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bien faits de cette foule de fables absurdes dont on continue encore d'infecter la jeunesse. L'auteur de cet ouvrage a donné ce préservatif, précisément comme l'illustre médecin Tissot ajouta, longs-temps après, à son Avis au peuple un chapitre très-utile contre les charlatans. L'un écrivit pour la vérité, l'autre pour la santé.

Un répétiteur du collège Mazarin, nommé Larcher, traducteur d'un vieux roman grec, intitulé Callirrhoé, et du Martinus Scriblerus de Pope, fut chargé, par ses camarades, d'écrire un libelle pédantesque contre les vérités trop évidentes énoncées dans la Philosophie de l'histoire. La moitié de ce libelle consiste en bévues; et l'autre en injures, selon l'usage. Comme la Philosophie de l'histoire avait été donnée sous le nom de l'abbé Bazin, on répondit à l'homme du collège sous le nom d'un neveu de l'abbé Bazin; et l'on répondit, eomme doit faire un homme du monde, en se moquant du pédant. Les sages et les rieurs furent pour le neveu de l'abbé Bazin.

On trouvera la réponse du neveu dans les Mélanges historiques.

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INTRODUCTION.

CHANGEMENTS DANS LE GLOBE.

Vous voudriez que des philosophes eussent écrit l'histoire ancienne, parce que vous vou lez la lire en philosophe. Vous ne cherchez que des vérités utiles, et vous n'avez guère trouvé, dites-vous, que d'inutiles erreurs. Tâchons de nous éclairer ensemble; essayons de déterrer quelques monuments précieux sous les ruines des siècles.

Commençons par examiner si le globe que nous habitons était autrefois tel qu'il est aujourd'hui.

Пl se peut que notre monde ait subi antant de changements que les états ont éprouvé de révolutions. Il paraît prouvé que la mer a couvert des terrains immenses, chargés aujourd'hui de grandes villes et de riches moissons. Il n'y a point de rivage que le temps n'ait éloigné ou rapproché de la mer.

Les sables mouvants de l'Afrique septentrionale, et des bords de la Syrie voisins de Égypte, peuvent-ils être autre chose que les sables de la mer qui sont demeurés

amoncelés quand la mer s'est peu à peu retirée? Hérodote, qui ne ment pas toujours, nous dit sans doute une très-grande vérité quand il raconte que, suivant le récit des prêtres de l'Égypte, le Delta n'avait pas été toujours terre. Ne pouvons-nous pas en dire autant des contrées toutes sablonneuses qui sont vers la mer Baltique? Les Cyclades n'attestent-elles pas aux yeux mêmes, tous les bas-fonds qui les entourent, par les végétations qu'on découvre aisément sous l'eau qui les baigne, qu'elles ont fait partie du continent?

par

Le détroit de la Sicile, cet ancien gouffre de Carybde et de Scylla, dangereux encore aujourd'hui pour les petites barques, ne semblet-il pas nous apprendre que la Sicile était autrefois jointe à l'Apulie, comme l'antiquité l'a toujours cru? Lemont Vésuve et le mont Etna ont les mêmes fondements sous la mer qui les sépare. Le Vésuve ne commença d'être un volcan dangereux que quand l'Etna cessa de l'être: l'un des deux soupiraux jette encore des flammes, quand l'autre est tranquille: une secousse violente abima la partie de cette montagne qui joignait Naples à la Sicile.

Toute l'Europe sait que la mer a englouti la moitié de la Frise. J'ai vu, il y a quarante ans, les clochers de dix-huit villages, près du Mordick, qui s'élevaient encore audessus de ses inondations, et qui ont cédé depuis à l'effort des vagues. Il est sensible

que la mer abandonne en peu dé temps ses anciens rivages. Voyez Aigues-Mortes, Fréjus, Ravenne, qui ont été des ports, et qui ne le sont plus; voyez Damiette où nous abordâmes du temps des croisades, et qui est actuellement à dix milles au milieu des terres; la mer se retire tous les jours de Rosette. La nature rend partout témoignage de ces révolutions: et, s'il s'est perdu des étoiles dans l'immensité de l'espace; si la septième des Pléiades est disparue depuis long-temps; si plusieurs autres se sont évanouies aux yeux dans la voie lactée, devons nous être surpris que notre petit globe subisse des changements continuels?

Je ne prétends pas assurer que la mer ait formé ou même côtoyé toutes les montagnes de la terre. Les coquilles trouvées près de ces montagnes peuvent avoir été le logement de petits testacées qui habitaient des lacs; et ces lacs, qui ont disparu par des tremblements de terre, se seront jetés dans d'autres lacs inférieurs. Les cornes d'Ammon, les pierres étoilées, les lenticulaires, les judaïques, les glossopètres, m'ont paru des fossiles terrestres. Je n'ai jamais osé penser que ces glossopètres pussent être des langues de chien marin, et je suis de l'avis de celui qui a dit qu'il vaudrait autant croire que des milliers de femmes sont venues déposer leurs conchas Veneris sur un rivage, que de croire que des milliers de chiens marins y sont venus apporter leurs langues. On a osé.

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dire que les mers sans reflux, et les mers dont le reflux est de sept ou huit pieds, ont formé des montagnes de quatre à cinq cents toises de haut; que tout le globe a été brûlé, qu'il est devenu une boule de verre: ces imaginations déshonorent la physique; une telle charlatanerie est indigne de l'histoire.

Gardons-nous de mêler le douteux, au certain, et le chimérique avec le vrai; nous avons assez de preuves des grandes révolutions du globe, sans en aller chercher de nouvelles.

La plus grande de toutes ces révolutions serait la perte de la terre atlantique, sil était vrai que cette partie du monde eût existé. Il est vraisemblable que cette terre n'était autre chose que l'ile de Madère, découverte peut-être par les Phéniciens, les plus hardis navigateurs de l'antiquité, oubliée ensuite, en enfin retrouvée au commencement dn quinzième siècle de notre ère vulgaire.

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Enfin il paraît évident, par les échancrures de toutes les terres que l'Océan baigne, par ces golfes que les irruptions de la mer ont formés, par ces archipels semés au milieu des eaux, que les deux hémisphères ont perdu plus de deux mille lieues de terraind'un côté, et qu'ils l'ont regagné de Fautre. Mais la mer ne peut avoir été, pendant des siècles, sur les Alpes et sur les Pyrénées: une telle idée choque toutes les lois de ha gravitation et de l'hydrostatique,

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