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de siècles exige la lenteur de l'esprit humain pour en venir jusqu'à ériger un tel monument aux sciences.

Ce fut en Chaldee, et non en Égypte, qu'on inventa le zodiaque. Il y en a, ce me semble, trois preuves assez fortes; la première, que les Chaldeens furent une nation éclairée, avant que l'Egypte, toujours inondée par le Nil, pût être habitable; la seconde, que les signes du zodiaque conviennent au climat de la Mesopotamie, et non à celui d'Egypte. Les Egyptiens ne pouvaient avoir le signe du taureau au mois d'avril, puisque ce n'est pas en cette saison qu'ils labourent; ils ne pouvaient, au mois que nous nommons août, figurer un signe par une fille chargée d'épis de blé, puisque ce n'est pas en ce temps qu'ils font la moisson. Ils ne pouvaient figu rer janvier par une cruche d'eau, puisqu'il pleut très-rarement en Egypte, et jamais au mois de janvier. La troisième raison, c'est que les signes anciens du zodiaque chaldéen étaient un des articles de leur religion. Ils étaient sous le gouvernement de douze dieux secondaires, douze dieux médiateurs: chacun d'eux présidait à une de ces constellations, ainsi que nous l'apprend Diodore de Sicile, au livre II. Cette religion des anciens Chaldéens était le sabisme, c'est-à-dire l'adoration d'un Dieu suprême, et la vénération des astres et des intelligences célestes qui présidaient aux astres. Quand ils priaient, ils se tour

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naient vers l'étoile du nord, tant leur culte était lié à l'astronomie.

Vitruve, dans son neuvième libre, où il traite des cadrans solaires, des hauteurs du soleil, de la longueur des ombres, de la lu mière réfléchie par la lune, cite toujours les anciens Chaldeens, et non les Egyptiens. C'est, ce me semble, une preuve assez forte qu'on regardait la Chaldée, et non pas l'Egypte, comme le berceau de cette science; de sorte que rien n'est plus vrai que cet aneien proverbe latin:

Tradidit Egyptis Babylon, Egyptus Achivis.

DES BABYLONIENS DEVENUS PERSANS.

A l'orient de Babylone étaient les Perses. Ceux-ci portèrent leurs armes et leur religion à Babylone, lorsque Cores, que nous appelons Cyrus, prit cette ville avec les secours des Mèdes établis au nord de la Perse. Nous avons deux fables principales sur Cyrus, eelle d'Hérodote, et celle de Xénophon, qui se contredisent en tout, et que mille écri vains ont copiées indifféremment.

Hérodote suppose un roi mede, c'est-à-dire un roi des pays voisins de l'Hyrcanie, qu'il appelle Astyage, d'un nom grec. Cet Hyrcanien Astyage commande de noyer son petit-fils Cyrus, au berceau, parce qu'il a vu, en songe, sa fille »Mandane, mère de Cyrus, >>pisser si copieusement, qu'elle inonda toute >>Î'Asie. Le reste de l'aventure est à peu

près dans ce goût; c'est une histoire de Gargantua écrite sérieusement.

Xénophon fait de la vie de Cyrus un roman moral, à peu près semblable à notre Télémaque. Il commence par supposer, pour faire valoir l'éducation mâle et vigoureuse de son héros, que les Mèdes étaient des voluptueux, plongés dans la mollesse. Tous ces peuples voisins de l'Hyrcanie, que les Tartares, alors nommés Scythes, avaient ravagés pendant trente années, étaient-ils des sybarites?

Tout ce qu'on peut assurer de Cyrus, c'est qu'il fut un grand conquérant, par conséquent un fléau de la terre. Le fond de son histoire est très-vrai; les épisodes sont fabuleux: il en est ainsi de toute histoire.

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Rome existait du temps de Cyrus: elle avait un territoire de quatre à cinq lieues, et pil lait tant qu'elle pouvait ses voisins; mais je ne voudrais pas garantir le combat des trois Horaces, et l'aventure de Lucrèce, et le bouclier descendu du ciel, et la pierre cou pée avec um rasoir. Il y avait quelques Juifs esclaves dans la Babylonie et ailleurs; mais, humainement parlant, on pourrait douter que L'ange Raphaël fût descendu du ciel pour conduire à pied le jeune Tobie vers l'Hyrcanie, afin de le faire payer de quelque argent et de chasser le diable Asmodée avec la fumée du foie d'un brochet.

Je me garderai bien d'examiner ici le roman d'Hérodote ou le roman de Xenophon,

concernant la vie et la mort de Cyrus; mais je remarquerai que les Parsis, ou Perses, prétendaient avoir eu parmi eux, il y avait six mille ans, un ancien Zerdust, un pro phete, qui leur avait appris à être justes et à révérer le soleil, comme les anciens Chaldéens avaient révéré les étoiles en les observant.

Je me garderai bien d'affirmer que ces Perses et ces Chaldeens fussent si justes, et de déterminer précisément en quel temps vint leur second Zerdust, qui rectia le culte du soleil et leur apprit à n'adorer que le Dieu auteur du soleil et des étoiles. Il écri vit ou commenta, dit-on, le livre du Zend, que les Parsis, dispersés aujourd'hui dans l'Asie, révèrent comme leur Bible. Ce livre est très-ancien, mais moins que ceux des Chinois et des brames; on le croit même postérieur à ceux de Sanchoniathon et des cinq Kings des Chinois: il est écrit dans l'ancienne langue sacrée des Chaldeens; et M. Hyde, qui nous a donné une traduction du Sadder, nous aurait procuré celle du Zend, s'il avait pu subvenir aux frais de cette recherche. Je m'en rapporte au moins au Sadder, à cet extrait du Zend, qui est le catéchisme des Parsis. Jy vois que ces Parsis croyaient, depuis long-temps, un Dieu, un diable, une résurrection, un paradis, un enfer. Ils sont les premiers, sans contredit, qui ont établi ces idées; c'est le système le plus antique, et qui ne fut adopté par les

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autres nations qu'après bien des siècles, puis, que les Pharisiens, chez les Juifs, ne soutinrent hautement l'immortalité de l'âme et le dogme des peines et des récompenses après la mort, que vers le temps des Asmonéens. - Voilà peut-être ce qu'il y a de plus important, dans l'ancienne histoire du monde. Voilà une religion utile, établie sur le dogme de l'immortalité de l'âme et sur la connaissance de l'Etre créateur. Ne cessons point de remarquer par combien de degrés il fallut que l'esprit humain passât pour conce voir un tel système. tel système. Remarquons encore que le baptême (l'immersion dans l'eau pour purifier l'âme par le corps) est un des preceptes du Zend (Porte 251). La source de tous les rites est venue peut-être des Persans et des Chaldéens, jusqu'aux extrémités de la terre.

Je n'examine point ici pourquoi et comment les Babyloniens eurent des dieux secondaires en reconnaissant un Dieu souve rain. Ce système, ou plutôt ce chaos, fut celui de, toutes les nations. Excepté dans les tribunaux de la Chine, on trouve, presque partout, l'extrême folie jointe à un peu de sagesse dans les lois, dans les cultes, dans les usages. L'instinct, plus que la raison, conduit le genre humain. On adore en tous lieux la divinité, et on la d la déshonore. Les Perses révérèrent des statues dès qu'ils purent avoir des sculpteurs; tout en est plein dans les ruines de Persépolis: mais

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