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portionner à la grossièreté des Juifs. Je n'entre point dans cette question épineuse; et respectant toujours tout ce qui est divin, je continue l'examen de l'histoire des hommes.

DES SECTES DES GRECS..

IL paraît que chez les Egyptiens, chez les Persans, chez les Chaldéens, chez les Indiens, il n'y avait qu'une secte de philoso-phie. Les prêtres de toutes ces nations, étant tous d'une race particulière, ce qu'on appelait la sagesse n'appartenait qu'à cette race.. Leur langue sacrée, inconnue au peuple, ne laissait le dépôt de la sciencequ'entre leurs mains.. Mais, dans la Grèce, plus libre et plus heureuse, l'accès de la raison fut ouvert à tout le monde; chacun donna l'essor à ses idées; et c'est ce qui rendit les Grecs le peuple le plus ingénieux de la terre. C'est ainsi que, de nos jours, la nation anglaise est devenue la plus éclairée, parce qu'on peut penser împunément chez elle.

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Les stoïques admirent une âme universelle du monde, dans laquelle les âmes de tous les êtres vivants se plongeaient. Les épicuriens nièrent qu'il y eût une âme, et ne connurent que des principes physiques: ils soutinrent que les dieux ne se mêlaient pas des affaires des hommes; et on laissa les épicuriens en paix, comme ils y laissaient les dieux.

Les écoles rententirent, depuis Thalès jusqu'au temps de Platon et d'Aristote, de disputes philosophiques', qui toutes décèlent la sagacité et la folie de l'esprit humain, sa grandeur et sa faiblesse. On argumenta presque toujours sans s'entendre, comme nous avons fait depuis le treiziëme siècle, où nous commençâmes à raisonner.

La réputation qu'eut Platon ne m'étonne pas: tous les philosophes étaient inintelligibles: il l'était autant que les autres, et s'exprimait avec plus d'éloquence. Mais quel succès aurait Platon s'il paraissait aujourd'hui dans une compagnie de gens de bon sens, et s'il leur disait ces belles paroles qui sont dans son Timée: »De la substance indivisible et »de la divisible. Dieu composa une troisième »espèce de substance au milieu des deux, te»nant de la nature du même et de l'autre: puis, >>prenant ees trois natures ensemble, il les »mêla toutes en une seule forme, et força la »nature de l'âme à se mêler avec la nature du même, et les ayant mêlées avec la sub>stance, et de ces trois ayant fait un suppôt, vil la divisa en portions convenables: chacune >>de ces portions était mêlée du même et de »l'autre ; et de la substance il fit sa division.<<

Ensuite il explique, avec la même clarté, le quaternaire de Pythagore. Il faut convenir que des hommes raisonnables qui viendraient de lire l'Entendement humain de Locke, prieraient Platon d'aller à son école.

Ce galimatias du bon Platon n'empêche pas

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qu'il n'y ait de temps en temps de très-belles idées dans ses ouvrages. Les Grécs avaient tant d'esprit, qu'ils en abusèrent: mais ce qui leur fait beaucoup d'honneur, c'est qu'aucun de leurs gouvernements ne gêna les pensées des hommes. Il n'y a que Socrate dont il soit avéré que ses opinions lui coûtèrent la vie; et il fut encore moins la victime de ses opinions, que celle d'un parti violent élevé contre lui. Les Athéniens, à la vérité, lui firent boire de la ciguë; mais on sait combien ils s'en repentirent: on sait qu'ils punirent ses accusateurs, et qu'ils élevèrent un temple à celui qu'ils avaient condamné. Athenes laissa une liberté entière non-seulement à la philosophie, mais à toutes les religions. Elle recevait tous les dieux étrangers; elle avait même un autel dédié aux dieux in

connus.

Il est incontestable que les Grecs reconnaissaient un Dieu suprême, ainsi que toutes les nations dont nous avons parlé. Leur Zeus, leur Jupiter, était le maître des dieux et des hommes. Cette opinion ne changea jamais depuis Orphée; on la retrouve cent fois dans Homère: tous les autres dieux sont inférieurs. On peut les comparer aux péris des Perses, aux génies des autres nations orientales. Tous les philosophes, excepté les stratoniciens et les épicuriens, reconnurent l'architecte du monde, le Demiourgos.

Ne craignons point de trop peser sur cette vérité historique, que la raison humaine com

mencée adora quelque puissance, quelque être qu'on croyait au-dessus du pouvoir ordinaire, soit le soleil, soit la lune ou les étoiles; que la raison humaine cultivée adora, malgré toutes ses erreurs, un Dieu suprême, maître des éléments et des autres dieux; et que toutes les nations policées, depuis l'Inde jusqu'au fond de l'Europe, crurent en général une vie à venir, quoique plusieurs sectes de philosophes eussent une opinion contraire.

DE ZALEUCUS, ET DE QUELQUES AUTRES LÉ

GISLATEURS.

J'OSE ici défier tous les moralistes et tous les législateurs, et je leur demande à tous sils ont dit rien de plus beau et de plus utile que l'exorde des lois de Zaleucus qui vivait avant Pythagore, et qui fut le premier magistrat des Locriens.

Tout citoyen doit être persuadé de l'existence de la Divinité. Il suffit d'observer »l'ordre et l'harmonie de l'univers pour être convaincu que l'hasard ne peut l'avoir for>>mé. On doit maîtriser son âme, la purifier, »en écarter tout mal; persuadé que Dieu ne »peut être bien servi par des pervers, et >>qu'il ne ressemble point aux misérables mor>>tels qui se laissent toucher par de magni»fiques cérémonies et par de somptueuses >>offrandes. La vertu seule et la disposition >>constante à faire le bien peuvent lui plaire. >>Qu'on cherche donc à être juste dans sest

>>principes et dans la pratique, c'est ainsi »qu'on se rendra cher à la Divinité. Chacun »doit craindre ce qui mène à l'ignominie, »bien plus que ce qui conduit à la pauvreté. Il faut regarder comme le meilleur citoyen >>celui qui abandonne la fortune pour la ju>>stice: mais ceux que leurs passions violentes >entraînent vers le mal, hommes, femmes, »citoyens, simples habitants, doivent être avertis de se souvenir des dieux, et de pen>>ser souvent aux jugements sévères qu'ils »exercent contre les coupables. Qu'ils aient » devant les yeux l'heure de la mort, l'heure >>fatale qui nous attend tous; heure où le »Souvenir des fautes amène les remords et »le vain repentir de n'avoir pas soumis toutes »ses actions à l'équité.<<

>>Chacun doit donc se conduire à tout mo➤ment comme si ce moment était le dernier >>de sa vie: mais si un mauvais génie le >>porte au crime, qu'il fuie au pied des au»tels; qu'il prie le ciel d'écarter loin de »lui ce génie malfaisant: qu'il se jette sur»tout entre les bras des gens de bien, dont »les conseils le ramèneront à la vertu, en lui »représentant la bonté de Dieu et sa ven»geance. <<

Non, il n'y a rien dans toute l'antiquité qu'on puisse préférer à ce morceau simple et sublime, dicté par la raison et par la vertu, dépouillé d'enthousiasme et de ces figures gigantesques que le bon sens désa

youe.

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