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choses, n'ose dissinuler que Clovis fut beau, coup plus sanguinaire, et se souilla de plus grands crimes après son baptême, que tandis qu'il était païen. Et ces crimes n'étaient pas de ces forfaits héroïques qui éblouissent l'imbécillité humaine, c'étaient des vols et des parricides. Il suborna un prince de Cologne, qui assassina son père; après quoi il fit massacrer le fils; il tua un roitelet qui lui montrait ses trésors. Un citoyen moins coupable eût été traîné au supplice, et Cloyis fonda une monarchie.

CHAPITRE XII.

Suite de la décadence de l'ancienne Rome,

QUAND les Goths s'emparerent de Rome après les Hérules, quand le célèbre Théodorie, non moins puissant que le fut depuis. Charlemagne, eut établi le siège de son empire à Ravenne, au commencement de notre sixième siècle, sans prendre le titre d'empereur d'occident, qu'il eût pu s'arroger; il exerça sur les Romains précisément la même. autorité que les césars, conservant le sénat, laissant subsister la liberté de religion, soumettant également aux lois civiles orthodoxes, ariens et idolâtres; jugeant les goths par les lois gothiques, et les Romains par les lois romaines; présidant par ses commissaires aux Essai sur les Mœurs. T. I. 19

continuellement menacée par les Lombards, et reconnaissant toujours les empereurs pour ses maîtres. Le crédit des papes augmentait dans la désolation de la ville. Ils en étaient souvent les consolateurs et les pères; mais toujours sujets, ils ne pouvaient être consa crés qu'avec la permission expresse de l'exarque. Les formules par lesquelles cette permission était demandée et accordée subsi stent encore *) Le clergé romain écrivait H métropolitain de Ravenne, et demandait la protection de sa beatitude auprès du gouverneur; ensuite le pape envoyait à ce mé tropolitain sa profession de foi.

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Le roi lombard Astolfe s'empara enfin de tout l'exarchat de Ravenne, en 751, et mit fin a cette vice-royauté impériale qui avait duré cent quatre-vingt-trois ans. ?

Comme le duché de Rome dépendait de F'exarchat de Ravenne, Astolfe prétendit avoir Rome par le droit de sa conquête. Le pape Etienne IP, seul défenseur des malheureux Romains, envoya demander du secours à l'empereur Constantin, surnommé Copronyme. Ce misérable empereur envoya pour tout secours un officier du palais, avec une lettre pour le roi lombard. C'est cette faiblesse des empes reurs Grecs qui fut l'origine du nouvel em pire d'occident, et de la grandeur pontificale.

Vous ne voyez avant ce temps aucun évêque qui ait aspiré à la moindre autorité temporelle,

*) Dans le Diarium Romanum.: 196malk

au moindre territoire. Comment l'auraient-ils osé? leur législateur fut un pauvre qui catéchisa des pauvres. Les successeurs de ces premiers chrétiens furent pauvres. Le clergé ne fit un corps que sous Constantin Ier; mais cet empereur ne souffrit pas qu'un évêque fût propriétaire d'un seul village. Ce ne peut être que dans des temps d'anarchie, que les papes aient obtenu quelques seigneuries. Ces domaines furent d'abord mediocres. s'agrandit et tout tombe avec le temps..

Tout

Lorsqu'on passe de l'histoire de l'empire romain à celle des peuples qui l'ont déchiré dans l'occident, on ressemble à un voyageur qui, au sortir d'une ville superbe, se trouve dans des déserts couverts de ronces. Vingt jargons barbares succèdent à cette belle langue latine qu'on parlait du fond de l'Illyrie au mont Atlas. Au lieu de ces sages lois qui gouvernaient la moitié de notre hémisphère, on ne trouve plus que des coutumes sauvages. Les cirques, les amphithéâtres élevés dans toutes les provinces, sont changés en masures couvertes de paille. Ces grands chemins si beaux, si solides, établis du pied du Capitole jusqu'au mont Taurus, sont couverts d'eaux croupissantes. La même révolution se fait dans les esprits: et Grégoire de Tours, le moine de Saint- Gall, Frédégaire, sont nos Polybe et nos Tite-Live. L'entendement humain s'abrutit dans les superstitions les plus lâches et les plus insensées. Ces superstitions sont portées au point que des moines dexen

nent seigneurs et princes; ils ont des esclaves, et ces esclaves n'osent pas même se plaindre. L'Europe entière croupit dans cet avilissement jusqu'au seizième siècle, et n'en sort que par des convulsions terribles.

CHAPITRE XIII.

Origine de la puissance des papes. Digression sur le sacre des rois. Lettre de saint Pierre à Pepin, maire de France, devenu 'roi. Prétendues donations au saint-siège.

Il n'y a que trois manières de subjuguer les hommes; celle de les policer en leur proposant des lois: celle d'employer la religion pour appuyer ces lois; celle enfin d'égorger une partie d'une nation pour gouverner l'autre: je n'en connais pas une quatrième. Toutes les trois demandent des circonstances favorables. Il faut remonter à l'antiquité la plus réculée pour trouver des exemples de la première; encore sont-ils suspects. Charlemagne, Clovis, Théodoric, Alboin, Alaric, se servirent de la troisième; les papes employèrent la seconde.

Le pape n'avait pas originairement plus de droit sur Rome, que saint Augustin n'en aurait eu, par exemple, à la souveraineté de la petite ville d'Hippone. Quand même saint Pierre aurait demeuré à Rome, comme on

l'a dit, sur ce qu'une de ses épîtres est datée de Babylone; quand même il eût été évêque de Rome dans un temps où il n'y avait certainement aucun siège particulier, ce séjour dans Rome ne pouvait donner le trône des Césars; et nous avons vu que les évêques de Rome ne se regardèrent, pendant sept cents ans, que comme des sujets.

Rome, tant de fois saccagée par les barbares, abandonné des empereurs, pressée par les Lombards, incapable de rétablir l'ancienne république, ne pouvait plus prétendre à la grandeur. Il lui fallait du repos: elle l'aurait goûté si elle avait pu dès lors être gouvernée par son évêque, comme le furent dopuis tant de villes d'Allemagne; et l'anarchie eût au moins produit ce bien. Mais il n'était pas encore reçu dans l'opinion des chrétiens qu'un évêque pût être souverain, quoiqu'on eût dans l'histoire du monde tant d'exemples de l'union du sacerdoce et de l'empire dans d'autres religions.

Le pape Grégoire III recourut le premier à la protection des Francs contre les Lombards et contre les empereurs. Zacharie, son successeur, animé du même esprit, reconnut Pepin ou Pipin, maire du palais, usurpateur du royaume de France, pour roi légitime. On a prétendu que Pepin, qui n'était que premier ministre, fit demander d'abord au pape quel était le vrai roi, ou de celui qui n'en avait que le droit et le nom, ou de celui qui en avait l'autorité et le mérite? et que le

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