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DES DIFFÉRENTES RACES D'HOMMES.

Ce qui est plus intéressant pour nous, c'est la différence sensible des espèces d'hommes qui peuplent les quatre parties connues de notre monde.

H n'est permis qu'à un aveugle le douter que les Blancs, les Negres, les Albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Américains, soient dès races entièrement diffé

rentes.

Il n'y a point de voyageur instruit qui, en passant par Leyde, n'ait vu la partie du reticulum mucosum d'un Nègre disséqué par le célèbre Ruysch. Tout le reste de cette membrane fut transporté par Pierre-le-Grand dans le cabinet des raretés, à Pétersbourg. Cette membrane est noire, et c'est elle qui communiqué aux Nègres cette noirceur inhérente qu'ils ne perdent que dans les maladies qui peuvent déchirer ce tissu, et permettre à la graisse, échappée de ces cellules, de faire des taches blanches sous la peau.

Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d'hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu'ils ne doivent point cette différence à leur climat, c'est que des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les

plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce, et que les mulâtres ne sont qu'une race bâtarde d'un noir et d'une blanche, ou d'un blanc et d'une noire.

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Les Albinos sont, à la vérité, une nation très-petite et très-rare; ils habitent au milieu de l'Afrique: leur faiblesse ne leur permet guère de s'écarter des cavernes où ils demeurent; cependant les Nègres en attrapent quelquefois, et nous les achetons d'eux par curiosité. J'en ai vu deux, et mille Européens en ont vu. Prétendre que ce sont des Nègres nains, dont une espèce de lépre à blanchi la peau, c'est comme si l'on disait que les noirs eux-mêmes sont des blancs que la lèpre a noircis. Un Albinos ne ressemble pas plus à un Nègre de Guinée qu'à un Anglais ou à un Espagnol. Leur blancheur n'est pas la nôtre: rien d'incarnat, nul mélange de blane et de brun; c'est une couleur de linge ou plutôt de cire blanchie; leurs cheveux, leurs sourcils, sont de la plus belle et de la plus douce soie; leurs yeux ne ressemblent en rien à ceux des autres hommes, mais ils approchent beaucoup des yeux de perdrix. Ils ressemblent aux Lapons par la taille, à aucune nation par la tête, puisqu'ils ont une autre chevelure, d'autres yeux, d'autres oreilles; et ils n'ont d'homme que la stature du corps, avec la faculté de la parole et de la pensée dans un degré très éloigné du nôtre. Tels sont ceux que j'ai vus et examinés.

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Le tablier que la nature a donné aux Cafres, et dont la peau lâche et molle tombe du nombril sur les cuisses; le mamelon noir des femmes samoïedes; la barbe des hommes de notre continent, et le menton toujours imberbe des Américains, sont des différences si marquées, qu'il n'est guère possible d'imaginer que les uns et les autres ne soient pas des races différentes.

Au reste, si l'on demande d'où sont venus les Américains, il faut aussi demander d'où sont venus les habitants des terres australes; et l'on a déjà répondu que la Providence, qui a mis des hommes dans la Norwège, en a mis aussi en Amérique et sous le cercle polaire méridional, comme elle y a planté des arbres et fait croître de l'herbe.

Plusieurs savants ont soupçonné que quelques races d'hommes, ou d'animaux approchants de l'homme, ont péri; les Albinos sont en si petit nombre, si faibles, et si maltraités par les Nègres, qu'il est à craindre que cette espèce ne subsiste pas encore longtemps.

Il est parlé de satyres dans presque tous. les auteurs anciens. Je ne vois pas que leur existence soit impossible; on étouffe encore en Calabre quelques monstres mis au monde par des femmes. Il n'est pas improbable que dans les pays chauds des singes aient subjugué des filles. Hérodote, au livre II, dit que pendant son voyage en Egypte, il y eut une femme qui s'accoupla publiquement avec

un bouc dans la province de Mendès: et il appele toute l'Egypte en témoignage. Il est défendu dans le Lévitique, au chapitre XVII, de s'unir avec les boucs et avec les chèvres. Il faut donc que ces accouplements aient été communs; et, jusqu'à ce qu'on soit mieux éclairci, il est à présumer que des espèces monstrueuses ont pu naître de ces amours abominables. Mais si elles ont existé, elles n'ont pu influer sur le genre humain; et, semblables aux mulets qui n'engendrent point, elles n'ont pu dénaturer les autres

races.

A l'égard de la durée de la vie des hommes (si vous faites abstraction de cette ligne de descendants d'Adam, consracée par les livres juifs, et si long-temps inconnue) il est vraisemblable que toutes les races humaines ont joui d'une vie à peu près aussi courte que la nôtre. Comme les animaux, les arbres, et toutes les productions de la nature, ont toujours eu la même durée, il est ridicule de nous en excepter.

Mais il faut observer que, le commerce n'ayant pas toujours apporté au genre humain les productions et les maladies des autres climats, et les hommes ayant été plus robustes et plus laborieux dans la simplicité d'un état champêtre, pour lequel ils sont nés, ils ont dû jouir d'une santé plus égale, et d'une vie un peu plus longue que dans la mollesse, ou dans les travaux malsains des grandes villes: c'est-à-dire que si dans Con

stantinople, Paris et Londres, un homme, sur cent mille, arrive à cent années, il est probable que vingt hommes, sur cent mille, atteignaient autrefois cet âge. C'est ce qu'on a observé dans plusieurs endroits de l'Amérique, où le genre humain s'était conservé dans l'état de pure nature.

La peste, la petite-vérole, que les caravanes arabes communiquèrent avec le temps aux peuples de l'Asie et de l'Europe, furent long-temps inconnues. Ainsi le genre humain, en Asie, et dans les beaux climats de P'Europe, se multipliait-plus aisément qu'aillears. Les maladies d'accident et plusieurs blessures, ne se guérissaient pas à la vérité comme aujourd'hui; mais l'avantage de n'être jamais attaqué de la petite vérole et de la peste compensait tous les dangers attachés à notre nature, de sorte qu'à tout prendre, il est à croire que le genre humain, dans les climats favorables, jouissait autrefois d'une vie plus saine et plus heureuse que depuis l'établissement des grands empires. Ce n'est pas à dire que les hommes aient jamais vécu trois ou quatre cents ans: c'est un miracle très - respectable dans la Bible, mais partout ailleurs c'est un conte absurde.

DE L'ANTIQUITÉ DES NATIONS.

PRESQUE tous les peuples, mais surtout ceux de l'Asie, comptent une suite de siècles qui nous effraic. Cette conformité entre eux

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