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mais j'ajoute expressément qu'elle a le droit et le devoir d'en user contre l'État lui-même, pour se défendre contre n'importe quelles oppressions administratives ou gouverne

mentales.

Nous allons passer maintenant en revue les principales institutions existantes, nées de l'association personnelle et caractérisées par le fonctionnement mutuelliste, sans autre intérêt que celui des individus ou des familles qui la composent. Nous laisserons de côté ou nous ne parlerons qu'incidemment soit des associations qui sacrifient l'individu à une doctrine, soit des institutions de l'État ou des associations formées dans un intérêt lucratif, puisque nous considérons que l'association personnelle, telle que nous la concevons, doit avoir précisément en vue de surveiller l'action officielle ou intéressée et de protéger au besoin ses membres contre elle. Les principaux exemples d'association personnelle que nous nous proposons d'étudier forment la série suivante :

1° Sociétés de secours mutuels, telles qu'elles existent en France et en Italie;

2o Sociétés de prévoyance italiennes annexées aux précédentes, et Sociétés coopératives de consommation organisées en Angleterre ;

3o Sociétés d'approvisionnement en commun et Sociétés d'avances (Banques populaires) originaires de l'Allemagne ; 4° Corporations ou unions de métiers et syndicats professionnels.

Nous ne comprenons pas dans cette série les sociétés coopératives de production, qui ne rentrent pas à proprement parler dans le cadre de l'association mutuelle des personnes. Elles ont, en effet, un but intéressé, un objet commercial. Bien que formées d'une réunion d'épargnes ouvrières, ce ne sont plus des sociétés civiles, elles sont nettement régies par le

code de commerce, ce sont des sociétés de capitaux. Cependant et en outre, comme constituant un procédé de répartition des bénéfices entre le travail et le capital et un mode d'intervention des travailleurs dans la direction des entreprises, elles ont trait à l'organisation du travail.

CHAPITRE XII

LES SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS

Origine et législation des sociétés de secours. Statistique française, fin 1878. Triple caractère des sociétés existantes. — Développements à leur donner, Le prêt d'honneur substitué à l'aumône.

Les sociétés de secours mutuels ont des origines diverses. Les unes sont composées d'individus d'une même profession. Elles ont pris naissance : tantôt dans les anciennes corporations abolies, dont elles forment la dernière trace, les premières traces remontant jusqu'aux collèges romains d'artisans et de gens de métier; tantôt, comme en Angleterre, dans les sociétés secrètes ouvrières, établies dans un but de coalition permanente contre les patrons et aussi contre les ouvriers non associés; tantôt dans l'initiative spontanée des travailleurs d'un même chantier, d'un même atelier, d'une même école professionnelle, qui forment alors des sociétés amicales; tantôt enfin, ce qui, de notre temps, est le cas le plus ordinaire, dans les règlements des grandes maisons industrielles qui imposent des mesures de prévoyance à leurs ouvriers, en les y aidant par des subventions et par le versement des amendes au fonds commun, mais qui se réservent la gestion de la mutualité.

Les autres sociétés de secours comprennent des membres de toutes professions résidant habituellement dans une même localité. Elles doivent leur origine soit aux anciennes confréries religieuses et aux fondations charitables des philanthropes, soit aux efforts des municipalités qui cherchent

avec raison à transformer la bienfaisance publique en mutualité sociale. En tout cas, elles ont un caractère local, et elles échappent, encore plus que les associations professionnelles, à la gestion directe des membres participants; elles sont ordinairement administrées par un patronage ecclésiastique, philanthropique ou municipal.

Ces diverses sortes de sociétés mériteraient d'être étudiées séparément, mais la statistique officielle ne les distingue pas, et il est difficile de recueillir, en dehors de cette source, des renseignements suffisants pour une étude approfondie.

Si l'origine des sociétés de secours mutuels est ancienne et se perd quelquefois dans la nuit des temps, leur légalité est toute récente.

La loi du 17 juin 1791 déclarait que « l'anéantissement de toute espèce de corporations des citoyens de même état et profession était une des bases de la Constitution française ». En conséquence, elle défendait formellement à ces citoyens de même profession, « lorsqu'ils se trouveraient ensemble, de nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics; tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur de prétendus intérêts communs ».

A la suite d'une telle loi, professant ouvertement un dédain si manifeste pour l'organisation normale des travailleurs et, au nom de la liberté, violant si outrageusement la liberté même, il était impossible à toute société d'assislance professionnelle de subsister autrement que comme société secrète.

La même prohibition n'existait pas pour les sociétés non professionnelles; aussi sont-ce les sociétés composées de personnes de toutes professions, celles, par conséquent, d'un caractère religieux ou philanthropique, qui, encore bien que suspectes sous le premier Empire, réussirent néanmoins à

se reconstituer.

Sous la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe,

la liberté est plus grande. Le ministre de l'intérieur autorise les sociétés, sur le vu des statuts et règlements.

Après la révolution de 1848, la constitution du 4 novembre proclame le droit d'association. Jusqu'en 1850, il suffit d'une simple déclaration au préfet du département; il n'y a plus besoin de soumettre au préalable les statuts au ministre, et le gouvernement ne peut dissoudre qu'après une condamnation judiciaire.

Mais la loi du 13 juillet 1850 vient inaugurer un nouveau régime et préciser la situation des sociétés en limitant considérablement la liberté dont elles jouissaient au moins de fait. Les avantages qu'on leur accorde sont rachetés par une sujétion plus grande à l'égard de l'administration.

Cette loi avait pour objet de fixer les conditions auxquelles une Société de secours mutuels, existant comme association de fait, pourrait être déclarée établissement d'utilité publique. Cette déclaration devait lui conférer le droit de recevoir des donations et legs, et de requérir de la commune les locaux et registres qui lui seraient nécessaires. Les conditions portaient sur l'objet de la société, le nombre de ses participants, sa surveillance par l'autorité municipale, son mode d'administration, l'emploi de ses fonds disponibles, etc.

La même loi, il est vrai, reconnaissait aux autres sociétés de secours mutuels, à celles qui ne demanderaient pas à être reconnues comme établissement d'utilité publique, la facilité de s'administrer librement, mais elle les laissait toujours sous le coup d'une dissolution possible par le gouvernement, le conseil d'État entendu, « dans le cas de gestion, frauduleuse, ou si elles sortaient de leur condition de sociétés mutuelles de bienfaisance >>> prescription assez vague pour autoriser bien des actes de dissolution arbitraire.

Survint alors la période dictatoriale qui inaugura l'Empire et deux nouveaux actes législatifs furent rendus.

Un décret du 22 janvier 1852 instituait sur les biens qui

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