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dissiper, à cet égard, le doute qu'a produit l'examen généalogique ci-dessus.

On se fait même encore, en Boulonnais, quelques objections que je vais vous soumettre.

La charge de trésorier de France dont fut honoré monsieur votre père, l'un des hommes les plus instruits du Boulonnais, apporta pour la première fois la noblesse dans sa famille, et ce, toutefois, après. vingt années d'exercice, comme le voulaient les réglements d'alors; mais il fallait pour cela les vingtannées d'exercice, et l'on se demande encore si monsieur votre père a exercé vingt ans cette charge. Il se peut que oui, il se peut que non; la question est indécise, et l'on voudrait vous voir l'éclaircir.

Vainement, Monsieur, quelques personnes prétendent que le fief de Rony, sis à Bouillancourt en Serie, près Abbeville, s'écrit Rosny. Je trouve ce fait contesté par la manière dont ce nom est écrit dans le dossier de la rente en beurre et en argent que vous devait ma famille ; je le trouve contesté par la manière dont signa toujours monsieur votre père, qui, comme je le disais tout-à-l'heure, et comme je me plais à le répéter, était l'un des hommes les plus instruits du Boulonnais, se piquait sans doute de signer correctement son nom. Je le trouve encore con- · testé, Monsieur, par la manière dont vous écrivez votre nom jusqu'à la restauration; et j'aime mieux penser que vous ne vous êtes trompé que dix ans, plutôt que de penser que vous vous êtes trompé vingt ans.

Voilà, Monsieur, une suite de faits, d'objections et de raisonnements qui égare ceux qui recherchent

l'exactitude authentique de votre nom, comme ceux qui cherchent à s'instruire sur l'affinité ou la différence de votre famille avec celle de Maximilien de Béthune, baron de Rosny, duc de Sully. La solution de ce problême est nécessaire à ceux qui écriront désormais l'histoire du Boulonnais où vous êtes maintenant appelé à figurer un jour; et je la désire, parce que je réunis des matériaux pour ce travail, si judicieusement mené jusqu'en 1803 ou 1804 par M. Henry.

J'ai l'honneur d'être bien sincèrement, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

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PAMPHLET

DES

PAMPHLETS.

PENDANT que l'on m'interrogeait à la préfecture de police sur mes noms, prénoms, qualités, comme vous avez pu voir dans les gazettes du temps, un homme se trouvant là sans fonctions apparentes, m'aborda familièrement, me demanda confidemment si je n'étais point auteur de certaines brochures; je m'en défendis fort. Ah! Monsieur, me dit-il, vous êtes un grand génie, vous êtes inimitable. Ce propos, mes amis, me rappela un fait historique peu connu que je veux vous conter en forme d'épisode, digression, parenthèse, comme il vous plaira; ce

m'est tout un.

Je déjeûnais chez mon camarade Duroc, logé en ce temps-là, mais depuis peu, notez, dans une vieille. maison, fort laide, selon moi, entre cour et jardin, où il occupait le rez-de-chaussée. Nous étions à table plusieurs, joyeux, en devoir de bien faire, quand tout-à-coup arrive, et sans être annoncé, notre camarade Bonaparte, nouveau propriétaire de la vieille maison, habitant le premier étage. Il venait en voisin, et cette bonhomie nous étonna au point

que pas un des convives ne savait ce qu'il faisait. On se lève, et chacun demandait : Qu'y a-t-il ? Le héros nous fit rasseoir. Il n'était pas de ces camarades à qui l'on peut dire mets-toi là, et mange avec nous. Celà cût été bon avant l'acquisition de la vieille maison. Debout à nous regarder, ne sachant trop que dire, il allait et venait. Ce sont des artichauts dont vous déjeûnez-là? Oui, général. Vous, Rapp, vous les mangez à l'huile? Oui général. Et vous Savary, à la sauce ; moi, je les mange au sel. Ah! général, répond celui qui s'appelait alors Savary, vous êtes un grand homme, vous êtes inimitable.

Voilà mon trait d'histoire que je rapporte exprès, afin de vous faire voir, mes amis, qu'une fois on m'a traité comme Bonaparte, et par les mêmes motifs. Ce n'était pas pour rien qu'on flattait le Consul, et quand ce bon Monsieur, avec ses douces paroles, se mit à me louer si démesurément que j'en faillis perdre contenance, m'appelant homme sans égal, incompa rable, inimitable, il avait son dessein, comme m'ont dit depuis des gens qui le connaissent, et voulait de moi quelque chose, pensant me louer à mes dépens. Je ne sais s'il eut contentement. Après maints discours, maintes questions, auxquelles je répondis le moins mal que je pus; Monsieur, me dit-il en me quittant, Monsieur, écoutez, croyez-moi; employez votre grand génie à faire autre chose que des pamphlets.

J'y ai réfléchi et me souviens qu'avant lui M. de Broë, homme éloquent, zélé pour la morale publique, me conseilla de même, en termes moins flatteurs, devant la Cour d'assises. Vil pamphlétaire.....

Ce fut un mouvement oratoire des plus beaux, quand se tournant vers moi qui, foi de paysan, ne songeais à rien moins, il m'apostropha de la sorte: Vil pamphlétaire, etc., coup de foudre non de massue, vu le style de l'orateur, dont il m'assomma sans remède. Ce mot soulevant contre moi les juges, les témoins, les jurés, l'assemblée (mon avocat lui-même en parut ébranlé), ce mot décida tout. Je fus condamné dès l'heure dans l'esprit de ces Messieurs, dès que l'homme du roi m'eût appelé pamphlétaire, à quoi je ne sus que répondre. Car il me semblait bien en mon âme avoir fait ce qu'on nomme un pamphlet; je ne l'eusse osé nier. J'étais donc pamphlétaire à mon propre jugement, et voyant l'horreur qu'un tel noi inspirait à tout l'auditoire, je demeurais confus.

Sorti de là, je me trouvai sur le grand degré avec M. Arthus Bertrand, libraire, un de mes jurés, qui s'en allait dîner, m'ayant déclaré coupable. Je le saluai; il m'accueillit, car c'est le meilleur homme du monde, et chemin faisant, je le priai de me vouloir dire ce qui lui semblait à reprendre dans le Simple Discours condamné. Je ne l'ai point lu, me dit-il; mais c'est un pamphlet, cela me suffit. Alors je lui demandai ce que c'était qu'un pamphlet, et le sens de ce mot qui, sans m'être nouveau, avait besoin pour noi de quelque explication. C'est, répondit-il, un écrit de peu de pages comme le vôtre, d'une feuille ou deux seulement. De trois feuilles, reprisje, serait-ce encore un pamphlet ? Peut-être, me ditil, dans l'acception commune; mais proprement parlant, le pamphlet n'a qu'une feuille seule; deux ou plus font une brochure. Et dix feuilles, quinze.

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