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dants. On a vu dans l'article de Charlemagne, qu'un d'eux, nommé Ibna, eut l'imprudence d'appeler ce conquérant à son secours. S'il y avait eu alors un véritable royaume chrétien en Espagne, Charles n'eut-il pas protégé ce royaume par ses armes, plutôt que de se joindre à des mahométans? Il prit cet émir sous sa protection, et se fit rendre hommage des terres qui sont entre l'Ebre et les Pyrénées, que les musulmans gardèrent. On voit, en 794, le Maure Abufar rendre hommage à Louis-le-Débonnaire, qui gouvernait l'Aquitaine sous son père avec le titre de roi.

Quelque temps après, les divisions augmentèrent chez les Maures d'Espagne. Le conseil de Louis-le-Débonnaire en profita; ses troupes assiégèrent deux ans Barcelone, et Louis y entra en triomphe en 796. Voilà le commencement de la décadence des Maures. Ces vainqueurs n'étaient plus soutenus par les Africains et par les califes, dont ils avaient secoué le joug. Les successeurs d'Abdérame, ayant établi le siège de leur royaume à Cordoue, étaient mal obéis des gouverneurs des autres provinces.

Alfonse, de la race de Pélage, commença, dans ces conjonctures heureuses, à rendre considérables les chrétiens espagnols retirés dans les Asturies. Il refusa le tribut ordinaire à des maîtres contre lesquels il pouvait combattre; et, après quelques victoires, il se vit maître paisible des Asturies et de Léon au commencement du neuvième siècle.

C'est par lui qu'il faut commencer de re trouver en Espagne des rois chrétiens. Cet Alfonse était artificieux et cruel. On l'appelle la Chaste, parce qu'il fut le premier qui refusa les cent filles aux Maures. On ne songe pas qu'il ne soutint point la guerre pour avoir refusé le tribut, mais que voulant se soustraire à la domination des Maures, et ne plus être tributaire, il fallait bien qu'il refusât les cent filles ainsi que le

reste.

Les succès d'Alfonse, malgré beaucoup de traverses, enhardirent les chrétiens de Navarre à se donner un roi. Les Aragonais levèrent l'étendard sous un comte: ainsi, sur la fin de Louis - le - Débonnaire, ni les Maures, ni les Français, n'eurent plus rien dans ces contrées stériles, mais le reste de l'Es-pagne obéissait aux rois musulmans. Ce fut alors que les Normands ravagèrent les côtes d'Espagne; mais, étant repoussés, ils retournerent piller la France et l'Angleterre.

On ne doit point être surpris que les Espagnols des Asturies, de Léon, d'Aragon, aient été alors des barbares. La guerre, qui avait succède à la servitude, ne les avait pas polis. Ils étaient dans une si profonde ignorance, qu'un Alfons, roi de Léon et des Asturies, surnommé le Grand, fut obligé de livrer l'éducation de son fils à des précepteurs mahométans.

Je ne cesse d'être étonné quand je vois quels titres les historiens prodiguent aux rois. Cet

Alfonse, qu'ils appellent le Grand, fit crever les yeux à ses quatre frères. Sa vie n'est qu'un tissu de cruautés et de perfidies. Ce roi finit par faire révolter contre lui ses snjets, et fut obligé de céder son petit royaume à son fils dom Garcie, l'an 910.

Ce titre de dom était un abrégé de dominus, titre qui parut trop ambitieux à l'empereur Auguste, parce qu'il signifiait maître, et que depuis on donna aux bénédictins, aux seigneurs espagnols, et enfin aux rois de ce pays. Les seigneurs de terres commencèrcit alors à prendre le titre de rich-homes, ricos hombres riche signifiait possesseur de terres; car dans ces temps-là il n'y avait point parmi les chrétiens d'Espagne d'autres richesses. La grandesse n'était point encore connue. Le titre de grand ne fut en usage que trois siècles après, sous Alfonse-le-Sage, dixième du nom, roi de Castille, dans le temps que l'Espagne commençait à devenir florissante..

CHAPITRE XXVIII..

Puissance des Musulmans en Asie et en Europe aux huitième et neuvième siècles. L'Italie attaquée par Conduite magnanime du pape Léon IV.

eux.

LES mahométans, qui perdaient cette partie de l'Espagne qui confine à la France, s'é

tendaient partout ailleurs. Si j'envisage leur religion, je la vois embrassée dans l'Inde et sur les côtes orientales de l'Afrique, où ils trafiquaient. Si je regarde leurs conquêtes, d'abord le calife Aaron-al-Raschild, ou le Juste, impose un tribut de soixante et dix mille écus d'or par an à l'impératrice Irène. L'empereur Nicéphore ayant ensuite refuse de payer le tribut, Aaron prend l'ile de Chypre, et vient ravager la Grèce. Almamon, son petit-fils, prince d'ailleurs si recommandable par son amour pour les sciences et par son savoir, s'empare, par ses lieutenants, de l'ile de Crète en 826. Les musulmans bâtirent Candie, qu'ils ont reprise de nos jours.

En 828, les mêmes Africains qui avaient subjugué l'Espagne et fait des incursions en Sicile reviennent encore désoler cette île fertile, encouragés par un Sicilien nommé Euphémius, qui, ayant, à l'exemple de son empereur Michel, épousé une religieuse, poursuivi par les lois que l'empereur s'était rendues favorables, fit à peu près en Sicile ce que le comte Julien avait fait en Espagne.

Ni les empereurs grecs, ni ceux d'occident, ne purent alors chasser de Sicile les musulmans, tant l'orient et l'occident étaient mal gouvernés. Ces conquérants allaient se rendre maîtres de l'Italie s'ils avaient été unis; mais leurs fantes sauvèrent Rome, comme celles des Carthaginois la sauvèrent

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autrefois. Ils partent de Sicile, en 846, avec une flotte nombreuse. Ils entrent par l'embouchure du Tibre; et, ne trouvant qu'un pays presque désert, ils vont assiéger Rome. Ils prirent les dehors, et ayant pillé la riche église de Saint-Pierre hors des murs, ils levèrent le siège pour aller combattre une armée de Français qui venait secourir Rome, sous un général de l'empereur Lothaire. L'armée Française fut battue; mais la ville, rafraîchie, fut manquée; et cette expédition, qui devait être une conquête, ne devint, par la mésintelligence, qu'une incursion de barbares. Ils revinrent bientôt après avec une armée formidable, qui semblait devoir détruire l'Italie, et faire une bourgade mahométane de la capitale du christianisme. Le pape Léon IV, prenant dans ce danger une autorité que les généraux de l'empereur Lothaire semblaient abandonner, se montra digne, en défendant Rome, d'y commander en souverain. Il avait employé les richesses de l'Église à réparer les murailles, à élever des tours, à tendre des chaînes sur le Tibre. Il arma les milices à ses dépens, engagea les habitants de Naples et de Gaiète å venir défendre les côtes et le port d'Ostie, sans manquer à la sage précaution de prendre d'eux des otages, sachant bien que ceux qui sont assez puissants pour nous secourir le sont assez pour nous nuire. Il visita lui-même tous les postes, et reçut les Sarrasins à leur descente, non pas en équipage de guerrier, ainsi qu'en avait

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