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pereurs de la maison d'Autriche. Mais alors ils semblaient être ce qu'ils avaient été sous Attila: ils ravageaient l'Allemagne, les frontières de la France; ils descendaient en Italie par le Tyrol, après avoir pillé la Bavière, et revenaient ensuite avec les dépouilles de tant de nations.

C'est au règne de Henri-l'Oiseleur que se débrouilla un peu le chaos de l'Allemagne. Ses limites étaient alors le fleuve de l'Oder, la Bohême, la Moravie, la Hongrie, les rivages du Rhin, de l'Escaut, de la Moselle, de la Meuse; et vers le septentrion, la Pomeranie et le Holstein étaient ses barrières.

Il faut que Henri-l'Oiseleur fût un des rois les plus dignes de régner. Sous lui les seigneurs de l'Allemagne, si divisés, sont réunis. (920) Le premier fruit de cette réunion est l'affranchissement du tribut qu'on payait aux Hongrois, et une grande victoire remportée sur cette nation terrible. Il fit entourer de murailles la plupart des villes d'Allemagne; il institua des milices: on lui attribua même l'invention de quelques jeux militaires qui donnaient quelques idées des tournois. Enfin l'Allemagne respirait: mais il ne paraît pas qu'elle prétendît être l'empire romain. L'archevêque de Maïence avait sacré Henri-l'Oiseleur: aucun légat du pape, aucun envoyé des Romains, n'y avait assisté. L'Allemagne sembla, pendant tout ce règne, oublier l'Italie.

et

n'en fut pas ainsi sous Othon-le-Grand, que les princes allemands, les évêques, les abbés, élurent unanimement après la mort de Henri, son père. L'héritier reconnu d'un prince puissant qui a fondé ou rétabli un état, est toujours plus puissant que son père, s'il ne manque pas de courage; car il entre dans une carrière déjà ouverte; il commence où son prédécesseur a fini. Ainsi Alexandre avait été plus loin que Philippe son père: Charlemagne, plus loin que Pepin; et Othon-le-Grand passa de beaucoup Henri-l'Oiseleur.

CHAPITRE XXXIV.

D'Othon-le-Grand au dixi siècle.

OTHON, qui rétablit une partie de l'empire de Charlemagne, étendit comme lui la religion chrétienne en Germanie par des victoires. (948) Il forca les Danois, les armes à la main, à payer tribut, et à recevoir le baptême qui leur avait té prêché un siècle auparavant, et qui était presque entièrement aboli.

Ces Danois ou Normands, qui avaient conquis la Neustrie et l'Angleterre, ravagé la France et l'Allemagne, reçurent des lois d'Othon. Il établit des évêques en Danemark, qui furent alors soumis à l'arche

vêque de Hambourg, métropolitain des églises des barbares, fondées depuis peu dans le Holstein, dans la Suède, dans le Danemark. Tout le christianisme consistait à faire le signe de la croix. Il soumit la Bohême après une guerre opiniâtre. C'est depuis lui que la Bohême, et même le Danemark, furent réputés provinces de l'empire; mais les Danois secouerent bientôt le joug.

Othon s'était ainsi rendu l'homme le plus considérable de l'occident, et l'arbitre des princes. Son autorité était si grande, et l'état de la France si déplorable alors, que Louis-d'Outremer, fils de Charles-le-Simple, descendant de Charlemagne, était venu en 948, à un concile d'évêques que tenait Othon près de Maïence; ce roi de France dit ces propres mots rédigés dans les actes: »>Jai vété reconnoi, et sacré par les suffrages »de tous les seigneurs et de toute la no>>blesse de France. Hugues toutefois m'a >>chassé, m'a pris frauduleusement, et m'a >>retenu prisonnier un an entier, et je n'ai >>pu obtenir ma liberté qu'en lui laissant la »ville de Laon, qui restait seule à la reine »Gerberge pour y tenir sa cour avec mes >>serviteurs. Si on prétend que j'aie com>>mis quelque crime qui méritât un tel trai»tement, je suis prêt à m'en purger, au jugement d'un concile, et suivant l'ordre du >>roi Othon, ou par le combat singulier.<

Ce discours important prouve à la fois bien des choses; les prétentions des empe

reurs de juger les rois, la puissance d'Othon, la faiblesse de la France, la coutume des combats singuliers, et enfin l'usage qui s'établissait de donner les couronnes, non par le droit du sang, mais par les suffrages des seigneurs, usage bientôt après aboli en France.

Tel était le pouvoir d'Othon-le-Grand quand il fut invité à passer les Alpes par les Italiens mêmes, qui, toujours factieux et faibles, ne pouvaient ni obéir à leurs compatriotes, ni être libres, ni se défendre à la fois contre les Sarrasins et les Hongrois, dont les incursions infestaient encore leur pays.

L'Italie, qui dans ses ruines était toujours la plus riche et la plus florissante contrée de l'occident, était déchirée sans cesse par des tyrans. Mais Rome, dans ces divisions, donnait encore le mouvement aux autres villes d'Italie. Qu'on songe à ce qu'était Paris dans le temps de la Fronde, et plus encore sous Charles-l'Insensé, et à ce qu'était Londres sous l'infortuné Charles Ier, ou dans les guerres civiles des Yorck et des Lancastre, on aura quelque idée de l'état de Rome au dixième siècle. La chaire pontificale était opprimée, deshonorée et sanglante: l'élection des papes se faisait d'une manière dont on n'a guère d'exemples, ni avant, ni après.

CHAPITRE XXXV.

De la Papauté au dixième siècle, avant qu'Othon-leGrand se rendit maître de Rome.

LES scandales et les troubles intestins qui affligèrent Rome et son Eglise au dixième siècle, et qui continuèrent long-temps après, n'étaient arrivés ni sous les empereurs grecs et latins, ni sous les rois goths, ni sous les rois lombards, ni sous Charlemagne; ils sont visiblement la suite de l'anarchie; et cette anarchie eut sa source dans ce que les papes avaient fait pour la prévenir, dans la politique qu'ils avaient eue d'appeler les Francs en Italie. S'ils avaient en effet possédé toutes les terres qu'on prétend que Charlemagne leur donna, ils auraient été plus grands souverains qu'ils ne le sont aujourd'hui: l'ordre et la règle eussent été dans les élections et dans le gouvernement, comme on les y voit. Mais on leur disputa tout ce qu'ils voulurent avoir: I'Italie fut toujours l'objet de l'ambition des étrangers; le sort de Rome fut toujours incertain. Il ne faut jamais perdre de vue que le grand but des Romains était de ré tablir l'ancienne république, que des tyrans s'élevaient dans l'Italie et dans Rome, que les élections des évêques ne furent presque jamais libres, et que tout était abandonné aux factions.

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