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grammairiens, à quoi ils réussissent toujours, n'étant embarrassés de rien, et ayant même trouvé moyen de mettre en beaux vers la prose de divers auteurs qu'ils ont pris pour des poètes. C'est ainsi qu'un fragment de l'historien Ménandre se lit en vers de six pieds, de la façon d'un savant (Schurfleiz sur Longin), qui a cru que ce Ménandre était le poète comique. Turnèbe (voyez Casaubon sur Athénée, pag. 8, D), avait versifié, non moins heureusement, les paroles d'Athénée lui-même, pensant que ce fussent celles d'un poète; et Casaubon qui l'en reprend, est tombé plus d'une fois dans la même erreur, comme nous le verrons bientôt. On pourrait appuyer ceci de beaucoup d'autres exemples, mais il suffit de voir, dans le vo¬ lume que nous examinons, les peines que se donne l'éditeur pour remplir ou rétablir la mesure des vers, ajoutant par-ci, par-là, des hémistiches entiers, et recevant sans façon toutes les particules oiseuses que lui offrent les critiques afin de combler quelque vide, ou soutenir le rhythme tombant, comme dit Lucien, au lieu d'avouer le plus souvent que l'auteur, et plus encore son abréviateur, ont pu retrancher des mots, des hémistiches, des vers entiers, les transposer et les couper en mille manières différentes, comme on reconnaît qu'il l'a fait dans beaucoup de citations dont les originaux existent. Au reste, cela même, Schweighaeuser paraîtra fort modéré à ceux qui connaissent la furie de certains critiques de ce temps, lorsqu'il leur tombe entre les mains un poète tragique ou comique. Il en est même peu avec qui ceux-ci en eussent cté quittes à si bon marché, et qui n'eussent pas fait main basse sur tout ce qu'il y a de vers dans

Athénée, Menando ad ambe man con molta fretta. Mais le nouvel éditeur est de si bonne composition, qu'il a été jusqu'à souffrir, sous la forme de prose, les fragments dont il n'a pu régler ou découvrir le mètre. D'ailleurs, il a soin de n'admettre aucune conjecture dans le texte sans en avertir, et donne scrupuleusement, dans les notes ou dans les variantes, la leçon des éditions et des manuscrits, sincérité plus rare qu'on ne croit.

Les variantes, comme on l'a dit, se trouvent entre le texte et la version latine, non toutes, mais seulement les plus intéressantes. Les autres seront rassemblées à la fin de l'ouvrage. La plus grande partie du commentaire est employée à la discussion de ces variantes, qu'on examine fort en détail; si cette méthode a des longueurs, elle a aussi ses avantages. M. Schweighouser aurait pu réimprimer séparément les commentaires de Casaubon, à la suite de son ouvrage, ou les omettre tout-à-fait, et il se serait épargné tout le travail qu'il a fait sur ces mêmes commentaires, pour la commodité et l'utilité des lecteurs; mais il a mieux aimé les insérer dans les siens, morceaux par morceaux, et se charger d'éclaircir ce qui s'y trouve d'obscur ou d'embarrassé, soit en joignant aux passages, dont Casaubon s'est servi, l'indication exacte des lieux où il les a pris, soit en fortifiant lui-même ou mettant dans un plus grand jour les idées de ce savant homme par de nouvelles autorités. On se doute bien néanmoins qu'il n'est pas toujours de son avis. Mais s'il le combat quelquefois, c'est toujours avec de bonnes raisons, et le plus sou

vent avec succès; et ce parti qu'il a pris, d'unir ses commentaires, avec ceux de Casaubon, de manière à n'en faire qu'un seul tout, a, pour le lecteur et pour lui, ce grand avantage, qu'à l'aide de quelques mots, ou même d'un simple renvoi, il confirme ou détruit le dire de Casaubon, sans être obligé d'en faire une discussion séparée, comme cela eût été nécessaire, s'il eût fallu citer, et développer aux lecteurs la suite de son raisonnement. Quelquefois il se contente de faire mention, par extrait, des observations de Casaubon; mais le plus souvent il les rapporte tout au long, et n'en retranche que ce qui lui paraît entièrement étranger au texte de l'auteur.

Enfin, les savants trouveront dans ces deux volumes une infinité de choses intéressantes et nouvelles qui jettent un grand jour sur toutes les parties de l'érudition. Mais pour mettre nos lecteurs à portée d'en juger eux-mêmes, nous fixerons leur attention sur quelques endroits pris au hasard, qui donneront une idée du tout, et dans cette espèce de revue de différents passages traités plus ou moins heureusement, nous donnerons par occasion quelques idées qui nous sont venues dans le courrant de la lecture sur la correction ou le sens de quelques-uns de ces passages. Car encore que tout ce texte ait été traité, comme on voit, par les gens les plus habiles, il n'est presque pas possible que la lecture un peu attentive d'un auteur tel qu'Athénée, ne produise quelques réflexions qui ont échappé à ces savants hommes.

Commençons par deux corrections qui serviront d'echantillons pour toutes les autres.

(Suivent une vingtaine de pages contenant des explications sur beaucoup de passages mal compris

par les éditeurs, traducteurs et commentateurs d Athénée.)

MAGASIN ENCYCLOPÉDIQUE.-Année 1813, tom. 5.

DISSERTATION DE M. AKERBLAD, INTITULÉE :

Iscrizione greca sopra una lamina di piombo, trocata in un sepolcro nelle vicinanze di Atene. Roma, presso Lino Contedini, 1813.

M. Akerblad publia, il y a quelques temps, une Dissertation fort savante sur une lame de bronze tirée d'un tombeau près d'Athènes, et appartenante à M. Dodwel, voyageur anglais, qui a rapporté de la Grèce une infinité de choses curieuses et intéressantes. Sur cette lame était gravé le nom d'un homme avec celui d'une des tributs d'Athènes, et une seule lettre My paraissait isolément tracée en relief, tandis que le reste était en creux. L'explication que donna de tout cela M. Akerblad, aussi claire qu'ingénieuse et pleine d'érudition, dut plaire beaucoup aux savants. On ne sera pas moins satisfait de la manière dont il explique, dans ce nouvel ouvrage, un monument d'un autre genre, mais trouvé comme le premier dans les tombeaux d'Athènes, et appartenant également à M. Dodwel. C'est une feuille ou plaque de plomb sur laquelle ont été tracées, avec un poinçon, à ce qu'il paraît, plusieurs lignes de ca

ractères grecs difficiles a déchiffrer, non tant à cause des lettres même dont la forme est assez connue, que parce que dans cette espèce d'écriture cursive, comme l'appelle M. Akerblad, les traits de chaque lettre, à peine ébauchés, se doivent le plus souvent deviner. Il faut voir dans son Mémoire même, combien de de peine il eut d'abord à nettoyer cette surface, où l'on apercevait seulement quelques traces d'inscription, et de quelle patience il eut besoin pour en enlever une espèce de croûte tartreuse, dont l'écritureétait couverte en beaucoup d'endroits. Enfin, par son zèle obstiné, ces traits reparaissent au jour, et, com-me dit un poète :

Livrent à la lumière le secret des tombeaux

Il serait inutile de rapporter ici le texte même de l'inscription, qui ne se peut guères entendre qu'à l'aide des doctes commentaires de M. Akerblad. II. suffira de dire qu'elle renferme une espèce d'imprécation contre un Satyrus de Sunyum et un certain Démétrius, qu'on dévoue eux et les leurs aux Dieux infernaux, à Mercure et à la Terre, invoqués pour les punir, sans doute, comme auteurs de la mort de celui qui fait contre eux cette imprécation. Le but de l'inscription, l'ortographe, les formules qui s'y trouvent employées, font l'objet des notes savantes de M. Akerblad, et sont expliquées d'une manière qui ne laisse rien à désirer. Il décrit les lieux où se fit cette découverte en homme qui les a vus, et à qui la Grèce moderne n'est pas moins connue que l'ancienne. Il cite une inscription du même genre que

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