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cet étonnant sacrifice. Les Scythes immolèrent quelquefois aux mânes de leurs kans les officiers les plus chéris de ces princes. Hérodote décrit en détail la maniére dont on préparait leurs cadavres pour en former un cortège autour du cadavre royal; mais il ne paraît point par l'histoire que cet usage ait duré long-temps.

Si nous lisions l'histoire des Juifs écrite par un auteur d'une autre nation, nous aurions peine à croire qu'il y ait eu en effet un peuple fugitif d'Egypte qui soit venu, par ordre exprès de Dieu, immoler sept ou huitpetites nations qu'il ne connaissait pas, égorger sans miséricorde toutes les femmes, les vieillards et les enfants à la mamelle, et ne réserver que les petites filles; que ce peuple saint ait été puni de son Dieu quand il avait été assez criminel pour épargner un seul homme dévoué à l'anathème. Nous ne croirions pas qu'un peuple si abominable eût pu exister sur la terre; mais, comme cette nation elle-même nous rapporte tous ces faits dans ces livres saints, il faut la croire.

Je ne traite point ici la question si ces livres ont été inspirés. Notre sainte Eglise, qui a les Juifs en horreur, nous apprend que les livres Juifs ont été dictés par le Dieu créateur et père de tous les hommes; je ne puis en former aucun doute, ni me permettre même le moindre raisonnement.

Il est vrai que notre faible entendement ne peut concevoir dans Dieu une autre sagesse,

une autre justice, une autre bonté, que celle dont nous avons l'idée; mais enfin, il a fait ce qu'il a voulu; ce n'est pas à nous de le juger; je m'en tiens toujours au simple historique.

Les Juifs ont une loi par laquelle il leur est expressément ordonné de n'épargner aucune chose, aucun homme dévoué au Seigneur. On ne pourra le racheter, il faut qu'il meure; dit la loi du Lévitique, au chapitre XXVII. C'est en vertu de cette loi qu'on voit Jephté immoler sa propre fille, et le prêtre Samuel couper en morceaux le roi Agag. Le Pentateuque nous dit que dans le petit pays de Madian, qui est environ de neuf lieues carrées, les Israélites ayant trouvé six cent soixante et quinze mille brebis, soixante et douze mille boeufs, soixante et un mille ânes, et trente-deux mille filles vierges, Moïse commanda qu'on massacrât tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants; mais qu'on gardât les filles, dont trentedeux seulement furent immolées. Ce qu'il y a de remarquable dans ce dévouement, c'est que ce même Moïse était gendre du grand-prêtre des Madianites, Jethro, qui lui avait rendu les plus signalés services, et qui l'avait comblé de bienfaits.

Le même livre nous dit que Josué, fils de Nun, ayant passé avec sa horde la rivière du Jourdain à pied sec, et ayant fait tomber, son des trompettes, les murs de Jéricho dévoué à l'anathème, il fit périr tous les ha

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bitants dans les flammes; qu'il conserva seu. lement Rahab la prostituée, et sa fille, qui avait caché les espions du saint peuple: que le même Josué devoua à la mort douze mille habitants de la ville de Haï, qu'il immola au Seigneur trente et un rois du pays, tous soumis à l'anathème, et qui furent pendus. Nous n'avons rien de comparable à ces assassinats religieux dans nos derniers temps, si ce n'est peut-être la Saint-Barthélemi et les massacres d'Irlande.

Ce qu'il y a de triste, c'est que plusieurs personnes doutent que les Juifs aient trouvé six cent soixante et quinze mille brebis, et trente-deux mille filles pucelles dans le vil-lage d'un désert au milieu des rochers, et que personne ne doute de la saint Barthélemi. Mais ne cessons de répéter combien les lumières de notre raison sont impuissantes pour nous éclairer sur les étrangers évènements de l'antiquité, et sur les raisons que Dieu, maître de la vie et de la mort, pouvait avoir de choisir le peuple juif pour exterminer le peuple cananéen.

DES MYSTÈRES DE CÉRÈS-ÉLEUSINE.

DANS le chaos des superstitions populaires, qui auraient fait de presque tout le globe un vaste repaire de bêtes féroces, il y eut une institution salutaire qui empêcha une partie du genre humain de tomber dans un entier abrutissement: ce fut celle des my

stères et des expiations. Il était impossible qu'il ne se trouvât des esprits doux et sages parmi tant de fous cruels, et qu'il n'y eût des philosophes qui tâchassent de ramener les hommes à la raison et à la morale.

Ces sages se servirent de la superstition même pour en corriger les abus énormes, comme on emploie le cœur des vipères pour guérir de leurs morsures; on mêla beaucoup de fables avec des vérités utiles, et les vérités se soutinrent par les fables.

On ne connaît plus les mystères de Zoroastre. On sait peu de chose de ceux d'Isis; mais nous ne pouvons douter qu'ils n'annonçassent le grand système d'une vie future; car Celse dit à Origène, liv. VIII: »Vous vous vantez de croire des peines éter»nelles; et tous les ministres des mystères ne >>les annoncèrent-ils pas aux initiés?«<

L'unité de Dieú était le grand dogme de tous les mystères. Nous avons encore la prière des prêtresses d'Isis, conservée dans Apulée, et que j'ai citée en parlant des mysteres égyptiens.

Les cérémonies mystérieuses de Cérès furent une imitation de celles d'Isis. Ceux qui avaient commis des crimes, les confessaient et les expiaient: on jeûnait, on se purifiait, on donnait l'aumône. Toutes les cérémonies étaient tenues secrètes, sous la religion du serment, pour les rendre plus vénérables. Les mystères se célébraient la nuit, pour inspirer une sainte horreur. Qn y représen

tait des espèces de tragédies dont le spectacle étalait aux yeux le bonheur des justes et les peines des méchants. Les plus grands hommes de l'antiquité, les Platon, les Cicéron, ont fait l'éloge de ces mystères, qui n'étaient pas encore dégénérés. de leur pureté pre mière.

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De très-savants hommes ont prétendu que le sixième livre de l'Enéide n'est que la peinture de ce qui se pratiquait dans ces spectacles si secrets et si renommés. Vir gile n'y parle point, à la vérité, du Demiourgos qui représentait le Créateur; mais il fait voir dans la vestibule, dans l'avant-scène, les enfants que leurs parents avaient laissé périr, et c'était un avertissement aux pères et mères:

Continuò auditæ voces, vagitus et ingens, etc.

Ensuite paraissait Minos qui jugeait les morts. Les méchants étaient entraînes dans le Tartare, et les justes, conduits dans les Champs Elysées. Ces jardins étaient tout ce qu'on avait inventé de mieux pour les hommes ordinaires. Il n'y avait que les héros demideux à qui on accordait l'honneur de monter au ciel. Toute religion adopta un jardin pour la demeure des justes; et même, quand les Esséniens, chez le peuple juif, reçurent le dogme d'une autre vie, ils crurent que ⚫les bons iraient après la mort dans des jardins au bord de la mer; car, pour les pharisiens, ils adoptèrent la métempsycose, et non

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