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nihil esse in intellectu quod non fuerit in sensu, >> que rien n'est dans l'intellect qui n'ait passé par les sens." il ne recherche pas d'où l'idée provient, quelle est sa nature et le mode origi naire de sa formation. Origine signifie donc, dans ce dernier cas, l'instant de l'acquisition accidentelle, et les circonstances qui l'accompagnent. Ces recherches appartiennent à la psychologie empirique.

On peut reconnaître par cette explication si les métaphysiciens empiristes sont sur le chemin de la vraie origine de nos connaissances, si la direction, la tendance de leur philosophie les y conduit, et si le premier pas à faire pour trouver un meilleur chemin, n'est pas de don. ner à nos recherches une direction transcendentale?

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Remarque seconde.

ON dit tous les jours: le soleil se lève, le soleil se couche; et cependant tout le monde sait bien que le soleil ne bouge de sa place; il n'y a pas à cela de réalité objective; il n'y a qu'une réalité subjective; c'est nous qui nous levons et qui nous couchons. Mais qu'importe? Le phénomène visible se passe ainsi; tout le monde voit réellement lever et coucher le soleil; la réalité phénoménale est là pour tous les hommes; et dans ce sens, le soleil se lève et se couche bien réellement.

On dit encore: le soleil est chaud, le soleil brûle; et cependant on sait qu'en cela la réalité objective est nulle. Le soleil est un corps opaque et froid comme notre terre, et peut-être encore plus froid. Plus on s'en rapproche, et plus on gèle; les plus hautes montagnes sons couvertes de glaces et de neiges éternelles; les aéronautes ne peuvent supporter la froidure des régions supérieures; la chaleur est la plus grande dans les vallées profondes, et elle n'est qu'un phénomène produit par le mélange de la lumière avec certains gaz terrestres. Mais la

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réalité phénoménale et apparente subsiste; les hommes doivent s'y tenir.

La plupart des physiciens et même des gens un peu instruits, ne doutent plus quand on dit d'un objet, qu'il est rouge, ou verd, ou jaune, etc. ce rouge, ce verd, ce jaune n'existe en effet que dans l'oeil du spectateur; ils sont convaincus de la subjectivité et de l'idéalité des couleurs, aussi bien que de celle des sons, des odeurs, etc.... cependant la réalité phénoménale l'emporte et doit l'emporter. On dira toujours, et avec le meilleur droit imaginable, qu'une rose est rouge, ou blanche, qu'elle exhale un doux parfum, etc. . . . .

Notre chambre obscure de l'article V, qui vient souvent à mon secours, voit tous les objets rouges, et ils sont et ils sont rouges en effet pour elle. Rien de mieux fondé et de plus solide que le jugement qu'elle en porte, et elle doit s'en tenir à la réalite qui se manifeste à elle.

Mais cette réalité subjective et phénoménale, qui est effective, absolue, valable, n'est effective, absolue et valable que pour le sujet et dans le sujet : hors de là, et si on veut la faire objective, elle n'a plus de sens, elle devient fantôme, rien.

Si notre chambre obscure veut raisonner sur ce rouge comme appartenant aux objets hors

'elle, et tels qu'ils sont en eux-mêmes, elle rouvera sans doute des raisons pour expliquer e rouge dans les objets par la disposition des arties, par la réfraction de la lumière, et ent autres belles choses, que d'autres chambres bscures de sa sorte pourraient admirer, mais lont une chambre obscure un peu transcenlentale se moquerait.

Il en arriverait de même à un physicien qui voudrait donner aujourd'hui une réalité bjective aux couleurs, aux sons, etc.... et expliquer comment ces choses résident dans les objets, et comment de là elles se détachent, voyagent par l'air et se manifestent à nous au moyen de nos organes.

Le soleil échauffe, brûle même quelquefois, il est ardent, je le vois, je le soutiens, et quand j'aurai froid, j'irai tant que je pourrai me mettre au soleil pour me réchauffer: tout cela est vrai pour moi et pour mes pareils, cela est vrai en nous et dans nos sensations d'une réalité subjective et phénoménale. Mais hors de là, c'est toute une autre affaire; je me garderai biex de faire de ma réalité subjective et humaine, une réalité objective et solaire. C'est ce que faisaient encore naguères les physiciens, et même notre grand et immortel Buffor que je révère d'ailleurs. Ils transportaient au soleil

ce qui se passait en eux, et raisonnaient d'après cette vue. Le soleil était un océan de flamme, un corps bouillonnant et en fusion, qui de tems en tems absorbait des comètes pour entretenir le feu. Aujourd'hui le soleil n'est plus si terrible, et plus si magnifique pour les poëtes, il ne dévore plus de comètes, ne brûle plus, et son nouvel état obscur et froid dément tous les beaux raisonnemens faits pour expliquer sa fusion et sa combustion *).

Quand est-ce donc qu'on ne se trompe pas? quand on reste dans les bornes de la réalité subjective en phénoménale:

Quand on ne transporte pas aux choses, et hors de nous, ce qui n'est réel que pour nous

et en nous :

Quand on ne croit pas par expérience, et par observation des faits, parvenir à une réalité objective.

En effet nos sensations, nos expériences ne

*) Le premier, à ce que je crois, qui ait donné sur la nature au soleil et sur son atmosphère lumineux, des idées plus saines et plus justes, est un savant et modeste académicien de Metz, M. Catvind, qui, dans un discours lu à sa société en 1790 ou 1791, établit la théorie alors nouvelle et paradoxale du soleil comme corps obscur. Sa démonstration était physico-chimique, et à priori. Les plus célèbres astronomes ont adopté cette opinion; mais je ne sache pas qu'aucun l'ait eue avant M. Cattand, ni qu'on lui ait fait honneur de la découverte.

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