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» plaît à toutes les nations, soit dans l'état où nous le » voyons. Si je pouvais vous l'offrir complet, je croi>> rais mes courses bien employées, et mon nom assez >> recommandé aux Grecs présents et futurs. Il me faut >> peu de gloire; c'est assez pour moi qu'on sache quel» que jour que j'ai partagé vos études et votre amitié. » M. Lamberti lut cette lettre, où il était question de lui, et me promit dès-lors de traduire le supplément, comme il pouvait faire mieux que personne. Il se rappelle très-bien toutes ces circonstances, et voici ce qu'il m'en écrit:

Della speranza che avevate di scoprire nel codice Fiorentino il frammento di Longo Sofista, voi mi parlaste sino dai primi momenti del vostro arrivo in Milano. Questa cosa fu da me in quel tempo ancor detta ad alcuni amici, che non possono averne perduto la rimenbranza. Si parlò ancora della traduzione italiana che sarebbe stato bene di farne, quando non fossero riuscite vane le speranze della scoperta; ed io, per l'infinita amicizia che vi professo, mi vi obligai con solenne promessa per un tale lavoro. A gran ragione adunque mi dovettero sorprendere le ciancie del signor Furia, che nel suo scritto si voleva far credere come cooperatore e partecipe di quello scoprimento.... (1).

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(1) C'est-à-dire, en français : « L'espoir que vous aviez de >> trouver dans les manuscrits de Florence un texte complet de Longus, me fut annoncé par vous dès les premiers moments » de votre arrivée ici, et j'en parlai à quelques amis, qui n'en » peuvent avoir perdu le souvenir. Nous parlâmes aussi de tra» duire le supplément en italien; à quoi je m'obligeai envers

Enfin, voici une lettre de M. Akerblad, qui montre assez en quel temps je vis ce manuscrit pour la première fois :

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« Je me rappelle effectivement qu'il y a trois ans >> nous allâmes ensemble voir la bibliothèque de l'abbaye de Florence, où, entre autres manuscrits, on » nous montra celui qui contient le roman de Longus, » avec plusieurs autres érotiques grecs. Je me souviens » très-bien aussi que, pendant que j'étais occupé à parcourir le catalogue de ces manuscrits, dont les plus beaux ont disparu depuis, vous vous arrêtâtes » assez long-temps à feuilleter celui de Longus, le » même qui vous a fourni l'intéressant fragment que » vous venez de publier.

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Ainsi bien avant que ce manuscrit passât dans la bibliothèque de Saint Laurent de Florence, je l'avais vu à l'abbaye; je savais qu'il était complet, je l'avais dit ou écrit à tous ceux que cela pouvait intéresser. Depuis, dans la bibliothèque, M. Furia me montra ce livre que je lui demandais, et que je connaissais mieux que lui, sans l'avoir tenu si long-temps, et moi je lui montrai dans ce livre ce qu'il n'avait pas vu en six ans qu'il a passés à le décrire et à en extraire des sottises. On voit par là clairement que tout le récit de M. Furia, et les petites circonstances dont il l'a chargé pour montrer que le hasard nous fit faire à tous deux en

» vous par une solennelle promesse fondée sur l'amitié qui nous » unit tous deux. Ainsi, ce ne fut pas sans beaucoup d'étonne»ment que je vis depuis l'étrange folic et le bavardage de » M. Furia, qui, dans sa brochure, prétendait avoir part à cette » découverte. »

semble cette découverte, qu'il appelle commune, sont autant de faussetés. Or, si dans un fait si notoire, M. Furia en impose avec cette effronterie, qu'on juge de sa bonne foi dans les choses qu'il affirme comme unique témoin; car, à ce mensonge, assez indifférent en lui-même, il joint d'autres impostures, dont assurément la plus innocente mériterait cent coups de bâton. C'était bien sur quoi il comptait pour être un peu à son aise, comme l'huissier des Plaideurs. J'aurais pu donner dans ce piége il y a vingt ans'; mais aujourd'hui je connais ces ruses, et je lui conseille de s'adresser ailleurs. J'ai très-bien pu, par distraction, faire choir sur le bouquin la bouteille à l'encre; mais frappant sur le pédant, je n'aurais pas la même excuse, et je sais ce qu'il m'en coûterait.

Depuis l'article inséré dans la gazette de Florence, par lequel vous annonciez une édition du supplément et de l'ouvrage entier, j'étais en pleine possession de ma découverte, et plus intéressé que personne à sa conservation. Tout le monde savait que j'avais trouvé ce fragment de Longus, que j'allais le traduire et l'imprimer; ainsi mon privilége, mon droit de découverte étaient assurés: on ne saurait donc imaginer que j'aie fait exprès la tache au manuscrit, pour m'approprier ce morceau inédit, qui était à moi. C'est néanmoins ce que prétend M. Furia: cette tache fut faite, dit-il, pour le priver de sa part à la petite trouvaille (vous voyez, par ce qui précède, à quoi cette part se réduit), et afin de l'empêcher lui ou quelque autre aussi capable, d'en donner une édition. Cela est prouvé, selon lui, par le refus de la copie.

Ce discours ne peut trouver de créance qu'auprès

de ceux qui n'ont nulle idée d'un pareil travail; car qui eût pu l'entreprendre à Florence, quand même votre annonce n'eût pas appris au public et la découverte et à qui elle appartenait? Ne m'en croyez pas, Monsieur; consultez les savants de votre connaissance, et tous vous diront qu'il n'y avait personne à Florence en état de donner une édition supportable de ce texte d'après un seul manuscrit. Il faut pour cela une connaissance de la langue grecque, non pas fort extraordinaire, mais fort supérieur à ce qu'en savent les professeurs Florentins.

En effet, concevez, Monsieur, huit pages sans points ni virgules, partout des mots estropiés, transposés, omis, ajoutés, les gloses confondues avec le texte, des phrases entières altérées par l'ignorance, et plus souvent par les impertinentes corrections du copiste. Pour débrouiller ce chaos, Schrevelius donne peu de lumières à qui ne connaît que les Fables d'Esope. Je ne puis me flatter d'y avoir complétement réussi, manquant de tous les secours nécessaires; mais hors un ou deux endroits, que ceux qui ont des livres corrigeront aisément, j'ai mis le tout au point que M. Furia lui-même, avec ma traduction et son Schrevelius, suivrait maintenant sans peine le sens de l'auteur d'un bout à l'autre. Tout cela se pouvait faire par d'autres que moi, et mieux, à Venise ou à Milan, mais non à Florence.

Les Florentins ont de l'esprit ; mais ils savent peu de grec, et je crois qu'ils ne s'en soucient guère : il y a parmi eux beaucoup de gens de mérite, fort instruits et fort aimables; ils parlent admirablement la plus

belle des langues vivantes: avec cela on se passe aisément de grec.

Quelle préface aurait pu, je vous prie, mettre à ce fragment M. Furia, s'il en eût été l'éditeur? Il aurait fallu qu'il dît: Dans le long travail gue j'ai fait sur ce manuscrit, dont j'ai extrait des choses si peu intéressantes, j'ai oublié de dire que l'ouvrage de Longus s'y trouvait complet; on vient de m'en faire apercevoir. Et là-dessus, il aurait cité votre article de la gazette. Vous voyez, Monsieur, par combien de raisons j'avais peu à craindre que ni lui ni personne songeât à me troubler dans la possession du bienheureux fragment. J'en ai refusé à M. Furia, non une copie quelconque qui lui était inutile comme bibliothécaire, mais une certaine copie dont il voulait abuser comme mon ennemi déclaré; et l'abus qu'il en voulait faire n'était pas de la publier, car il ne le pouvait en aucune façon, mais de l'altérer, pour jeter du doute sur ce que j'al lais publier. Tout cela est, je pense, assez clair.

Mais si l'on veut absolument que, contre mon intérêt visible, j'aie mutilé ce morceau que je venais de détenir et dont j'étais maître, pour consoler apparemment M. Furia du petit chagrin que lui causait cette découverte, encore faudrait-il avouer que les adorateurs de Longus me doivent bien moins de reproches que de remercîments. Si ce texte est si sacré, pour l'avoir complété je mérite des statues. La tache qui en détruit quelques mots dans le manuscrit ne saurait être un crime d'état, que la restauration du tout dans les imprimés ne soit un bienfait public: mais si tout l'ouvrage, comme le pensent des gens bien sensés, n'est en soi qu'une fadaise, qu'est-ce donc que ce pâté

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