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ORONTE.

Je ne saurois m'empêcher de pleurer. (A monsieur de Pourceauguac.) Allez, vous êtes un méchant homme.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Je ne connois rien à tout ceci.

SCÈNE IX.

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- MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, NÉRINE, LUCETTE, ORONTE.

NERINE, contrefaisant une Picarde.

Ah! je n'en pis plus; je sis toute essoflée! Ah! finfaron, tu m'as bien fait courir tu ne m'écaperas mie. Justiche, justiche! je boute empêchement au mariage. (A Oronte.) Chés mon méri, monsieur, et je veux faire pindre che bon pindard-là.

Encore!

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

ORONTE, à part.

Quel diable d'homme est-ce-ci?

LUCETTE.

Et que boulez-bous dire, ambe bostre empachomen et bostro pendarie? Quaquel homo es bostre marit1?

NÉRINE.

Oui, medéme, et je sis sa femme.

LUCETTE.

Aquos es faus, aquos yeu que soun sa fenno, et se deu estre pendut, aquo sera yeu que l'ou farai pendat 2.

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tout ce que je te dis n'est que trop vrai; et plùt au ciel que cela ne fût pas, et que tu m'eusses laissée dans l'état d'innocence et dans la tranquillité où mou ane vivait avant que les charmes et les tromperies m'en vinssent malheureusement faire sortir! je ne serais point réduite à faire le triste personnage que je fais présentement, à voir un mari cruel mépriser toute l'ardeur que j'ai cue pour lui, et me laisser saus aucune pitié à la douleur mortelle que j'ai ressentie de ses perfides actions.

Et que voulez-vous dire avec votre empèchement et votre pendaison? Cet homme est votre mari?

Cela est faux, et c'est moi qui suis sa femme; et s'il doit être pendu, ce sera moi qui le ferai pendre.

'Je vous dis que je suis sa femme.

III.

13

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Je vous dis que chest mi, encore in coup, qui le sis.

LUCETTE.

Et yeu bous sousteni yeu, qu'aquos yeu2.

NÉRINE.

Il y a quetre ans qu'il m'a éposée.

Et

yeu

LUCETTE.

set ans y a que m'a preso per fenno3.
NÉRINE.

J'ai des gairans de tout cho que je di.

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Tout Chin-Quentin a assisté à no noche.

LUCETTE.

Nou y a res de tant béritable.

NÉRINE.

Il gn'y a rien de plus chertain.

LUCETTE, à monsieur de Pourceaugnac.

Gausos-tu dire lou contrari, valisquos??

NÉRINE, à monsieur de Pourceaugnac.

Est-che que tu me démaintiras, méchaint homme?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Il est aussi vrai l'un que l'autre.

LUCETTE.

Quaingn impudensso! Et coussy, misérable, nou te sou

Qui.

2 Et je vous soutiens, moi, que c'est moi.

Et moi, il y a sept aus qu'il m'a prise pour femme.

Tout mon pays le sait.

Tout Pézénas a vu notre mariage

Il n'y a rien de plus véritable.
Oses-tu dire le contraire, vilain?

bennes plus de la pauro Françon, et del paure Jeanet, que soun lous fruits de nostre mariatge1.

NÉRINE.

Bayez un peu l'insolence! Quoi! tu ne te souviens mie de chette pauvre ainfain, no petite Madeleine, que m'as laichée pour gaige de ta foi?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Voilà deux impudentes carognes!

LUCETTE.

Beni, Françon, beni Jeanet, beni touston, beni toustone, beni fayre beyre à un payre dénaturat la duretat quel a per nautres 2.

NÉRINE.

Venez, Madeleine, men ainfain, venez-ves-en ichi faire honte à vo père de l'impudainche qu'il a.

SCÈNE X.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, ORONTE, LUCETTE, NÉRINE, PLUSIEURS ENFANTS.

LES ENFANTS.

Ah! mon papa! mon papa! mon papa!

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Diantre soit des petits fils de putains!

LUCETTE.

Coussy, trayte, tu nou sios pas dins la darnière confusiu de ressaupre à tal tous enfants, et de ferma l'aureillo à la tendresso paternello? Tu nou m'escaperas pas, infame! yeu te boly seguy pertout, et te reproucha ton crime jusquos à tant que me sio beniado, et que t'ayo fayt penjat; couquy, te boly fayré penjat3.

NÉRINE.

Ne rougis-tu mie de dire ches mots-là, et d'être insainsible aux cairesses de chette pauvre ainfaint? Tu ne te sau

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Quelle impudence! Comment, misérable, tu ne te souviens plus de la pauvre Françoise et du pauvre Jean, qui sont les fruits de notre mariage?

Venez, Françoise, venez, Jeau, venez tous, venez toutes, venez faire voir

à un père dénaturé l'insensibilité qu'il a pour nous tous.

Comment, traître, tu n'es pas dans la dernière confusion de recevoir ainsi tes enfants, et de fermer l'oreille à la tendresse paternelle! Tu ne m'échapperas pas, infâme! je veux te suivre partout, et te reprocher ton crime jusqu'à tant que je me sois vengée, et que je t'aie fait pendre; coquin, je veux le faire pendre.

veras mie de mes pattes; et, en dépit de tes dains, je ferai bien voir que je sis ta femme, et je te ferai pindre.

LES ENFANTS.

Mon papa! mon papa! mon papa!

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Au secours au secours! Où fuirai-je? Je n'en puis plus.

ORONTE.

Allez, vous ferez bien de le faire punir; et il mérite d'être pendu.

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Je conduis de l'œil toutes choses, et tout ceci ne va pas mal. Nous fatiguerons tant notre provincial, qu'il faudra, ma foi, qu'il déguerpisse.

SCÈNE XII. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, SBRIGANI.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ah! je suis assommé! Quelle peine! Quelle maudite ville! Assassiné de tous côtés!

SBRIGANI.

Qu'est-ce, monsieur? Est-il encore arrivé quelque chose?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Oui. Il pleut en ce pays des femmes et des lavements.

Comment donc?

SBRIGANI.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Deux carognes de baragouineuses me sont venues accuser de les avoir épousées toutes deux, et me menacent de la justice.

SBRIGANI.

Voilà une méchante affaire; et la justice, en ce pays-ci, cst rigoureuse en diable contre cette sorte de crime.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Oui mais, quand il y auroit information, ajournement, décret, et jugement obtenu par surprise, défaut et contumace, j'ai la voie de conflit de juridiction pour temporiser, et venir aux moyens de nullité qui seront dans les procédures

SBRIGANI.

Voilà en parler dans tous les termes; et l'on voit bien, monsieur, que vous êtes du métier.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Moi! point du tout, je suis gentilhomme.

SBRIGANI.

Il faut bien, pour parler ainsi, que vous ayez étudié la pratique.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC,

Point. Ce n'est que le sens commun qui me fait juger que je serai toujours reçu à més faits justificatifs, et qu'on ne sauroit condamner sur une simple accusation, sans un récolement et confrontation avec mes parties.

SBRIGANI.

En voilà du plus fin encore.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ces mots-là me viennent sans que je les sache.

SBRIGANI.

Il me semble que le sens commun d'un gentilhomme peut bien aller à concevoir ce qui est du droit et de l'ordre de la justice, mais non pas à savoir les vrais termes de la chicane.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ce sont quelques mots que j'ai retenus en lisant les

romans.

Ah! fort bien.

SBRIGANI.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Pour vous montrer que je n'entends rien du tout à la chicane, je vous prie de me mener chez quelque avocat, pour consulter mon affaire.

SBRIGANI.

Je le veux, et vais vous conduire chez deux hommes fort habiles; mais j'ai auparavant à vous avertir de n'être point surpris de leur manière de parler; ils ont contracté du barreau certaine habitude de déclamation qui fait que l'on diroit qu'ils chantent; et vous prendrez pour musique tout ce qu'ils vous diront.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Qu'importe comme ils parlent, pourvu qu'ils me disent ce que je veux savoir!

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