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Maintenant on rejette au loin les cimetières;

Et pourtant en ce lieu que leurs modestes pierres
Parlaient au cœur! Chacun donnait un souvenir
A celui qui n'est plus, et, songeant à mourir,
Songeait plus à son Dieu!... Mais le tintement cesse,
Et dans l'église alors la foule entre et se presse...

Le portail est roman; tout le chœur ogival,
Et de la renaissance un ornement banal
Achève avec orgueil d'en décorer l'abside.
De ces styles divers le mélange candide,
Fondu sous un ton gris par le temps apporté,
Ne choque plus mes yeux: de la simplicité
Des artistes bretons c'est d'abord la mesure;
Et puis le souvenir plus que l'architecture
Émeut ici mon cœur : que d'élus dans le ciel
Ont prié comme nous au pied de cet autel!

Entre deux blonds enfants, rayonnant de jeunesse,
Le vieux prêtre s'incline et commence la messe ;
Triste et grave est sa voix; celle des chérubins
Se détache au contraire en tons frais, argentins;
Ils rehaussent leur taille, et le doux vieillard penche
Sur l'Évangile ouvert sa belle tête blanche.
Le temps est sombre et gris; deux cierges allumés
Éclairent en tremblant les livres enfumés;

Et dans ce demi-jour, plein de mélancolie,
Qui ne se sentirait l'âme plus recueillie?

Rien ne distrait les yeux, ni marbres, ni tableaux;
Sous les pieds, çà et là, des pierres de tombeaux
Où sont gravés des noms inconnus, une épée,
Une croix, un bourdon - épitaphe frappée
Par le rude ciseau d'un naïf ouvrier

Aux mânes de celui qui fut moine ou guerrier.

Étendant ses deux bras sur la muraille nue,

Seul, un grand christ de bois semble arrêter la vue.
Sous les yeux du Seigneur dans le monde chrétien,
A cette heure, chacun partout s'incline: rien
Ne touche plus mon cœur que cet élan sublime
De peuples si divers qu'un même souffle anime!

A la fenêtre ouverte et donnant sur les bois,
S'attachant aux meneaux, on voit monter parfois
Des lianes en fleur que balance le vent

Et qui dans le saint lieu laissent tomber souvent
Une neige odorante; au bord de la croisée,
L'hirondelle étonnée, après s'être posée,
Dans l'église voltige et monte, avec les chants,
Vers celui qui féconde et qui bénit nos champs...

L'Évangile achevé, dans la chaire branlante
Le vieux prêtre se signe et d'une voix mourante
Aux enfants bien-aimés qu'il quittera demain,
Du paradis sa bouche enseigne le chemin.
Pauvre, il nourrit le pauvre, après son homélie,
Du pain de charité que sa main multiplie;

Car il est de ceux-là dont on peut dire encor :

<< Leur calice est de bois, mais leur cœur pur est d'or! »

Grande est l'attention que la foule lui prête.
Parfois on voit pourtant s'incliner une tête :
Courbé sous la fatigue, un paysan s'endort;
Oh! ne l'éveillons pas ! il porte avec effort
Un fardeau si pesant qu'il peut dormir sans crainte:
En le berçant, tout haut, de sa parole sainte,
Le curé qui sourit lui pardonne, tout bas,
Et s'il ne l'a pas vu, ne le dénonçons pas !

P

A la communion tout le monde se lève,
Attendant jusqu'au bout que le festin s'achève.
Au bonheur contenu des privilégiés

Chacun veut prendre part: on voit, agenouillés
A la modeste table, enfants et jeunes filles
Que bénissent du cœur les joyeuses familles.
C'est le salut pour tous; à côté de l'enfant,
Le vieillard, rajeuni, s'avance triomphant.
Pour l'un c'est le matin qui doucement commence,
Pour l'autre c'est le soir qu'embellit l'espérance...

Oh! qu'à la Trinité je prie avec ferveur !

Là, rien ne vient troubler les soupirs de mon cœur ;
Prier, se souvenir, -en souriant, s'attendre ;
Parler à ceux qu'on pleure un langage si tendre,
Qu'il traverse les cieux; d'un baiser tout-puissant,
Rappeler à la vie une ombre, en l'embrassant;
Prier dans les transports d'un amour ineffable,
C'est le plus grand bonheur dont l'homme soit capable :
C'est par là qu'il revit, et que l'humanité

Se console et retourne à la Divinité !

EMILE BOUCHAUD.

ÉTUDES HISTORIQUES ET RELIGIEUSES

MGR COSPÉAN

ÉVÊQUE DE NANTES

1571-1645

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II*

L'article Villiers du même ouvrage nous fournit aussi des renseignements assez importants. Voici en effet ce qu'on y lit : « Villiers (Côme de Saint-Etienne, etc.), définiteur des carmes de la province de Tours, mort en 1758, a publié Bibliotheca Carmelitana; Orléans, 1754, 2 vol. in- fol. » On y trouve des choses curieuses et importantes, entre autres sur une conférence que les chefs du jansénisme eurent vers 1620, à Bordeaux, dans les mêmes vues qui les assemblèrent l'année suivante à Bourg-Fontaine, mais où MM. de Bérulle et de Cospéan (sic), qui n'opinèrent pas dans leur sens, empêchèrent le plein développement de leur système. Cette relation, qui ne peut être suspecte, serait une nouvelle preuve de la réalité du projet de Bourg-Fontaine, « si aujourd'hui il pouvait rester le moindre doute sur une conspiration exécutée dans toute son étendue aux yeux du monde entier. >>

Suit une note très-importante que nous reproduisons encore textuellement :

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« Par une erreur de copiste, il y a une omission importante en ce que l'avis de Cospéan ne s'y trouve pas, et qu'on lui attribue celui de Jansénius, comme on l'a démontré dans le Journal historique et littéraire, 1er janvier 1794, p. 31. Du reste, la même relation se trouve dans Jacobi de Monbron, Disquisitio historica, theologica, an jansenismus sil merum phantasma, parte 1a, cap. 14, p. 179. »

La relation du P. Villiers comprend deux dépositions tout à fait respectables sur le projet de Bordeaux, en 1620; elles sont conçues en ces termes, que nous les traduisons textuellement du latin :

<< Nous F. Marc de la Nativité de la sainte Vierge, provincial des Carmes de la province de Tours, déclarons par cet écrit que, l'année 1652 et 1654, M. de Razilli, homme noble de Tours, nous a attesté qu'il avait assisté, vers l'an 1620, à un colloque d'hommes considérables dans l'Eglise, parmi lesquels était monsieur du Verger, qui prit ensuite le nom d'abbé de Saint-Cyran, et monsieur Jansénius, ensuite évêque d'Ypres, en Flandre. M. du Verger annonçait dans ce colloque que, pour détourner les fidèles d'aller si souvent dans les églises des réguliers, il serait très-bon que les ecclésiastiques appliqués à l'administration des sacrements usassent d'une pratique opposée à celle des réguliers d'alors; qu'ils rendissent l'usage du sacrement de pénitence difficile et l'usage de l'eucharistie plus rare. Jansénius ne trouvait pas à propos d'attaquer en même temps tous les religieux, mais il disait qu'il falloit commencer par les jésuites; parce qu'il ne serait pas difficile de montrer que leur doctrine sur la grâce était mauvaise, et de réveiller les disputes sur ce point, qui s'étaient assoupies sous Clément VIII. Il ajoutait qu'à cette fin il écrirait un livre, où il attaquerait la doctrine des jésuites, livre qu'on soupçonne être celui qui parut ensuite sous le nom d'Augustinus, elc.

>> J'étais prieur dans notre couvent de Tours lorsque Monsieur de Razilli, avant de mourir, mais encore parfaitement sain d'esprit et maître de lui-même, altesta de nouveau que ce qu'il avait rapporté auparavant sur ce colloque était vrai Il raconte les mêmes choses au

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