Page images
PDF
EPUB

de feurs spéculations: l'humanité ne rétrogradera point: une doctrine plus humaine, plus

divine, si l'on veut, a été annoncée

[ocr errors]

par les nobles amis de la vérité dans tous les tems. Il nous a été conservé, au moins depuis Pythagore, une tradition de la conscience éclairée qui réclamé contre l'amour-propre ignare. Dans chaque siècle quelque voix stoïque s'est élevée, et a réclamé en faveur du beau, du bon absolu et idéal. La philosophie a pris acte de ces protestations, et les sens n'ont pu prescrire contre l'intelligence. Aujourd'hui que, pen

dant les années de nos discordes civiles, cette doctrine a été cultivée, débattue, épurée, rendue plus méthodique et plus claire par quelques sages du nord de l'Europe, il est tems de la dévoiler et de la présenter comme un remède aux maux causés par des maximes contraires. C'est à son interprétation que j'ai voué ma plume. Privé par les circonstances de l'avantage d'attacher mon nom aux grands événemens qui ont opéré une si mémorable réforme politique dans ma patrie, il se trouvera du moins parmi les noms de ceux qui se seront efforcés d'y

opérer une réforme intellectuelle, de hâter le développement de la moralité et de la science. J'aurai rempli selon mon pouvoir la destination assignée à l'homme de lettres retenu loin de ses foyers, qui, suivant les paroles de Laharpe, >> parcourt le domaine de la littérature étran» gère, dont il rapporte les dépouilles honora»bles au trésor de la littérature nationale." Que le lecteur pardonne ce peu de mots où j'ai osé faire mention de moi, tandis qu'il ne devait être question que de doctrine. Désormais, uniquement renfermé dans mon sujet, j'adopterai pour règle ces mots de Bacon de Verulam:

» De nobis ipsis silemus: de re autem, quae » agitur, petimus: ut homines eam non opinio> nem, sed opus esse cogitent; ac pro certo » habeant, non sectae nos alicujus, aut placiti, » sed utilitatis et amplitudinis humanae funda>> menta moliri. »

(INSTAURAT. magna. Praefat.)

EXPOSITION

DES

PRINCIPES FONDAMENTAUX

DE LA

PHILOSOPHIE

TRANSCENDENTALE.

[ocr errors]

I.

IDÉE de la philosophie, comme disposition naturelle et besoin de l'homme.

SAVOIR est le penchant naturel de tous les hommes.» Ces mots, par où débute le premier livre de la métaphysique d'Aristote, renferment tout le secret de la philosophie, au moins quant à sa naissance dans notre esprit. L'homme veut savoir, il veut pénétrer dans l'essence et dans les relations de tout ce qui l'environne, découvrir le pourquoi et le comment de toutes choses: sa destination pratique est d'agir, mais il ne peut consentir à ignorer pourquoi il doit agir d'une manière plutôt que d'une autre. Il cherche TOME I

1

dans la spéculation un fil conducteur qui le guide dans le labyrinthe de la vie, il y cherche des règles fixes pour le tâtonnement de l'expérience. En vain le bon sens vulgaire, cette disposition qui naît de l'importance attachée à la satisfaction de nos besoins réels, physiques et journaliers, en vain crie-t-il à Démocrite: >> Que l'homme est fait pour cultiver la terre, » et non pour la mesurer. » Démocrite poursuit sont étude; l'attrait irrésistible du savoir qui s'est développé en lui, l'entraîne à contempler et à réfléchir. Si le premier pas que l'homme fait pour sortir de la classe des animaux, est de reconnaître l'ordre des saisons, de prévoir ses besoins futurs, et de féconder à tems le sein de la terre, le second, et celui qui l'en distingue tout-à-fait, est la recherche à laquelle il se livre des lois de la nature, de celles de son entendement et de ses devoirs. Il a franchi alors la ligne qui sépare la matière de l'intelligence; en déployant sa pensée, il a produit le plus beau titre de l'humanité, celui qui vraiment la caractérise; il n'est plus seulement l'usufruitier, il s'est rendu le spectateur, et comme le juge de la création.

La science imprime à l'homme ignorant un respect involontaire pour celui qui la possède. Dans celle des sociétés humaines qui brilla

davantage par la culture, chez les Grecs, les individus les plus éclairés furent désignés d'abord par les noms de sophes, de sophistes, c'est-àdire, de savans. Ils prirent dans la suite le titre plus modeste de philosophes, ou d'amis de la science. Chez des peuples plus récens, l'affinité des mots de sapience, de sagesse, avec ceux qui désignent le savoir, montrent assez l'affinité intime que l'esprit a toujours conçue entre la science et la philosophie, entre le savant et

le sage.

Dans un tems où les lumières ne faisaient que de naître, où presque tous les hommes étaient encore plongés dans la nuit de l'ignorance, le peu de connaissances acquises çà et là par des esprits plus actifs et mieux doués de la faculté d'observer, fut naturellement réuni en une masse sans liaison, sans ordre, sans harmonie. On n'avait garde de discerner et de ranger à part chacun des élémens qui devaient appartenir un jour à des sciences diverses, dont on n'avait pas alors l'idée. Quelques principes épars de géométrie, un peu de médecine, certaines maximes de conduite pour les particuliers et pour les états, la tradition altérée des faits anciens l'observation grossière des astres et de la nature, la théo- et cosmogonie fabuleuses de cet âge, les principes imparfaits de quelques arts

« PreviousContinue »