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nombre. Michel-le- Bègue commença par les consacrer, et finit par les abattre.

Son successeur Théophile, qui régna environ douze ans, depuis 829 jusqu'à 842, se déclara contre ce culte: on a écrit qu'il ne croyait point la résurrection, qu'il niait l'exi stance des démons, et qu'il n'admettait pas Jésus-Christ pour Dieu. Il se peut faire qu'un empereur pensât ainsi; mais faut-il croire, je ne dis pas sur les princes seulement, mais sur les particuliers, la voix des ennemis, qui, sans prouver aucun fait, décrient la religion et les mœurs des hommes qui n'ont pas pensé comme eux?

Ce Théophile, fils de Michel-le - Bègue, fut presque le seul empereur qui eût succédé paisiblement à son père depuis deux siècles. Sous lui les adorateurs des images furent plus persécutés que jamais. On conçoit aisément, par ces longues persécutions, que tous les citoyens étaient divisés.

Il est remarquable que deux femmes aient rétabli les images. L'une est l'impératrice Irène, veuve de Léon IV; et l'autre, l'impé ratrice Théodora, veuve de Théophile.

Théodora, maîtresse de l'empire d'orient sous le jeune Michel son fils, persécuta à son tour les ennemis des images. Elle porta son zèle ou sa politique plus loin. Il y avait encore dans l'Asie mineure un grand nombre Ide manichéens qui vivaient paisibles, parce que la fureur d'enthousiasme, qui n'est guère que dans les sectes naissantes, était passée.

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Ils étaient riches par le commerce. Soit qu'on en voulût à leurs opinions ou à leurs biens, on fit contre eux des édits sévères, qui furent exécutés avec cruauté. La persécution leur rendit leur premier fanatisme. (846) On en fit périr des milliers dans les supplices. Le reste, désespéré, se révolta. Il en passa plus de quarante mille chez les musulmans; et ces manichéens, auparavant si tranquilles, devinrent des ennemis irréconciliables, qui, joints aux Sarrasins, ravagèrent l'Asie mineure jusqu'aux portes de la ville impériale, dépeuplée par une peste hor rible en 842, et devenue un objet de pitié.

La peste, proprement dite, est une mala die particulière aux peuples de l'Afrique, comme la petite-vérole. C'est de ces pays qu'elle vient toujours par des vaisseaux marchands. Elle inonderait l'Europe, sans les sages précautions qu'on prend dans nos ports; et probablement l'inattention du gouverne ment laissa entrer la contagion dans la ville impériale.

Cette même inattention exposa l'empire à un autre fléau. Les Russes s'embarquèrent vers le port qu'on nomme aujourd'hui Azoph, sur la mer Noire, et vinrent ravager tous les rivages du Pont-Euxin. Les Arabes, d'un autre côté, poussèrent encore leurs conquê tes par de là 1Arménie, et dans l'Asie mineure. Enfin Michel-le-Jeune, après un règne cruel et infortuné, fut assassiné par

Basile, qu'il avait tiré de la plus basse condition pour l'associer à l'empire (867).

L'administration de Basile ne fut guère plus heureuse. C'est sous son règne qu'est l'époque du grand schisme qui divisa l'Eglise grecque de la latine. C'est cet assassin qu'on regarda comme juste, quand il fit déposer le patriarche Photius.

Les malheurs de l'empire ne furent pas beaucoup réparés sous Léon, qu'on appela le Philosophe; non qu'il fût un Antonin, un Marc-Aurèle, un Julien, un Aaron al-Raschild, un Alfred; mais parce qu'il était savant. Il passe pour avoir le premier ouvert un chemin aux Turcs, qui, si long-temps après, ont pris Constantinople.

Les Turcs, qui combattirent depuis les Sarrasins, et qui, mêlés à eux, furent leur soutien et les destructeurs de l'empire grec, avaient-ils déjà envoyé des colonies dans ces contrées voisines du Danube? On n'a guère d'histoires véritables de ces émigrations des barbares.

Il n'y a que trop d'apparence que les hommes ont ainsi vécu long-temps. A peine un pays était un peu cultivé, qu'il était envahi par une nation affamée, chassée à son tour pår une autre. Les Gaulois n'étaient-ils pas descendus en Italie? n'avaient-ils pas couru jusque dans l'Asie mineure? Vingt peuples de la grande Tartarie n'ont-ils pas cherché de nouvelles terres? Les Suisses n'avaient-ils pas mis le feu à leurs bourgades pour aller

se transplanter en Languedoc, quand César les contraignit de retourner labourer leurs terres? Et qu'étaient Pharamond et Clovis, sinon des barbares transplantés qui ne trouvèrent point de César?

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Malgré tant de désastres, Constantinople fut encore long-temps la ville chrétienne la plus opulente, la plus peuplée, la plus recommandable par les arts. Sa situation seule, par laquelle elle domine sur deux mers, la rendait nécessairement commerçante. La peste de 842, toute destructive qu'elle avait été, ne fut qu'un fléau passager. Les villes de commerce, et où la cour réside, se repeuplent toujours par l'affluence des voisins. Les arts mécaniques et les beaux-arts même ne périssent point dans une vaste capitale qui est le séjour des riches.

Toutes ces révolutions subites du palais, les crimes de tant d'empereurs égorgés les uns par les autres, sont des orages qui ne tombent guère sur des hommes cachés qui cultivent en paix des professions qu'on n'envie point.

Les richesses n'étaient point épuisées: on dit qu'en 857. Théodora, mère de Michel, en se démettant malgré elle de la régence, et traitée à peu près par son fils comme Marie de Médicis le fut de nos jours par Louis XIII, fit voir à l'empereur qu'il y avait dans le trésor cent neuf mille livres pesant d'or, et trois cent mille livres d'argent.

Un gouvernement sage pouvait done en

core maintenir l'empire dans sa puissance. Il était resseré, mais non tout-à-fait démembré; changeant d'empereurs, mais toujours uni sous celui qui se revêtait de la pourpre; enfin plus riche, plus plein de ressources, plus puissant que celui d'Allemagne. Cependant il n'est plus, et l'empire d'Allemagne subsiste encore.

Les horribles révolutions qu'on vient de voir effraient et dégoûtent; cependant il faut convenir que depuis Constantin, surnommé le Grand, l'empire de Constantinople n'avait guère été autrement gouverné; et, si vous en exceptez Julien et deux ou trois autres, quel empereur ne souilla pas le trône d'abominations et de 'crimes?

CHAPITRE XXX.

De Italie; des Papes; du Divorce de Lothaire, roi de Lorraine; et des autres affaires de l'Église, aux huitième et neuvième siècles.

Pour ne pas perdre le fil qui lie tant d'évènements, souvenons-nous avec quelle prudence les papes se conduisirent sous Pepin et sous Charlemagne, comme il assoupirent habilement les querelles de religion, et comme chacun d'eux établit sourdement les fondements de la grandeur pontificale.

Leur pouvoir était déjà très-grand, puisque Grégoire IV rebâtit le port d'Ostie, et

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