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la réssurrection. +4 S'il est permis de citer l'histoire sacrée de Jésus-Christ parmi tant de choses profanes, nous remarquerons qu'il dit au voleur repentant: »Tu seras aujour>>d'hui avec moi dans le jardin *).« Il se conformait en cela au langage de tous les hommes.

Les mystères d'Eleusine devinrent les plus célèbres. Une chose très-remarquable, c'est qu'on y lisait le commencement de la théogonie de Sanchoniathon le Phénicien; c'est une preuve que Sanchoniathon avait annoncé un Dieu suprême, créateur et gouverneur du monde. C'était donc cette doctrine qu'on dévoilait aux initiés imbus de la créance du polythéisme. Supposons parmi nous un peuple superstitieux qui serait accoutumé, dès sa tendre enfance, à rendre à la Vierge, à saint Joseph, et aux autres saints, le même culte qu'à Dieu le père, il serait peut-être dangereux de vouloir le détromper tout d'un coup; il serait sage de révéler d'abord aux plus modérés, aux plus raisonnables, la distance infinie qui est entre Dieu et les créatures: c'est précisément ce que firent les mystagogues. Les participants aux mystères s'assemblaient dans le temple de Cérès, et l'hiérophante leur apprenait qu'au lieu d'adorer Cérès conduisant Triptolème sur un char traîné par des dragons, il fallait adorer le Dieu qui nourrit les hommes, et qui a per

Luc. chap. XXII.

mis que Cérès et Triptolème missent l'agriculture en l'honneur.

Cela est si vrai, que l'hierophante commençait par réciter les vers de l'ancien Orphée: >>Marchez dans la voie de la justice, adorez le seul maître de l'univers; il est yun, il est seul par lui-même; tous les êtres lui doivent leur existence; il agit dans eux >et par eux; il voit tout, et jamais il n'a été »vu des yeux mortels.<<

J'avoue que je ne conçois pas comment Pausanias peut dire que ces vers ne valent pas ceux d'Homère; il faut convenir que, du moins pour le sens ils valent beaucoup mieux que l'Iliade et l'Odyssée entières.

Il faut avouer que l'évêque Warburton, quoique très - injuste dans plusieurs de ses décisions audacieuses, donne beaucoup de force à tout ce que je viens de dire de la nécessité de cacher le dogme de l'unité de Dieu à un peuple entêté du polythéisme. Il remarque, d'après Plutarque, que le jeune Alcibiade, ayant assisté à ces mystères, ne fit aucune difficulté d'insulter aux statues de Mercure, dans une partie de débauche avec plusieurs de ses amis, et que le peuple en fureur demanda la condamnation d'Alcibiade.

Il fallait donc alors la plus grande discrétion pour ne pas choquer les préjugés de la multitude. Alexandre lui-même (si cette anecdote n'est pas apocryphe), ayant obtenu en Egypte, de l'hierophante des mystères, la permission de mander à sa mère le secret

des initiés, la conjura en même temps' de brûler sa lettre après l'avoir lue, pour ne pas irriter les Grecs.

Ceux qui, trompés par un faux zèle, ont prétendu depuis que ces mystères n'étaient que des débauches infâmes, devaient être détrompés par le mot même qui répond à initiés; il veut dire qu'on commençait une nouvelle vie..

Une preuve encore sans réplique, que ces mystères n'étaient célébrés que pour inspirer la vertu aux hommes, c'est la formule par laquelle on congédiait l'assemblée. On prononçait, chez les Grecs, les deux anciens mots phéniciens, kof tomphet, VEILLEZ ET SOYEZ PURS. (Warburton, leg. de Moïse, liv. I.) Enfin, pour dernière preuve, c'est que l'empereur Néron, coupable de la mort de sa mère, ne put être reçu à ces mystères quand il voyagea dans la Grèce: le crime était trop énorme; et, tout empereur qu'il était, les initiés n'auraient pas voulu l'ad. mettre.. Zozyme dit aussi que Constantin ne put trouver des prêtres païens qui voulussent le purifier et l'absoudre de ses parricides..

Il y avait donc en effet chez les peuples qu'on nomme païens, gentils, idolâtres, une religion très-pure; tandis que les peuples et les prêtres avaient des usages honteux, des cérémonies puériles, des doctrines ridicules, et que même ils versaient quelquefois le sang humain en l'honneur de quelques dieux :

imaginaires, méprisés et détestés par les sages..

Cette religion pure consistait dans l'aveu de l'existence d'un Dieu suprême, de sa providence et de sa justice.. Ce qui défigurait ces mystères, c'était, si l'on en croit Tertullien, la cérémonie de la régénération. Il fallait que l'initié parût ressusciter; c'était -le symbole du nouveau genre de vie qu'il devait embrasser. On lui présentait une couronne, il la foulait aux pieds; l'hiérophante levait sur lui le couteau sacré : l'initié, qu'on feignait de frapper, feignait aussi de tomber mort; après quoi il paraissait ressusciter. Il y a encore, chez les francsmaçons, un reste de cette ancienne cérémonie..

Pausanias, dans ses Arcadiques, nous apprend que, dans plusieurs temples d'Eleusine, on flagellait les pénitents, les initiés, coutume odieuse, introduite long-temps après dans plusieurs églises chrétiennes. Je ne doute pas que dans tous ces mystères, dont le fond était si sage et si utile, il n'entrât beaucoup de superstitions condamnables. Les superstitions conduisirent à la débauche, qui amena le mépris. Il ne resta enfin, de tous ces anciens mystères, que des troupes de gueux que nous avons vus, sous le nom d'Egyptiens et de Bohèmes, courir l'Europe avec des castagnettes, danser la danse des prêtres d'Isis, vendre du baume, guérir la gale et en être couverts, dire la bonne aven

ture, et voler des poules. Telle a été la fin de ce qu'on a eu de plus sacré dans la moitié de la terre connue.

DES JUIFS AU TEMPS OÙ ILS COMMENCÈRENT A ÊTRE

CONNUS.

Nous toucherons le moins que nous pourrons à ce qui est divin dans l'histoire des Juifs ; ou si nous sommes forcés d'en parler, ce n'est qu'autant que leurs miracles ont un rapport essentiel à la suite des évènements. Nous avons pour les prodiges continuels qui signalèrent tous les pas de cette nation le respect qu'on leur doit; nous les croyons avec la foi raisonnable qu'exige l'église substituée à la synagogue; nous ne les examinons pas; nous nous en tenons toujours à l'historique. Nous parlerons des Juifs comme nous parlerions des Scythes et des Grecs, en pesant les probabilités et en discutant les faits. Personne au monde n'ayant écrit leur histoire qu'eux mêmes avant que les Romains détruisirent leur petit état, il faut ne consulter que leurs annales.

Cette nation est des plus modernes, à ne la regarder: comme les autres peuples, que depuis le temps où elle forme un établissement, et où elle possède une capitale. Les Juifs ne paraissent considérés de leurs voisins que du temps de Salomon, qui était à peu près celui d'Hésiode' et d'Homère et des premiers archontes d'Athènes.

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