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Remarquez-vous, Monsieur, comme il y a peu de guerres à présent, et dans ces guerres peu de combats? Jamais on n'a moins massacré. Cependant, vous me l'avouerez, jamais on n'a tant raisonné, tant lu, tant imprimé; ce qui me ferait quasi croire que le raisonnement et la lecture ne sont pas cause de tous maux, comme des gens ont l'air de se l'imaginer. Nous en voilà au point que les révolutions se font sans tuer personne, et les guerres presque sans batailles. Si les contre-révolutions se pouvaient adoucir de même, ce serait un grand changement et amendement; qu'en dites-vous? Le faut-il espérer, à moins que ceux qui les font ne se mettent à lire; mais ils haïssent les livres. Ils ne voulurent point de l'Évangile, lorsqu'il parut, et le combattent dans la Grèce. Malgré eux, l'Évangile, mis en langue vulgaire, est entendu de tous. Par lui, peut-être, euxmêmes enfin s'humaniseront quelque jour, et consentiront les derniers à vivre et laisser vivre; mais cependant voilà passées une dixaine d'années sans beaucoup de carnage dans le monde, ce qu'on n'avait guères vu encore, si ce n'est sous les Antonius, quand la philosophie régnait.

P. S. Pourriez-vous m'apprendre, Monsieur, si monsieur l'abbé de la Mennais continue son Indifférence en matière de religion, ouvrage auquel je m'intéresse? Le temps ne lui saurait manquer, car je le crois quitte à présent de ses fonctions de journaliste. Ses actions sont vendues, tous ses comptes réglés avec ses associés. Un petit mot là-dessus dans votre prochain numéro me satisferait extrêmement.

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Note du Rédacteur. L'auteur de cet écrit est homme de bon sens, et, sur bien des choses, nous paraît penser assez juste. Mais il vit loin du monde, et ignore la mesure de ce qui se peut dire. En publiant sa lettre, nous en avons retranché quelques phrases, et des mots que ceux qui connaissent son style n'auront nulle peine à suppléer.

CONSTITUTIONNEL.- 4 mars 1824.

ANNONCE.

Pamphlet des Pamphlets, par Paul-Louis CouRIER, vigneron; brochure où il n'est point question des élections. On a fort engagé l'auteur à publier son opinion sur ce qui se passe actuellement et ce qu'il a vu de curieux aux assemblées électorales du département d'Indre-et-Loire. Il s'y est refusé, vu la difficulté de parler de ces choses avec modération et en termes décents. Dix ans de Sainte-Pélagie ne lui pouvaient manquer, dit-il, s'il eût touché cette matière, et c'est même pour s'en distraire qu'il a composé la brochure que nous annonçons, sur une thèse générale, sans aucune allusion aux affaires présentes, de peur d'inconvénient.

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Plusieurs libraires auraient envie d'imprimer le Pamphlet des Pamphlets, par Paul-Louis Courier,

vigneron, mais aucun n'ose s'en charger. Les uns refusent, d'autres promettent ou même commencent et n'achèvent pas, tant l'entreprise leur paraît hardie, périlleuse, scabreuse. Ce n'est pas pourtant qu'ils voient rien, dans cet écrit, qui dût fàcher monsieur le procureur du roi, et leur attirer des affaires, si l'on agit légalement; mais le nom de l'auteur les cffraie. Ils s'imaginent, on ne sait pourquoi, que PaulLouis ne sera pas traité comme un autre, et que, quelque bien qu'il puisse dire, on le poursuivra au nom de la morale publique, lui, ses libraires et imprimeurs. Pour les rassurer, il a fait de grandes coupures, et retranché de cet opuscule tout ce qui regardait les jésuites, dix pages des mœurs de la Cour, tout le chapitre intitulé; Obligations d'un député ministériel, avec cette épigraphe de saint Paul La viande est pour le ventre, le ventre est pour la viande ; une magnifique apostrophe aux abbés universitaires, deux paragraphes sur la Sorbonne (grand dommage, car ce morceau était travaillé avec soin), et sa péroraison entière sur l'état actuel de l'Espagne. Au moyen de ces sacrifices, qui coûtent tant à un auteur, il espère que son ouvrage, réduit à moitié environ, cessera d'être la terreur des libraires et des imprimeurs et qu'il pourra paraître enfin, Dieu aidant, la semaine prochaine.

LITTÉRATURE.

MAGASIN ENCYCLOPÉDIQUE. 8me année, t. II, 1802.

Article sur une nouvelle édition d'Athénée, donnée par M. Schweighouser.

Voici un ouvrage attendu et demandé depuis longtemps. Athénée est un auteur que ceux qui cultivent la littérature ancienne ont sans cesse entre les mains; et les éditions en usage, qu'on peut réduire toutes à une seule, étaient tellement incorrectes et défectueuses, qu'il fallait la plupart du temps deviner plutôt que lire le texte qu'elles représentaient; ce qui, joint aux difficultés particulières à cet autenr, en rendait la lecture pénible aux hommes mêmes les plus versés dans l'étude de sa langue et de l'antiquité grecque. Cependant depuis plus de deux siècles, personne n'avait voulu se charger d'en donner au public une nouvelle édition purgée de toutes les fautes qui défigurent celles dont on se sert, et accompagnée des éclaircissements nécessaires pour faciliter aux lecteurs l'intelligence du texte. Ce n'est pas qu'après Casaubon, l'Europe n'ait eu d'habiles gens, capables de suivre ses traces, et de suppléer autant que faire se pouvait, tout ce qui manque au commentaire de ce savant sur Athénée; mais il est à croire que ce travail a effrayé jusqu'à présent ceux qui auraient pu l'entreprendre, et il était tel en effet, qu'on peut dire qu'il ne s'en offre point de plus grand ni de plus

difficile dans la carrière de l'érudition: car cette science (quelque nom qu'on veuille lui donner), qui a pour objet d'expliquer et de rétablir les textes anciens, se partage, comme toutes les autres, en différentes branches, dont chacune veut une étude toute particulière. L'explication d'un poète demande d'autres connaissances que celles d'un historien; et les recherches nécessaires pour bien entendre celuici, seraient de peu d'utilité pour l'intelligence du premier. Les philosophes, les orateurs, les rhéteurs, les grammairiens, ceux qui ont écrit des sciences et et des arts, forment des classes separées; et l'expérience a démontré qu'il n'était donné à personne de les connaître tous à fond, ni d'exceller également dans toutes les parties de la critique : c'était pourtant ce qu'il eût fallu pour interprêter Athénée, qui n'est pas un seul auteur, mais un composé de mille auteurs aussi différents pour le style que pour le fonds de leurs ouvrages, dont il a extrait tout le sien. Mais si l'on ne devait pas s'attendre qu'il parût jamais un critique en état de satisfaire à tout ce que les lecteurs peuvent exiger rigoureusement d'un éditeur d'Athénée, cependant le public connaissait parmi ceux qui ont cultivé avec le plus de succès ce genre de littérature, des hommes dont l'érudition laissait peu de choses à désirer pour cette grande entreprise; et souhaitait que quelqu'un d'eux eût la hardiesse de s'en charger. C'est ce que fait aujourd'hui le C. Schweighouser. Son nom est assez connu pour n'avoir pas besoin d'éloge; et ce qui paraît de son ouvrage est digne de la réputation dont il jouit parmi les savants.

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