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Tous les songes vrais ou faux viennent du ciel: les oracles s'établissent de même par toute la terre.

si

Une femme vient demander à des mages son mari mourra dans l'année. L'un lui répond oui, l'autre non: il est bien certain que l'un d'eux aura raison. Si le mari vit, la femme garde le silence; s'il meurt, elle crie par toute la ville que le mage qui a prédit cette mort est un prophète divin. Il se trouve bientôt dans tous les pays des hommes qui prédisent Favenir, et qui découvrent les choses les plus cachées. Ces hommes s'appellent les Voyants, chez les Égyptiens, comme dit Manéthon, au rapport même de Josèphe, dans son discours contre Apion.

Il y avait des Voyants en Chaldée, en Syrie. Chaque temple eut ses oracles. Ceux d'Apolton obtinrent un si grand crédit, que Rollin, dans son Histoire ancienne, répète les oracles rendus par Apollon à Crésus. Le dieu devine que le roi fait cuire une tortue dans une tourtière de cuivre, et lui répond que son règne finira quand un mulet sera sur le trône des Perses. Rollin n'examine point si ces prédictions, dignes de Nostradamus, ont été faites après coup; il ne doute pas de la science des prêtres d'Apollon, et il croit que Dieu permettait qu'Apollon dit vrai: c'était apparemment pour confirmer les païens dans leur religion.

Une question plus philosophique, dans laquelle toutes les grandes nations policées, de

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puis l'Inde jusqu'à la Grèce, se sont accordées, c'est l'origine du bien et du mal.

Les premiers théologiens de toutes les nations durent se faire la question que nous faisons tous dès l'âge de quinze ans: Pour quoi y a-t-il du mal sur la terre?

On enseigna dans l'Inde qu'Adimo, fils de Brama, produisit les hommes justes par le nombril, du côté droit, et les injustes du côté gauche; et que c'est de ce côté gauche que vint le mal moral et le mal physique. Les Egyptiens eurent leur Typhon, qui fut l'en nemi d'Osiris. Les Persans imaginèrent qu'A riman perça l'œuf qu'avait pondu Oromase, et fit entrer le péché. On connait la Pandore des Grecs: c'est la plus belle de toutes les allégories que l'antiquité nous ait transmises.

L'allégorie de Job fut certainement écrite en arabe, puisque les traductions hébraïque et grecque ont conservé plusieurs termes arabes. Ce livre, qui est d'une très-haute antiquité, représente le Satan, qui est l'Ariman des Perses et le Typhon des Égyptiens, se promenant dans toute la terre, et demandant permission au Seigneur d'affliger Job. Satan paraît subordonné au Seigneur; mais il résulte que Satan est un être très-puissant, capable d'envoyer sur la terre des maladies, et de tuer les animaux.

Il se trouva, au fond, que tant de peuples, sans le savoir, étaient d'accord sur la croyance de deux principes, et que l'univers alors connu était en quelque sorte manichéen.

Tous les peuples durent admettre les expiations; car, où était l'homme qui n'eût pas commis de grandes fautes contre la société ? et où était l'homme à qui l'instinct de sa raison ne fit pas sentir des remords? L'eau lavait les souillures du corps et des vêtements, le feu purifiait les métaux; il fallait bien que l'eau et le feu purifiassent les âmes. Aussi n'y eut-il aucun temple sans eaux et sans feux salutaires.

Les hommes se plongèrent dans le Gange, dans l'Indus, dans l'Euphrate, au renouvellement de la lune, et dans les éclipses. Cette immersion expiait les péchés. Si on ne se purifiait pas dans le Nil, c'est que les crocodiles auraient dévoré les pénitents. Mais les prêtres, qui se purifiaient pour le peuple, se plongeaient dans de larges cuves, et y baignaient les criminels qui venaient demander pardon aux dieux.

Les Grecs, dans tous leurs temples, eurent des bains sacrés, comme des feux sacrés, symboles universels, chez tous les hommes, de la pureté des âmes. Enfin, les superstitions paraissent établies chez toutes les nations, excepté chez les lettrés de la Chine.

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ENTENDEZ-VOUS par sauvages des rustres vivant dans des cabanes avec leurs femelles et quelques animaux, exposés sans cesse à toute l'intempérie des saisons, ne connaissant que la terre qui les nourrit, et le marché où

ils vont quelquefois vendre leurs denrées pour y acheter quelques habillements grossiers; parlant un jargon qu'on n'entend pas dans les villes; ayant peu d'idées et par conséquent peu d'expressions; soumis, sans qu'ils sachent pourquoi, à un homme de plume, auquel ils portent tous les ans la moitié de ce qu'ils ont gagné à la sueur de leur front; se rassemblant, certains jours, dans une espèce de grange pour célébrer des cérémonies où ils ne comprennent rien; écoutant un homme vêtu autrement qu'eux et qu'ils n'entendent point; quittant quelquefois leur chaumière lorsqu'on bat le tambour; et s'engageant à s'aller faire tuer dans une terre étrangère, et à tuer leurs semblables pour le quart de ce qu'ils peuvent gagner chez eux en travaillant? Il y a de ces sauvages là dans toute l'Europe. Il faut convenir surtout que les peuples du Canada et les Cafres, qu'il nous a plu d'appeler sauvages, sont infiniment supérieurs aux nôtres. Le Huron, l'Algonquin, l'Illinois, le Cafre, le Hottentot, ont l'art de fabriquer eux-mêmes tout ce dont ils ont besoin; et cet art manque à nos rustres. Les peuplades d'Amérique et d'Afrique sont libres, et nos sauvages n'ont pas même l'idée de la liberté.

Les prétendus sauvages d'Amérique sont des souverains qui reçoivent des ambassadeurs de nos colonies transplantées auprès de leur territoire par l'avarice et par la légèreté. Ils connaissent l'honneur dont jamais nos sauvages d'Europe n'ont entendu parler. Ils ont

une patrie, ils l'aiment, ils la défendent; ils font des traités; ils se battent avec courage, et parlent souvent avec une énergie héroïque. Y a-t-il une plus belle réponse dans les grands hommes de Plutarque, que celle de ce chef de Canadiens à qui une nation européenne proposait de lui céder son patrimoine? >>Nous >>sommes nés sur cette terre, nos pères y sont >ensevelis: dirons-nous aux ossements de nos »pères: Levez-vous, et venez avec nous dans sune terre étrangère ?«<

Ces Canadiens étaient des Spartiates, en comparaison de nos rustres qui végétent dans nos villages, et des Sybarites qui s'énervent dans nos villes.

Entendez-vous par sauvages des animaux à deux pieds, marchant sur les mains dans le besoin, isolés, errant dans les forêts, salvatici, selvaggi, s'accouplănt à l'aventure, oubliant les femmes auxquelles ils se sont joints, ne connaissant ni leurs fils ni leurs pères; vivant en brutes, sans avoir ni l'instinct ni les ressources des brutes? On a écrit que cet état est le véritable état de l'homme, et que nous n'avons fait que dégénérer misérablement depuis que nous l'avons quitté. Je ne crois pas que cette vie solitaire, attribuée à nos pères, soit dans la nature humaine.

Nous sommes, si je ne me trompe, au premier rang (s'il est permis de le dire) des animaux qui vivent en troupe, comme les abeilles, les fourmis, les oies, les poules, les moutons, etc. Si l'on rencontre une abeille

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