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métal, comme on y mit depuis une tête de bélier; et c'est ce que Pausanias nous apprend dans sa description de la Grèce. Ils firent brèche, et donnèrent trois assauts. Les Parisiens les soutinrent avec un courage inébranlable. Ils avaient à leur tête non-seulement le comte Eudes, mais encore leur évêque Goslin, qui chaque jour, après avoir donné la bénédiction à son peuple, se mettait sur le brèche, le casque en tête, un carquois sur le dos, et une hache à sa ceinture; et ayant planté la croix sur le rempart, combattait à sa vue. Il paraît que cet évêque avait dans la ville autant d'autorité pour le moins que le comte Eudes, puisque ce fut à lui que Sigefroy s'était d'abord adressé pour entrer par sa permission dans Paris. Ce prélat mourut de ses fatigues au milieu du siège, laissant une mémoire respectable et chère: car s'il arma des mains que la religion réservait seulement au ministère de l'autel, il les arma pour cet autel même et pour ses citoyens, dans la cause la plus juste, et pour la défense la plus nécessaire, première loi naturelle, qui est toujours au-dessus des lois de convention. Ses confrères ne s'étaient armés que dans des guerres civiles et contre des chrétiens. Peut-être, si l'apothéose est dû à quelques hommes, eût-il mieux valu mettre dans le ciel ce prélat qui combattit et mourut pour son pays, que tant d'hommes ob

scurs, dont la vertu, s'ils en ont eu, a été pour le moins inutile au monde.

Les Normands tinrent la ville assiégée une année et demie: les Parisiens éprouvèrent toutes les horreurs qu'entraînent dans un long siège la famine et la contagion, qui en sont les suites, et ne furent point ébranlés. Au bout de ce temps, l'empereur Charles-le-Gros, roi de France, parut enfin à leur secours sur le mont de Mars, qu'on appelle aujourd'hui Montmartre; mais n'osa pas attaquer les Normands, il ne vint que pour acheter encore une trève honteuse. Ces barbares quittèrent Paris pour aller assiéger Sens et piller la Bourgogne, tandis que Charles alla dans Maïence assembler ce parlement qui lui ôta un trône dont il était si indigne.

Les Normands continuèrent leurs dévastations; mais, quoique ennemis du nom chrétien, il ne leur vint jamais en pensée de forcer personne à renoncer au christianisme. Us étaient à peu près tels que les Francs, les Goths, les Alains, les Huns, les Hérules, qui, en cherchant au cinquième siècle de nouvelles terres, loin d'imposer une religion aux Romains, s'accommodèrent aisément dela leur: ainsi les Turcs, en pillant l'empire des califes, se sont soumis à la religion mahométane.

Enfin Rolon ou Raoul, le plus illustre de ces brigands du nord, après avoir été chassé du Danemark, ayant rassemblé en Scandi

navie tous ceux qui voulurent, s'attacher à sa fortune, tenta de nouvelles aventures, et fonda l'espérance de sa grandeur sur la faiblesse de l'Europe. Il aborda l'Angleterre, où ses compatriotes étaient déjà établis; mais après deux victoires inutiles, il tourna du côté de la France, que d'autres Normands savaient ruiner, mais qu'ils ne savaient pas

asservir.

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Rolon fut le seul de ces barbares qui cessa d'en mériter le nom, en cherchant un établissement fixe. Maître de Rouen sans peine, au lieu de la détruire, il en fit relever les murailles et les tours. Rouen devint sa place d'armes; de là il volait tantôt en Angleterre, tantôt en France, faisant la guerre avec politique comme avec fureur. La France était expirante sous le règne de Charles-le-Simple, roi de nom, et dont la monarchie était encore plus démembrée par les ducs, par les comtes, et par les barons, ses sujets, que par les Normands. Charlesle-Gros n'avait donné que de l'or aux barbares: Charles-le-Simple offrit à Rolon sa fille et des provinces.

(912) Rolon demanda d'abord la Normandie; et on fut trop heureux de la lui céder. Il demanda ensuite la Bretagne; on disputa: mais il fallut la céder encore avec des clau ses que le plus fort explique toujours à son avantage. Ainsi la Bretagne, qui était tout à l'heure un royaume, devient un fief de la Neustrie; et la Neustrie, qu'on s'accoutuma

bientôt à nommer Normandie, du nom de ses usurpateurs, fut un état séparé, dont les ducs rendaient un vain hommage à la couronne de France.

L'archevêque de Rouen sut persuader à Rolon de se faire chrétien. Ce prince embrassa volontiers une religión qui affermissait sa puissance.

Les véritables conquérants sont ceux qui savent faire des lois. Leur puissance est stable; les autres sont des torrents qui passent. Rolon, paisible, fut le seul législateur de son temps dans le continent chrétien. On sait avec quelle inflexibilité il rendit la justice. Il abolit le vol chez les Danois, qui n'avaient jusque là vécu que de rapine. Longtemps après lui, son nom prononcé était un ordre aux officiers de justice d'accourir pour réprimer la violence; et de là est venu cet usage de la clameur de Haro, si connue en Normandie. Le sang des Danois et des Francs mêlés ensemble produisit ensuite dans ce pays ces héros qu'on verra conquérir l'Angleterre, Naples et Sicile.

CHAPITRE XXVI.

De l'Angleterre vers le euvième siècle. Alfred-leGrand.

LES Anglais, ce peuple devenu puissant, célèbre par le commerce et par la guerre,

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gouverné par l'amour de ses propres lois et de la vraie liberté, qui consiste à n'obéir qu'aux lois, n'étaient rien alors de ce qu'ils. sont aujourd'hui.

Ils n'étaient échappés du joug des Romains que pour tomber sous celui de ces Saxons qui, ayant conquis l'Angleterre vers le sixième siècle, furent conquis au huitième par Charlemagne dans leur propre pays natal. (828) Ces usurpateurs partagèrent l'Angleterre en sept petits cantons malheureux, qu'on appela royaume.. Ces sept provinces s'étaient enfin réunies sous le roi Egbert, de la race saxonne, lorsque les Normands vinrent ravager l'Angleterre, aussi-bien que la France.. On prétend qu'en 852 ils remontèrent la Ta-mise avec trois cents voiles. Les Anglais ne se défendirent guère mieux que les Francs.. Ils payèrent comme eux leurs vainqueurs, Un. roi nommé Ethelbert suivit le malheureux exemple de Charles-le-Chauve: il donna de l'argent; la même faute eut la même punition. Les pirates se servirent de cet argent pour mieux subjuguer le pays. Ils conquirent la moitié de l'Angleterre. Il fallait que les Anglais, nés courageux, et défendus par leur situation, eussent dans leur gouverne ment des vices bien essentiels, puisqu'ils fu rent toujours assujetti par des peuples qui ne devaient pas aborder impunément chez eux. Ce qu'on raconte des horribles dévastations qui désolérent cette ile, surpasse encore ce qu'on vient de voir en France. Il y a des

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