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gardés que comme des brigands schismatiques. Le séjour de saint Pierre à Rome était considéré comme une fable absurde, fondée uniquement sur ce que saint Pierre avait dit, dans une de ses épîtres, qu'il était à Babylone, et qu'on s'était avisé de prétendre que Babylone signifiait Rome: on ne faisait guère plus de cas à Constantinople des empereurs saxons, qu'on traitait de barbares.

Cependant la cour de Constantinople re valait pas mieux que celle des empereurs germaniques. Mais il y avait dans l'empire grec plus de commerce, d'industrie, de richesses, que dans l'empire latin: tout était déchu dans l'Europe occidentale, depuis les temps brillants de Charlemagne. La férocité et la débauche, l'anarchie et la pauvreté, étaient dans tous les états. Jamais l'ignorance ne fut plus universelle. Il ne se faisait pourtant pas moins de miracles que dans d'autres temps: il y en a eu dans chaque siècle; et ce n'est guère que depuis l'établissement des académies des sciences dans l'Europe, qu'on ne voit plus de miracles. chez les nations éclairées; et que, si l'on en voit, la saine physique les réduit bientôt à leur valeur.

CHAPITRE XXXVIII.

De la France vers le temps de Hugues-Capet. PENDANT que l'Allemagne commençait à prendre ainsi une nouvelle forme d'administration, et que Rome et l'Italie n'en avaient

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aucune,

la France devenait, comme l'Allemagne, un gouvernement entièrement féodal. Če royaume s'étendait des environs de l'Escaut et de la Meuse jusqu'à la mer britannique, et des Pyrénées au Rhône. C'é taient alors ses bornes; car, quoique tant d'historiens prétendent que ce grand fief de la France allait par-delà les Pyrénées jusqu'à l'Ebre, il ne paraît point du tout que les Espagnols de ces provinces, entre l'Ebre et les Pyrénées, fussent soumis au faible gouvernement de France, en combattant contre les mahométans.

La france, dans laquelle ni la Provence ni le Dauphiné n'étaient compris, était un assez grand royaume, mais il s'en fallait beaucoup que le roi de France fût un grand souverain. Louis, le dernier des descendants de Charlemagne, n'avait plus pour tout domaine que les villes de Laon et de Soissons, et quelques terres qu'on lui contestait. L'hommage rendu par la Normandie ne servait qu'à donner au roi un vassal qui aurait pu soudoyer son maître. Chaque province avait ou ses comtes ou ses ducs héréditaires; celui qui n'avait pu se saisir que de deux ou trois bourgades rendait hommage aux usurpateurs d'une province; et qui n'avait qu'un château relevait de celui qui avait usurpé une ville. De tout cela s'était fait cet assemblage monstrueux de membres qui ne formaient point un corps.

Le temps et la nécessité établirent que les seigneurs des grands fiefs marcheraient

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avec des troupes au secours du roi. Tel seigneur devait quarante jours de service, tel autre vingt-cinq. Les arrière-vassaux marchaient aux ordres de leurs seigneurs immédiats. Mais si tous ces seigneurs particuliers servaient l'état quelques jours, ils se faisaient la guerre entre eux presque toute l'année. En vain les conciles, qui dans ces temps de crimes ordonnèrent souvent des choses justes, avaient réglé qu'on ne se battrait point depuis le jeudi jusqu'au point du jour du lundi, et dans le temps de Pâques et dans d'autres solennités; ces règlements, n'étant point appuyés d'une justice coërcitive, étaient sans vigueur. Chaque château était la capitale d'un petit état de brigands; chaque monastère était en armes: leurs avocats, qu'on appelait avoyers, institués dans les premiers temps pour présenter leurs requêtes au prince et ménager leurs affaires, étaient. les généraux de leurs troupes: les moissons étaient ou brûlées, ou coupées avant le temps, ou défendues l'épée à la main; les villes presque réduites en solitude, et les campagnes dépeuplées par de longues famines.

Il semble que ce royaume sans chef, sans police, sans ordre, dût être la proie de l'étranger: mais une anarchie presque semblable dans tous les royaumes fit sa sûreté; et quand, sous les Othon, l'Allemagne fut plus à craindre, les guerres intestines l'occupèrent.

C'est de ces temps barbares que nous tenons l'usage de rendre hommage pour une

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maison et pour un bourg au seigneur d'un autre village. Un patricien, un marchand, qui se trouve possesseur d'un ancien fief, reçoit foi et hommage d'un autre bourgeois, ou d'un pair du royaume, qui aura acheté un arrière-fief dans sa mouvance. Les lois de fief ne subsistent plus; mais ces vieilles contumes de mouvances, d'hommages, de redevances, subsistent encore: dans la plupart des tribunaux on admet cette maxime: Nulle terre sans seigneur;« comme si ce n'était pas assez d'appartenir à la patrie.

Quand la France, l'Italie et l'Allemagne furent ainsi partagées sous un nombre innombrable de petits tyrans, les armées, dont la principale force avait été l'infanterie, sou Charlemagne ainsi que sous les Romains, ne furent plus que de la cavalerie. On ne connut plus que les gendarmes; les gens de pied n'avaient pas ce nom, parce que, en comparaison des hommes de cheval, ils n'étaient point armés.

Les moindres possesseurs de châtellenies ne se mettaient en campagne qu'avec le plus de chevaux qu'ils pouvaient; et le faste consistait alors à mener avec soi des écuyers qu'on appela vaslets, du mot vassalet: petit vassal. L'honneur étant donc mis à ne combattre qu'à cheval, on prit l'habitude de porter une armure complète de fer,' qui cût accablé un homme à pied de son poids. Les brassarts, les cuissarts, furent une partie de l'habillement. On prétend que Charlemagne

en avait eu: mais ce fut vers l'an 1000 que l'usage en fut commun.

Quiconque était riche devint presque invulnérable à la guerre; et c'était alors qu'on se servit plus que jamais de massues, pour assommer ces chevaliers que les pointes ne pouvaient percer. Le plus grand commerce alors fut en cuirasses, en boucliers, en casques ornés de plumes.

Les paysans qu'on traînait à la guerre, seuls exposés et méprisés, servaient de pionniers plutôt que de combattants. Les chevaux, plus estimés qu'eux, furent bardés de fer, leur tête fut armée de chanfreins.

cel

On ne connut guère alors de lois que les que les plus puissants firent pour le service des fiefs. Tous les autres objets de la justice distributive furent abandonnés au caprice des maîtres d'hôtel, prévôts, baillis, nommés par les possesseurs des terres.

Les sénats de ces villes, qui, sous Charlemagne et sons les Romains, avaient joui du gouvernement municipal, furent abolis presque partout. Le mot de Senior, seigneur, affecté long-temps à ces principaux du sénat des villes, ne fut plus donné qu'aux posses. seurs des fiefs.

Le terme de pair commençait alors à s'introduire dans la langue gallo-tudesque, qu'on parlait en France. On sait qu'il venait du mot latin, par, qui signifie égal ou confrère. On ne s'en était servi que dans ce sens sons la première et la seconde race des rois de France. Les enfants de Louis-le-Débonnaire

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