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Enfin subjectivement vue, elle se réduit à une anthropologie rationnelle; tandis qu'objectivement vue, c'est-à-dire, en égard à son objet, elle se divise en logique, métaphysique et morale.

IV.

De la métaphysique en particulier. DEPUIS qu'un ouvrage d'Aristote, ou attribué à Aristote, sous le titre de méta ta physika, a eu cours dans le monde savant, la nomenclature philosophique a été enrichie d'un nouveau terme. On a fait, des trois mots grecs ci-dessus, celui de métaphysique, pour désigner le genre de connaissances dont il était spécialement traité dans le livre en question; et cette dénomination est restée à l'ensemble des sciences philosophiques, qui ne sont ni purement formelles (ou logiques), ni purement pratiques (ou morales). La métaphysique est donc une science spéculative et matérielle, c'est-à-dire, qu'elle traite, non des formes de la pensée, mais de son contenu, de son objet, de son origine, en un mot, du matériel de nos connaissances.

Cette science (hypothétique ou réelle) a été partagée, d'après son idée, en quatre divisions, ou sciences particulières, correspondant aux quatre problèmes principaux qui s'offrent à la raison, en tant qu'elle devient métaphysicienne.

I. Tout notre savoir repose sur des principes fondamentaux, lesquels autorisent la raison à établir entre les choses une liaison nécessaire et

universelle, à leur attribuer l'être, et tous les attributs de l'être, l'unité, l'individualité, la substantialité, d'où la science de l'être en général, connue sous le titre un peu suranné d'ontologie.

II. Réduire en un système tous les attributs nécessaires de l'être pensant, prononcer sur sa liberté, son immortalité, déterminer la nature et les fonctions supérieures de l'ame, tel est le but de la psychologie rationnelle.

III. Le monde, ou l'ensemble nécessaire et infini de toutes les substances finies, est l'objet de la cosmologie rationnelle.

IV. Le rapport nécessaire de ce monde à un être qui ne soit pas le monde, mais de qui le monde procède comme cause première, et dépende comme fin dernière, c'est ce que se propose de déterminer la théologie rationnelle.

C'est

Voilà les divers cadres où il a déjà passé tant de tableaux de toutes les couleurs. à ces quatre fameuses questions qu'on a fait tant de réponses contradictoires, appuyées de chaque côté par tant d'argumens spécieux. La raison humaine ne peut résister à l'attrait spéculatif qui sans cesse la sollicite à leur chercher une solution. Chaque individu a sa métaphysique, telle qu'elle soit. Tant d'essais malheureux n'ont pu en dégoûter l'esprit humain;

quelque dépit dont, à certaines périodes, il se soit trouvé saisi contre cette orgueilleuse et bisarre reine des sciences, il n'a pu s'empêcher de revenir à elle chaque fois qu'elle a semblé lui faire quelque promesse nouvelle; leurs brouilleries sont des querelles d'amans. L'esprit ne peut se passer de la métaphysique et de ses spéculations: il ne céssera peut-être de s'en occuper activement que quand on sera tout-àfait d'accord sur cet objet: il s'endormira dans la jouissance.

Quelques classificateurs, considérant que l'ontologie renfermait les bases de la logique et de la possibilité de toute pensée, la cosmologie celle de l'existence et des rapports nécessaires des choses, la psychologie et la théologie rationnelle, celle de la moralité et de la religiosité, ont étendu le sens de ce mot, et réduit toute la philosophie à la seule métaphysique.

D'autres au contraire, ont resserré le domaine de la métaphysiqne, et l'ont réduite à la seule ontologie. Ceux-là me paraissent avoir eu raison, et j'admettrais volontiers le sens plus strict qu'ils donnent au nom de cette science.

On s'est servi contre le paganisme de cet argument, qu'admettre plusieurs dieux c'était n'en point admettre. On peut en employer un sem

blable contre les métaphysiciens en général : >> Puisq'il y a plusieurs métaphysiques, il n'y »en a point en effet.» Chaque secte n'a que la sienne; mais chaque secte la soutient d'une manière également victorieuse, et qui séduit également la raison, incertaine entre des preuves équipollentes et contraires. Depuis si longtems que le monde philosophique s'entretient de métaphysique et fait son orgueil de cette science qu'il tient pour existante, la divergence continuelle et l'opposition des métaphysiciens entr'eux, a dû faire naître plus d'un doute sur la réalité de leurs doctrines. Il ne pouvait y en avoir qu'une qui fût la bonne; mais s'il en était une bonne, pourquoi n'était-elle pas admise universellement, pourquoi son évidence ne forçait-elle pas tous les esprits à se soumettre? Est-ce qu'il y a deux géométries, disait-on? Delà on concluait, non sans fondement, qu'il y avait bien une foule de systèmes, mais pas une science de la métaphysique. Cependant les différentes écoles se bornaient à une polémique qui n'avait d'autre but pour chacune que de ruiner la doctrine des écoles rivales, et d'établir dogmatiquement la leur. Les syncrétistes s'occupaient de la grande affaire de les réunir, et de les amener toutes à s'entendre; les éclectistes croyaient fonder en doctrine toute vérité

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