Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

sée permit à l'idolâtre Naaman d'aller dans le temple de Renmon. Mais n'anticipons

rien; nous savons assez que les hommes se contredisent toujours dans leurs mœurs et dans leurs lois. Ne sortons point ici du sujet que nous traitons; continuons à voir comment les religions diverses s'établirent.

[ocr errors]
[ocr errors]

Les peuples les plus policés de l'Asie, endeçà de l'Euphrate, adorèrent les astres. Les Chaldéens, avant le premier Zoroastre, rendaient hommage au soleil, comme firent depuis les Péruviens dans un autre hémisphère. Il faut que cette erreur soit bien naturelle à l'homme, puisqu'elle a eu tant de sectateurs dans l'Asie et dans l'Amérique. Une nation petite et à demi sauvage n'a qu'un protecteur. Devient elle plus nombreuse? elle augmente le nombre de ses dieux. Les Egyptiens commencent par adorer Isheth ou Isis, et ils finissent par adorer des chats. Les premiers hommages des Romains agrestes sont pour Mars; ceux des Romains maîtres de l'Europe, sont pour la déesse de l'acte du mariage, pour le dieu des latrines *). Et cependant Cicéron, et tous les philosophes, et tous les initiés, reconnaissaient un Dieu suprême et tout-puissant. Ils étaient tous revenus, par la raison, au point dont les hommes sauvages étaient partis par instinct.

Les apothéoses ne peuvent avoir été imaginées que très-long-temps après les premiers

*) Dea Pertunda, Deus Stercutius.

1

vu

cultes. Il n'est pas naturel de faire d'abord un dieu d'un homme que nous avons naître comme nous, souffrir comme nous les maladies, les chagrins, les misères de l'humanité, subir les mêmes besoins humiliants, mourir et devenir la pâture des vers. Mais voici ce qui arriva chez presque toutes les nations, après les révolutions de plusieurs siècles.

Un homme qui avait fait de grandes choses, qui avait rendu des services au genre humain, ne pouvait être, à la vérité, regardé comme un Dieu par ceux qui l'avaient vu trembler de la fièvre, et aller à la garderobe; mais les enthousiastes se persuaderent qu'ayant des qualités imminentes, i les tenait d'un dieu, qu'il était fils d'un dieu: ainsi les dieux firent des enfants dans tout le monde; car, sans compter les rêveries de tant de peuples qui précédèrent les Grecs, Bacchus, Persée, Hercule, Castor, Pollux, furent fils de dieux; Romulus, fils de dieu; Alexandre fut déclaré fils de dieu en Egypte; un certain Odin, chez nos nations du Nord, fils de dieu; Manco - Capac, fils du soleil, au Pérou. L'historien des Mogols, Albugazi, rapporte qu'une des aïeules de Gengis, nommée Alanku, étant fille, fut grosse d'un rayon céléste. Gengis lui-même passa pour le fils de Dieu; et lorsque le pape Innocent IV envoya frère Ascelin à Batou-kan, petit-fils de Gengis, ce moine, ne pouvant être présenté qu'à l'un des visirs, lui dit qu'il venait de

*

la part du vicaire de Dieu le ministre répondit: Ce vicaire ignore-t-il qu'il doit des >hommages et des tributs au fils de Dieu, le grand Batou-kan, son maître?<«<

D'un fils de dieu à un dieu il n'y a pas loin chez les hommes amoureux du merveilleux. Il ne faut que deux ou trois générations pour faire partager au fils le domaine de son père; ainsi des temples furent élevés, avec le temps, à tous ceux qu'on avait supposés être nés du commerce surnaturel de la divinité avec nos femmes et avec nos filles.

On pourrait faire des volumes sur ce sujet; mais tous ces volumes se réduisent à deux mots: c'est que le gros du genre humain a été et sera très-long-temps insensé et imbécille; et que peut-être les plus insensés de tous ont été ceux qui ont voulu trouver un sens à ces fables absurdes, et mettre de la raison dans la folie.

DES USAGES ET DES SENTIMENTS COMMUNS PRESQUE TOUTES LES NATIONS ANCIENNES.

La nature étant partout la même, les hommes ont dû nécessairement adopter les mêmes vérités et les mêmes erreurs dans les choses qui tombent les plus sous les sens, et qui frappent le plus l'imagination, Ils ont dû tous attribuer le fracas et les effets du tonnerre au pouvoir d'un être supérieur habitant dans les airs. Les peuples voisins de l'océan voyant les grandes ma rées inonder leurs rivages à la pleine lune,

1

ont dû croire que la lune était cause de tout ce qui arrivait au monde dans les temps de ses différentes phases.

Dans leurs cérémonies religieuses, presque tous se tournèrent vers l'orient, ne songeant pas qu'il n'y a ni orient ni occident, et rendant tous une espèce d'hommage au soleil qui se levait à leurs yeux.

Parmi les animaux, le serpent dut leur paraître doué d'une intelligence supérieure, parce que, voyant muer quelquefois sa peau, ils durent croire qu'il rajeunissait. Il pouvait donc, en changeant de peau, se maintenir toujours dans sa jeunesse: il était donc immortel. Aussi fut-il en Égypte, en Grèce, le symbole de l'immortalité. Les gros serpents qui se trouvaient auprès des fontaines empê-, chaient les hommes timides d'en approcher: on pensa bientôt qu'ils gardaient des trésors. Ainsi un serpent gardait les pommes d'or hes pérides; un autre veillait autour de la toison d'or; et dans les mystères de Bacchus, on portait l'image d'un serpent qui semblait garder une grappe d'or.

[ocr errors]

Le serpent passait donc pour le plus habile des animaux; et de la cette ancienne fable indienne, que Dieu ayant créé l'homme lui donna une drogue qui lui assurait une vie saine et longue : que l'homme chargea son âne de ce présent divin, mais qu'en chemin l'âne ayant eu soif, le serpent lui enseigna une fontaine, et prit la drogue pour lui tandis que l'âne buvait; de sorte que l'homme perdit l'immortalité par sa négligence,

et le serpent l'acquit par son adresse: de là, enfin, tant de contes d'ânes et de serpents.

Ces serpents faisaient du mal; mais comme ils avaient quelque chose de divin, il n'y avait qu'un dieu qui eût pu enseigner à les détruire. Ainsi le serpent Python fut tué par Apollon. Ainsi Ophionée, le grand serpent, fit la guerre aux dieux long-temps avant que les Grecs eussent forgé leur Apollon. Un fragment de Phérécide prouve que cette fable du grand serpent ennemi des dieux, était une des plus anciennes de la Phénicie. Et cent siècles avant Phérécide, les premiers brachmanes avaient imaginé que Dieu envoya un jour sur la terre une grosse couleuvre qui engendra dix mille couleuvres, lesquelles furent autant de péchés dans le cœur des hommes. Nous avons déjà vu que les songes, les rêves, durent introduire la même superstition dans toute la terre. Je suis inquiet, pendant la veille, de la santé de ma femme, de mon fils; je les vois mourants pendant mon sommeil; ils meurent quelques jours après: il n'est pas douteux que les dieux ne m'aient envoyé ce songe véritable. Mon rêve n'a-t-il pas été accompli? c'est un rêve trompeur que les dieux m'ont député. Ainsi, dans Homère, Jupiter envoie un songe trompeur à Agamemnon, chefs des Grecs. Ainsi (au troisième livre des Rois, chapitre XXII) le Dieu qui conduit les Juifs envoie un esprit malin pour mentir dans la bouche des prophètes, et pour tromper le roi Achab.

« PreviousContinue »