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V.

Principales opinions en métaphysique. D'où elles procèdent. EMPIRISME (matérialiste et spiriRATIONALISME (qui

tualiste)

renferme sous lui: Naturalisme, Egoïsme, Dualisme, Idéalisme et Réalisme, Théosophisme, Harmonie préétablie, idées innées de Platon, de Descartes, de Leibnitz).

n'est

Mor et la nature; moi et tout ce qui m'entoure, qui agit sur moi, qui est saisi, perçu par moi; en un mot, moi et ce qui pas moi telle est la double conception, l'antithèse qui s'offre à la raison spéculative, dès qu'elle veut songer à se faire une métaphysique. Son premier pas, celui que lui commande son individualité, est de se séparer du monde visible, de se mettre en regard, en opposition avec lui. L'homme, dès qu'il commence à méditer, se place naturellement au centre du grand tout, d'où il contemple autour de soi, et se replie sur lui-même pour y observer les impressions qu'y occasionnent

les objets. Mais le centre, puisque nous avons choisi cette métaphore, le centre n'aurait nulle communication avec les divers points de la circonférence, il en serait tout isolé, sans les rayons qui établissent un rapport direct, un moyen d'action de ceux-ci sur celui-là, et réciproquement. Ou, pour parler sans figure, le moi étant posé, le monde l'étant aussi, il faut bien un agent intermédiaire, ou une communication quelconque par où le monde puisse agir sur le moi, et le moi, réagir sur le monde. Trois objets principaux s'offrent donc aux recherches de la métaphysique naissante: Le moi, ou l'homme qui connaît; le monde, ou la nature qui est connue par lui; et le moyen inconnu par lequel l'un agit sur l'autre.

L'homme juge volontiers que tout ce qu'il voit est précisément comme il le voit, et même que ce qu'il ne voit pas ressemble à ce qu'il voit. C'est une philosophie si commode que celle qui se palpe et qui se flaire! Croire à nos sens sur ce qu'ils nous transmettent immédiatement, et quant à ce qu'ils ne nous montrent pas, l'expliquer par une analogie tirée de nos sens, c'est sans contredit l'expédient le plus court pour asseoir sur-le-champ son opinion (puisque tant est qu'il faut en asseoir une), se débarrasser du travail de la méditation,

et vaquer tranquillement à des affaires plus essentielles. La chose chargée de la fonction de connaître dans l'homme, ressemblera donc à un miroir, ou à une eau tranquille, ou à une toile tendue, ou enfin à quelque chose d'approchant; les objets y enverront de petites images parfaitement semblables à eux, que l'être connaissant percevra, examinera, et en conséquence desquels il jugera des objets. Voilà donc notre premier point de métaphysique tout arrangé: ma cognition est à-peu-près un miroir; la nature s'y peint telle qu'elle est; moi, je regarde dans le miroir, et je vois, je juge la

nature.

Tel de mes lecteurs rira de cette métaphysique, qui au fond n'en a peut-être jamais eu d'autre. C'est celle de l'irréflexion la plus entière, c'est celle du sauvage et de l'ignorant civilisé, dès qu'ils commencent à s'en faire une. C'est la soeur germaine de cette physique qui prend la lune pour un disque d'argent, le soleil pour un globe de feu, la terre et l'air pour des élémens, qui croit que tous les astres tournent autour de la terre dans les vingtquatre heures, et qui admet tant d'autres absurdités sur la foi de l'expérience.

Cette opinion si propre à devenir régnante et populaire, savoir que nos perceptions nous

livrent des ressemblances des objets tels qu'ils sont réellement en eux-mêmes, a eu cours longtemps sous le nom de système des émanations,

» Les objets, par une perpétuelle émission, >> remplissent tout l'univers de petites minia»tures semblables à eux, lesquelles sont apersens.» Cette supposition est >> çues par nos la partie la moins soutenable du système d'Epicure, et s'il n'avait eu d'autre doctrine, à peine eût-il mérité le titre de philosophe. Il nommait ces petits portraits voltigeans des choses, Eidola et Typoi. Son disciple Lucrèce, qui les explique dans son quatriême livre, les nomme simulacres et effigies. Cicéron les appelle images; Quintilien, figures; et Catius, spectres. Parmi les Scholastiques, il en est qui ont donné le nom d'espèces intentionnelles à quelque chose d'approchant. On peut nommer cette doctrine le matérialisme empirique, ou tout simplement l'empirisme.

Quelques empiristes, poussant un peu plus loin l'étude du moi, crurent trouver en eux un principe différent des objets matériels et de leur propre corps; ils avaient une pensée, une volonté qu'ils sentaient par sentiment interne, mais à qui ils n'apercevaient ni pieds, ni mains, ni même solidité, étendue, etc...; ils admirent donc l'existence d'une substance autre

que leur corps, qui échappait à leur sens extérieur, et en' qui résidait la pensée et la volonté; ils l'appelèrent ames esprit, souffle, vapeur légère et active.

Ce qui se passait dans le moi, devait aussi se passer dans son vis-à-vis, dans la nature; elle eut donc aussi son esprit dirigeant, bien entendn quand il plut à l'empiriste de considérer sa variété infinie sons la forme d'une unité; et quand il y considéra au contraire plusieurs, tous séparés, comme le soleil, la terre, la mer, les nuages, le tonnerre, il donna à chacun son esprit, son intelligence à part. L'empirisme devint de la sorte spiritualiste. Il eut son athéisme, et sa théologie. Celle-ci trouvait une intelligence, un Dieu dans l'expérience, et qui lui servait à l'expliquer: celui-là l'expliquait sans l'intervention d'une intelligence. Comme tous deux s'en rapportaient à l'expérience et à l'analogie, qui ne peuvent donner aucune lumière sur ce point, leur dispute était interminable, et il était aussi aisé à l'un de faire de l'homme et de l'univers des machines guidées par un aveugle instinct, qu'à l'autre de leur donner un esprit, une intelligence.

Le Théologien empirique appuyait sa conjecture de tout ce que l'expérience lui faisait reconnaître de bon et d'utile pour l'homme dans la

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