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rebam 1, Ermennarius Ustura leporem 2, Excorria Villanum 3, Johannes Gayta Podium 4, Portaflorem 5, Willelmus de Benehabeas 6, subjonctif qui cache un impératif 7. A Les composés suivants, qui appartiennent à la vieille langue, renferment encore l'impératif : Boi l'auwe (boi l'avve, boi l'aiwe), Jakemin buef l'avve 9, Martin clo mes œulz 10, Uguignon fai mi boire (fai me boire) 11, Pais mouche 12,

'Ou Pulsa rabam (Pousse-rave); circa 1150; Cartul. de Talmond, 230, et Index, s. v.

2 Liber albus Ecclesiæ Cenomanensis, 104; circa 1097-1125. - Ustura leporem = brûle-lièvre. Usturare est une variante de ustulare, tous deux assez rares. Ustulare ne se trouve que dans Diefenbach, Supplem. ad Cang.; usturare manque dans Ducange et dans Diefenbach.

3 Id., ibid., p. 99. On trouve aussi Escorche villanum, 100; Johannes Escorche vilain, 201; Scoria vilan, 66; chartes du milieu du XII et du XIe siècle.

4 Teulet, Layelles du trésor des chartes, I, 177, a; texte de 1194.

5 Id., ibid., I, 88, b; texte de 1163.

L. Delisle, Jugements de l'échiquier de Normandie, dans les Extraits des manuscrits de la B. N., XX, table. Treizième siècle.

'Je ne cite pas un Bertrannus Tornalebra (Tournelèvre) dans le Cartul. de Talmont, p. 23, ni un Rumpicorda (Crève-cœur) dans Grésilier, Cartul. de Notre-Dame de Saintes, 140, parce que les formes lornalebra, rumpicorda peuvent prêter à contestation; cependant il me paraît certain que rumpicorda est un impératif. Dans rumpicorda en effet, corda ne forme point avec rumpi un composé asyntactique, comme dans crepicordio, autre traduction du même nom (Dom Bouquet, IX, 599). C'est un accusatif pluriel régi par rumpi qui est par conséquent à un temps déterminé, soit rumpe, soit rumpil; or rumpe est la correction qui fait le moins violence au texte manuscrit. Quant à tornalebra, c'est peut-être la reproduction pure et simple avec une finale latine, de tornelèvre. On ne peut dire la même chose de Porta poma cité précédemment, parce que ce mot est latin dans ses deux éléments. Guarda fames (Guérard, Cartul. de Saint-Victor, 127) et Para Lupus (id., ibid., 433) semblent plutôt contenir un impératif. Cependant, comme ce sont des noms provençaux, peut-être n'y a-t-il là qu'une modification de la terminaison reprise sous la forme du nominatif latin. - M. Léopold Pannier me signale, au moment de mettre sous presse, une traduction de cure-oreille par l'impératif : cura-auriculum dans un Inventaire des biens de Bernard de Béarn (1197), publié par Desbarreaux-Bernard et Ad. Baudouin, Toulouse 1872, in-8°, p. 12 et 19.

B. N., mss. fonds fr. 11846; N.-D. de la Ronde de Melz, fol. 42, 48; chartes de 1298. Les formes entre parenthèses sont les variantes données par les deux chartes.- Communication de mon ami, M. Bonnardot, ancien élève de l'École des Chartes.

9 Id., ibid., 10023; Saint-Vincent de Metz, fol. 49; charte de 1245.-Communication de M. Bonnardot.

10 Id., ibid., 8711; ibid., fol. 2; charte de 1305. Communication de M. Bonnardot.

"Id, fonds lat., 10026, fol. 37; charte de 1326; la variante fai me boire se lit à la table, fol. 84. Communication de M. Bonnardot.

12 « Molendinum de Paismouche » (Cartul. de Notre-Dame de Bon-Port, publié par Andrieux, p. 24; charte de la fin du XIIe siècle).

Dur. Tornavent 1, Poincheval 2, Sail en bien 3, Jehan Boi l'iaue, Martin Boi vin 5, Hugo Boifvin 6, magistrum Boifleve 7, la femme Sail du crues 8, Jehan Sau du crues9, Radulphus Sau du bruil 10, Jehan Sail du bois 11, Jehan Boi Boi 12, Regnault Prens tout 13.

Dans toutes ces formes on a l'impératif : boi, boif ou buef, sail ou sau, clos, fai, croi, pais, poin, prens; le présent de l'indicatif serait boit, sailt ou saut, clot, fait, croit, paît, point, prend 14.

Bernard, Cartul. de l'abbaye de Savigny, 224, charte de la fin du xe siècle. Tornavent contient un impératif; car l'indicatif donnerait tornal a vent ou tornet a vent; le t de la finale et (= at) dans les verbes de la 1r conjugaison n'est tombé qu'à la fin du siècle suivant. Tornavent ne peut pas être un mot provençal, car il faudrait tornaven.

-

2 Guérard, Cartul. de Notre-Dame de Paris, III, 93; texte de 1308; cf. Bochardus Poinvillain dans les Olim de Beugnot, 1, 132 (texte de 1260). 3 Rôle de la taille en 1292, p. 2 (sur cet ouvrage, voir plus haut, p. 41, n. 1; nous donnons l'orthographe d'après le manuscrit). Ce nom de Sail en bien appartient à une grande et riche famille parisienne du moyen âge, plus d'une fois rappelée dans les documents anciens. Voyez, entre autres, Est. Boileau, Livre des mestiers, 430; Bibl. de l'École des chartes, 1873, p. 436; Leroux de Lincy, Paris et ses historiens, 356; Beugnot, Olim, I, 412; Merlet et Moustié, Cartul. des Vaux de Cernay, 747. Cf. Revue archéologique, XIII (1856-57), p. 637 et suivantes (Notice d'Aug. Moustié sur une Dalle tumulaire de Guillaume Sal-en-bien). Saillembien rappelle Salimbene, nom d'une famille italienne, et en particulier d'un poète italien du XIIIe siècle.

* Rôle de la taille, p. 23, 61, 63, 76. Nom très-commun au moyen âge. Cf. les formes données à la page précédente et le nom de l'auteur du Livre des mestiers, rappelé dans la note et qui est écrit dans les manuscrits: Boi lique.

5 Id., p. 19, 170, etc.

Lespinasse, Registre-Terrier de l'évêché de Nevers, 122.

'Beugnot, Olim, II, 68 (texte de 1318).

Taille, 66. Dans Guérard, Cartul, de Notre-Dame de Paris, je trouve (III, 403) un Nicholas Saudetrues, sans doute erreur pour Sau de crues. 9 Rôle de la taille, p. 85.

10 Andrieux, Cartul. de Notre-Dame de Bon-Port, 185; charte de 1250. Il est vrai qu'on trouve, p. 184 et 186, Radulphus Saut de broel. Nous reviendrons plus loin sur cette forme.

11 Rôle de la taille, 132.- Dans Villehardouin, 273, je trouve le nom de E. de Saubruit, écrit encore Salebruit, Saubruic, etc. Cf. les paragraphes 281, 282, et la note de M. de Wailly aux pages 162 et 490 de son édition. Quelque obscur que soit ce composé, on ne peut s'empêcher d'y reconnaître l'impératif de salire.

12 Rôle de la taille, 89.

13 Nom de fantaisie dans Coquillart, Enqueste de la Simple et de la Rusée (éd. de Ch. d'Héricault, II, p. 88 et 143).

"On trouve presque toujours Boivin sans article, rarement Boilevin, et au contraire toujours Boileau, avec article, mais non Boieau. Preuve nouvelle qu'on a là un impératif; car l'article dans Boileau est amené par

Quelques-uns de ces noms se sont conservés jusqu'à nos jours. Un Bottin de 1864 me fournit des Boileau, Boileve, Boilevin, Boicervoise, Saillenfest, Saillenfait. Dans Sabatier 1, je note un Boiscervoise; ici l'impératif est rajeuni. M. Mowat me signale une famille contemporaine de Tours, dont le nom s'écrit Boislève, c'est-à-dire bois l'ève 2.

A ces exemples d'origine ancienne 3 ajoutons d'autres composés modernes où l'impératif n'est pas moins évident :

different

Et d'abord les pluriels : un chassez-croisez, un chassez- tom objet! déchassez, un laissez-passer, un ne-m'oubliez-pas ou pensezà-moi (myosotis), un rendez-vous, un regardez-moi (scabieuse), un revenez-y, un (beau) venez-y-voir, et, dans la langue contemporaine de l'argot parisien: un suivez-moi, jeune homme (double ruban descendant du chignon le long du dos), se na un pincez-moi ça (noeud, au bas de la taille, dans le dos, avec de longs rubans qui retombent), un décrochez-moi cela (chapeau d'occasion pour femme) qu'il ne faut pas confondre avec un décroche-moi cela (marchand fripier), le vol au rendez-moi 5.

Ensuite les expressions qui décèlent par leur construction la présence d'un impératif : un ramasse-ton-bras (fanfaron), une trousse-ta-queue, un va-lui-dire (chambrière, entremetteur, dans les contes du XVIe siècle 6), un va-t'en si tu peux (emplâtre, dans Régnier 7), le sire de Fiche-ton-camp, un ouvrage fait à la va-te-faire-fiche, locution dont on peut rapprocher cette autre:

l'euphonie. Avec l'indicatif, on aurait pu facilement dire boiteau; or cette forme ne se rencontre pas. Le nom propre Boileau vient de Boisteau, Boistel.

1 Encyclopédie des noms propres, Paris, 1865, in-12, p. 254.

2 Bois est ici bibe et non nemus, qui n'offrirait aucun sens, et qui d'ailleurs ne peut avoir pour complément au génitif l'ève.

3 Je ne cite pas le surnom bien connu du vicomte d'Anjou Geoffroy Plantagenêt, parce que je n'ai trouvé nulle part planta ginestum, forme nécessaire pour établir l'existence d'un impératif dans planta, mais seulement planlagenest ou plantegenest. Un Morlachar des Arch. admin. de Reims (I, 365) et un Morgastel des Olim (Beugnot, I, 552) sont aussi douteux, parce que mor représente aussi bien mort (mordet) que mord (morde).

On trouve aussi, il est vrai, chassé-croisé et chassé-déchassé.
Loredan Larchey, Dict. de l'argot parisien, 6o édit., 1873.

6 Va li dire déjà dans Rutebœuf : « Se sui por maqueriaus tenus L'en vos retient a va-li-dire (dans Bartsch, Chrestom., ', 334, 23 et 24).— Trousse-la-queue, nom d'une chambrière, par ex. dans la Farce nouvelle des Chamberières: « Trousse ta queue, hâtons-nous vite » (Anc. Théâtre fr., II, 435).

Un va-l'en, si tu peux; un si tu peux, va-t'en, Escrit en peau d'oignon entouroit sa maschoire (Sat. XI).

X

traiter quelqu'un à bouche que veux-tu; et dans les patois : jouer à la muche-ten-pot 1, un tâte-mes-glènes 2, un tin-tebin 3. Parmi ces expressions, remarquons spécialement les noms de divers jeux. Je citerai par exemple ceux que je trouve dans Rabelais à cochonnet 4, va devant; à compère, prestez-moi vostre sac; à Guillemin, baille mi ma lance; à monte, monte l'eschelette, et de même les noms de services ou de plats du laisse-moi en paix, du tire-toi là, du boutelui toi-mesme, du souffle au cul mien 5.

Enfin les composés qui ne peuvent s'expliquer que par un impératif suivi d'un vocatif :

Le chat s'appelle minaud et grippe-minaud 6; une brosse de doreur est connue sous le nom de boesse et de gratte-boesse : le brequin est le nom primitif du virebrequin, devenu par altération vilebrequin, proprement vire, tourne, brequin. Le coupe-bourgeon, insecte qui attaque la vigne, est appelé Lisette et bêche-Lisette. La chaise à porteur s'est dite portechaise, aussi bien que chaise 7. La nourriture des moutons dans certaines régions se dit gobe-mouton, c'est-à-dire gobe cela, mouton. Il est un raisin et une plante fort aimés des poules: on a donné à l'un le nom de pique-poule, à l'autre celui de morgeline (mords géline, en italien mordigelina), c'est-à-dire picote cela, poule; mords cela, géline. Le chèvrefeuille, dans le haut Maine, s'appelle broute-biquet, et dans le Berry broute-biquette 8, c'est-à-dire broute cela, biquet, biquette. Ces composés, dont il est facile d'augmenter la liste 9, ne peuvent

En Normandie, pour à la musse-ton-pot, à la musse-pot (Littré, s. v.). 2 En Picardie, homme qui s'occupe des petits soins du ménage, proprement lâle-mes-poules. Voir Grandgagnage, Dict. wallon, s. v. cati. Le haut Maine dit dans le même sens un chauffe-la-couche (C. R. de M., Gloss. du haut Maine). On ne peut guère expliquer ce mot que par l'impératif. 3 Dans l'est, petit chariot pour apprendre à marcher aux petits enfants, proprement un tiens-toi-bien. Voir Tissot, Patois des Fourgs, et Bridel, Glossaire de la Suisse romande, s. v.

Terme du jeu de boule, petite boule servant de but au joueur. 5 Rabelais, Gargantua, xxii; Pantagruel, V, xxxIII.

Grippeminaud, le bon apôtre, Jetant des deux côtés la griffe en même temps, Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre (La Font., Fables, VII, 16).— Grippeminaud, archiduc des chats fourrés (Rabelais, Pantagruel, V, 11).

Porte-chaise n'est ni dans Bescherelle ni dans Littré; je le trouve cité dans Clemm (Compos. græc. cum verb., p. 93), qui, n'y reconnaissant pas un composé avec vocatif, ne peut se rendre compte de sa composition. Gloss. du haut Maine, par C. R. de M(ontesson), et Gloss. du centre de la France, par le comte Jaubert, s. v.

" Voir plus bas les listes des composés avec le vocatif.

s'expliquer que par l'impératif et le vocatif. Voir dans le premier terme un substantif verbal ou une troisième personne de l'indicatif est chose inadmissible. Gratte-boesse, par exemple, ne peut signifier ni << boesse qui est une gratte, » ni « boësse qui gratte. » Bêche-Lisette ne peut vouloir dire ni « Lisette qui est en même temps une bêche », ni « Lisette qui bèche. » Dans le premier cas, le composé n'a aucun sens; dans le second, on se trouve devant une inversion que repousse le génie de la langue.

Rappelons encore quelques expressions familières où la formation avec l'impératif se laisse prendre sur le fait : « Nous montâmes en voiture, et puis, fouette cocher!» — « Tout est réglé, l'affaire est en train, et maintenant va comme je te pousse ! » ou bien « et allez donc!»-« Il comptait sur leurs promesses, mais va-t'en voir s'ils viennent! » << Il a reçu une volée de coups de bâton, en veux-tu, en voilà 2! »

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En dehors de ces composés français, notre langue renferme des mots latins créés d'une manière analogue aux précédents. Le verbe y est à l'impératif. Ainsi : noli-me-tangere (ulcère malin et plante), vade-in-pace (et par abréviation in-pace - cachot d'un cloître), vade-mecum et, synonyme moins usité, venimecum (manuel), fac-simile (copie exacte d'une gravure, d'une écriture), fac-totum (chargé d'affaires), custodi-nos (prête-nom qui garde un bénéfice pour un autre), nota-bene (remarque), salva-nos (bouée de sauvetage). Pour que cette formation fût possible, il fallait qu'on vît un impératif dans les mots français analogues, ou que dans les composés de cette nature la construction avec l'impératif s'imposat nécessairement d'elle-même à la pensée 3.

1 « Un fiacre est venu nous prendre; nous nous y sommes emballés sans façon, la Cousine et moi; et puis, fouette cocher! » (Marivaux, Le Paysan parvenu, II). Comparez ces vers de Florian : « Des singes dans un bois jouaient à la main chaude.... On frappait fort et puis devine. » (Les Singes et le Léopard).

L'impératif est implicitement renfermé dans en voilà; proprement prends-les, en voilà. On lit dans Ducange (s. v. boutare), à propos du jeu appelé boute-hors: « Ainsi qu'il jouait avec plusieurs compagnons d'un esteuf à un jeu qu'on appelle à bouter hors » (texte de 1387). Dans cet infinitif futur, traduction de boute-hors, ne saisit-on pas l'idée de l'impératif rendue ici par l'idée correspondante du futur?

3 Linné traduit dompte-venin (nom d'une plante) par (asclepias) vincetoxicum; si l'impératif est formel dans le latin, il doit l'être tout aussi bien dans le français. On peut ajouter aux noms précédents dormi secure, titre d'un recueil de sermons tout faits à l'usage des curés (xv° siècle). M. Gaston Paris, qui me signale ce mot, m'indique encore un Da nobis,

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