d'un commerce ou d'une occupation (business) quelconque. Les objets d'une trade-union ne sont pas illégaux, bien qu'ils portent entrave au commerce. Mais cette législation est purement négative. Aucun tribunal ne peut mettre à exécution les contrats entre les membres d'une trade-union en ce qui concerne 1 les conditions auxquelles les sociétaires vendront ou ne vendront pas leurs denrées, exerceront leur commerce, emploieront ou seront employés; 2o le payement des cotisations ou amendes à la trade-union; 3° l'application des fonds d'une trade-union. La loi intervient seulement pour protéger contre la fraude et la mauvaise foi les fonds d'une trade-union enregistrée. » (Comptes rendus du Congrès des institutions de prévoyance en 1878, p. 289.)

vrières, dit M. le comte de Paris, est tiré des grèves nombreuses auxquelles elles sont mêlées. C'est à peu près comme si l'on disait que l'invention de la poudre est la cause de toutes nos guerres. En introduisant dans ces luttes une tactique plus habile, elles en ont certainement augmenté la gravité, mais elles ne les ont pas rendues plus fréquentes. >> Bien au contraire, elles peuvent excellemment contribuer au développement des institutions pacifiques qui rendront les grèves inutiles. M. le comte de Paris cite, à ce sujet, des' exemples frappants de pacification et de régularisation permanente des rapports entre ouvriers et patrons, qui n'ont pu se produire qu'avec le secours des associations, parce que leur discipline a permis d'établir des règles et des tarifs raisonnés qui sont revisables chaque année et dont l'application est surveillée par des conseils d'arbitres.

En matière d'association professionnelle, comme sur tant d'autres points, c'est encore et toujours la liberté qui semble apporter le bienfait là où la compression n'engendre que le désordre et que le crime.

CHAPITRE XIX

LE FONCTIONNEMENT NORMAL DES UNIONS OUVRIÈRES

Peut-on

Attributions multiples des trade-unions; inconvénients et avantage Principe de la séparation des fonctions et des pouvoirs. assurer contre le chômage? L'efficacité des unions ouvrières ne tient pas à leur puissance matérielle. Efficacité des unions tant qu'elles restent dans la vérité économique.- Concours qu'elles peuvent apporter aux patrons pour la garantie du travail. Les vices des trade-unions sont transitoires et disparaissent avec la liberté. - Da correctif qu'elles trouvent dans la coopération.

Ils nous faut maintenant entrer plus avant dans la constitution essentielle des unions ouvrières et rechercher leur véritable principe.

Parmi les trade-unions anglaises, il en est de deux sortes: les unes s'occupent uniquement du chômage et de la grève; les autres sont à la fois des sociétés de secours mutuels.

Voici, par exemple, le fonctionnement de la Société unie des charpentiers et menuisiers dont on trouvera le détail dans l'ouvrage de M. le comte de Paris.

Le droit d'entrée qu'on exige de chaque nouvel associé est de 5 shillings (6 fr. 25 c.). La cotisation par semaine est de 1 sh. (1 fr. 25 c.) plus 3 pence (31 centimes) par trimestre: ce qui porte la contribution annuelle à 2 liv. et 13 sch. (66 fr. 25 c.). Le revenu moyen de l'ouvrier anglais étant estimé à environ 60 liv. st. (1,500 francs), c'est un prélèvement de

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