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point fondamental, qui n'ont ni excité des troubles, ni rempli les prisons, ni allumé les bûchers.

On a blâme les déférences du pape Jean VIII pour le patriarche Photius; on n'a pas assez songé que ce pontife avait alors besoin de l'empereur Basile. Un roi de Bulgarie, nommé Bogoris, gagné par l'habilité de sa femme qui était chrétienne, s'était converti, à l'exemple de Clovis et du roi Egbert. Il s'agissait de savoir de quel patriarchat cette nouvelle province chrétienne dépendrait. Constantinople et Rome se la disputaient. La décision dépendait de l'empereur Basile. Voilà en partie le. sujet des complaisances qu'eut l'évêque de Rome pour celui de Constantinople.

Il ne faut pas oublier que dans ce concile, ainsi que dans le précédent, il y eut des cardinaux. On nommait ainsi des prêtres et des diacres qui servaient de conseils aux métropolitains. Il y en avait à Rome comme dans d'autres Églises. Ils étaient déjà distingués; mais ils signaient après les évêques et les abbés.

Le pape donna, par ses lettres et par ses légats, le titre de votre sainteté au patriarche Photius. Les autres patriarches sont aussi. appelés papes dans ce concile. C'est un nom grec commun à tous les prêtres, et qui peu à peu et devenu le titre distinctif du métropolitain de Rome.

Il paraît que Jean VIII se conduisait avec

prudence; car ses successeurs s'étant brouillés avec Tempire grec, et ayant adopté le huitième concile cecuménique de 869, et rejeté l'autre, qui absolvait Photius, la paix établie par Jean VIII fut alors rompue. Photius éclata contre l'Eglise romaine, la traita d'hérétique au sujet de cet article du filioque procedit, des œufs en carême, de l'eucharistie faite avec du pain sans levain, et de plusieurs autres usages. Mais le grand point de la division était la primatie. Photius et ses successeurs voulaient être les premiers évêques du christianisme, et ne pouvaient souffrir que l'évêque de Rome, d'une ville qu'ils regardaient alers comme barbare, séparée de l'empire par sa rébellion, et en proie à qui voudrait s'en emparer, jouît de la préséance sur l'évêque de la ville impériale. Le patriarche de Constantinople avait alors dans son district toutes les Eglises de la Sicile et de la Pouille; et le siège romain, en passant sous une domination étrangère, avait perdu à la fois dans ces provinces son patrimoine et ses droits de métropolitain. L'Eglise grecque méprisait l'Eglise romaine. Les sciences florissaient à Constantinople, mais à Rome tout tombait, jusqu'à la langue latine; et quoiqu'on y fût plus instruit que dans tout le reste de l'occident, ce peu de science se ressentait de ces temps malheureux. Les Grecs se vengeaient bien de la supériorité que les Romains avaient eue sur eux de

puis le temps de Lucrèce et de Cicéron jusqu'à Corneille-Tacite: Ils ne parlaient des Romains qu'avec ironie. L'évêque Luitprand, envoyé depuis en ambassade à Constantinople par les Othons, rapporte que les Grecs n'appelaient saint Gregoire-leGrand que Grégoire-Dialogue, parce qu'en effet ses dialogues sont d'un homme trop simple. Le temps a tout change. Les papes sont devenus de grands souverains, Rome le centre de la politesse et des arts, l'Eglise latine savante; et le patriarche de Constantinople n'est plus qu'un esclave, évêque d'un peuple esclave.

Photius, qui cut dans sa vie plus de revers que de gloire, fut déposé par des intrigues de cour, et mourut malheureux; mais ses successeurs, attachés à ses prétentions, les soutinrent avec vigueur.

(882) Le pape Jean VIII mourut encore plus malheureusement. Les annales de Fulde disent qu'il fut assassiné à coups de marteau. Les temps suivants nous feront voir le siège pontifical souvent ensanglanté, et Rome toujours un grand objet pour les nations, mais toujours à plaindre.

Le dogme ne troubla point encore l'Église d'occident: à peine a-t-on conservé la mémoire d'une petite dispute excitée, en 846, par un bénédictin, nommé Jean-Godescale, sur la prédestination et sur la grâce: l'évènement fit voir combien il est dangereux de traiter ces matières, et surtout de

disputer contre un adversaire puissant. Ce moine, prenant à la lettre plusieurs expressions de saint Augustin, enseignait la prédestination absolue et éternelle du petit nombre des élus, et du grand nombre des réprouvés. L'archevêque de Rheims, Hincmar, homme violent dans les affaires ecclésiastiques comme dans les civiles, lui dit qu'il était prédestiné à être condamné et à »être fouetté.« En effet, il le fit anathématiser dans un petit concile en 850. On l'exposa tout nu en présence de l'empereur Charles-le-Chauve, et il fut fouetté depuis les épaules jusqu'aux jambes par des moines. Cette dispute impertinente, dans laquelle les deux partis ont également tort, ne s'est que trop renouvelée. Vous verrez chez les Hollandais un synode de Dordrecht, composé des partisans de l'opinion des Godescale, faire pis que fouetter les sectateurs d'Hincmar. Vous verrez, au contraire, en France, les jésuites du parti d'Hincmar poursuivre autant qu'ils le pourront les jansénistes attachés aux dogmes de Godescale; et ces querelles, qui sont la honte des nations policées, ne finiront que quand il y aura plus de philosophes que de docteurs.

Je ne ferais aucune mention d'une folie épidémique qui saisit le peuple de Dijon, en 844, à l'occasion d'un, saint Benigne, qui donnait, disait-on, des convulsions à ceux qui priaient sur son tombeau: je ne parlerais pas, dis-je, de cette superstition popu

laire, si elle ne s'était renouvelée de nos jours avec fureur dans des circonstances toutes pareilles. Les mêmes folies semblent être destinées à reparaître de temps en temps sur la scène du monde; mais aussi le bon sens est le même dans tous les temps; et on n'a rien dit de si sage sur les miracles modernes opérés au tombeau de je ne sais quel diacre de Paris, que ce que dit, en 844, un évêque de Lyon sur ceux de Dijon. Voilà un étrange saint, qui estropie ceux >qui ont recours à lui: il me semble que les miracles devraient être faits pour gué»rir les maladies, et non pour en donner.<<

Ces minuties ne troublaient point la paix en occident; et les querelles théologiques y étaient alors comptées pour rien, parce qu'on ne pensait qu'à s'agrandir. Elles avaient plus de poids en orient, parce que les prélats n'y ayant jamais eu de puissance temporelle, cherchaient à se faire valoir par les guerres de plume. Il y a encore une autre cause de la paix théologique en occident, c'est l'ignorance, qui au moins produisit ce bien parmi les maux infinis dont elle était cause.

CHAPITRE XXXII.

État de l'empire d'occident à la fin du neuvième siècle. L'EMPIRE d'occident ne subsista plus que de nom. (888) Arnould, Arnolfe ou Arnold,

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