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CONSTITUTIONNEL.- Paris, 14 octobre 1823.

A monsieur le Rédacteur du Constitutionnel.

MONSIEUR,

Conseillez-moi, je vous prie, dans un cas extraordinaire. Je serai bref, la vie est courte.

J'étais ici, on me cite là-bas, à Tours, lieu de mon domicile, devant un juge d'instruction. Je vais là-bas; on me dit que le dossier, les pièces (vous entendez cela, j'imagine), sont retournées à Paris. Je reviens, et fait demander au parquet, par mon avocat, à qui des juges d'instruction mon affaire se trouve renvoyée; on refuse de lui répondre. Ainsi me voilà sans savoir par qui je dois être jugé, ou interrogé seulement; car je ne pense pas que la chose puisse aller plus loin. Il s'agit, m'a-t-on dit, de mauvaises brochures auxquelles je n'ai, Monsieur, non plus de part que vous, quoiqu'on y ait mis mon nom. Quel avis me donnerez-vous, dedans cette occurrence, comme dit le grand Corneille? d'attendre; car que faire? Mais il est bon que ceux qui me doivent juger sachent que je les cherche; ils l'apprendront si cette feuille tombe entre leurs mains.

J'ai l'honneur, etc.

CONTITUTIONNEL.

18 octobre 1823.

Nos abonnés de Tours sont priés de faire lire l'article suivant à madame Courier, femme de PAULLOUIS, vigneron.

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Envoie-moi, ma chère amie, six chemises et six paires de bas. Point de lettre dans le paquet, afin qu'il me puisse parvenir. Je sais que tu ne reçois » pas les miennes et que tu t'inquiètes fort. Sois tran» quille; il y a dans ce monde plus de justice que tu » ne crois. Je ne suis ni mort, ni malade, ni en prison » pour le moment. >>

Adieu. Ton mari.

Idem. 1er novembre 1823.

M. Courier, avant-hier, allant dîner chez ses amis, fut arrêté en pleine rue par plusieurs agents de police, et conduit en fiacre à l'hôtel de la préfecture. Là, d'abord, on l'interrogea sur ses noms, prénoms, qualités, sa demeure, les motifs de son séjour à Paris. Il satisfit à tout, et fut mis en dépôt, c'est le mot, à la salle Saint-Martin. M. Courier, l'homme du monde le moins propre à être en prison, goûte peu la salleSaint-Martin, qu'il n'a pas trouvée cependant un lieu si terrible qu'on le dit. Seul dans une chambre passable, il a dormi dans un bon lit: même le porteclefs semblait assez bonhomme, causeur et communicatif. Le lendemain, qui était hier, M. Courier fut entendu sur des écrits qu'on lui impute, par un des juges d'instruction. Visite faite de ses papiers, dans l'appartement qu'il occupe, rien ne s'y est trouvé suspect. Il se loue fort, en général, du procédé de ces messieurs. On ne saurait être écroué avec plus de civilité, interrogé plus sagement, ni élargi plus promptement qu'il n'a été.

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JOURNAL DU COMMERCE.-3 novembre 1823.

Au Rédacteur de la Quotidienne.

Vous parlez de moi, Monsieur, dans une de vos feuilles, et paraissez peu informé de ce qui me touche. Vous dites que Paul-Louis, vigneron, moi-même, votre serviteur, en suite de petits démêlés avec la justice, fut quelque temps en prison à Sainte-Pélagie, et puis vous ajoutez: Nous le savons bien. Non, vous le savez mal, Monsieur, et cela n'est pas surprenant qu'ayant à parler de tant de choses, de tant de gens, vous vous mépreniez, et trompiez quelquefois le public. Sur votre parole, il va croire que j'ai fait des tours de Scapin, dont on m'a justement puni. C'est ce que vous pensez ou donnez à penser par de telles expressions. La vérité m'oblige de vous apprendre, Monsieur, que le cas était bien plus grave pour lequel je fus condamné, l'affaire autrement scandaleuse. Il ne s'agissait pas de quelques peccadilles, mais d'un outrage fait à la morale publique. Oui, Monsieur, je l'avoue et le déclare ici, afin que mon exemple instruise. Je fus en prison deux mois à Sainte-Pélagie, par l'indulgence des magistrats, pour avoir outragé la morale publique, crime de Socrate, comme vous savez. Sur la morale particulière, un peu différente de l'autre, je n'ai eu de démêlés avec qui que ce soit, et même n'entends point dire qu'on me reproche

rien.

A ce propos, Monsieur, un doute m'est venu souvent à l'esprit, question purement littéraire que vous

me pourrez éclaircir. M. de Lamartine, dont vous louez les ouvrages, me semble avoir pris dans nos lois une bonne partie de son style, ou bien nos loist ont été faites en style de M. de Lamartine, celles au moins qui ne sont pas vieilles. Outrager la morale publique est une phrase tout-à-fait dans le goût des Méditations et hors de ce commun langage qué le monde parle et entend; elle s'applique à bien des choses. Si le ministre des finances fait quelque faute dans ses calculs, un de nos députés lui dira qu'il outrage l'arithmétique publique. Nos codes sont des odes. Enfin, sur une loi si sagement écrite, le tribunal requis du procureur du roi, mes réponses ouïes, sur ce délibéré, m'envoya en prison deux mois. Ce fut bien fait, et je n'ai garde de m'en plaindre.

A quelque temps de là, pour un acte pareil, qui semblait récidive, on me remit en jugement. Le procureur du roi, défenseur vigilant de la morale publique ; demandait contre moi treize mois de prison et mille écus d'amende. Le cas parut aux juges seu lement répréhensible, et ils me renvoyèrent blâmé, mais moins coupable que la première fois. On ne peut devenir tout-à-coup homme de bien. Voilà, Monsieur, la vérité que vous devez à vos lecteurs, au sujet de mes démêlés avec la justice.

Mais sur un autre point, vous me chagrinez fort, en me prêtant des termes et des façons de dire dont je n'usai jamais. Selon vous, je me plains de certaines brochures imprimées sous mon nom, dans l'étranger, dites-vous, et vous notez ces mots : Monsieur, excusez-moi, je n'ai pas dit ainsi; vous êtes de la Cour et parlez comme vous voulez, avec pleine licence et

liberté entière. Nous, gens de village, sommes tenus de parler français, pour n'être point repris, et nous disons qu'une brochure s'imprime en pays étranger. Du moins, c'est ainsi qu'on s'exprime généralement à Larçai, Cormeri, Ambillou, Montbazon et autres lieux que je fréquente.

Vous changez encore mes paroles quand vous me faites dire, Monsieur, qu'il y a un prince dont les sentiments me sont connus; à moi vigneron! y pensez-vous? Corrigez cela s'il vous plaît, et de vos quatre mots n'en effacez pas trois, comme le veut Boileau, mais un; et vous direz, en toute vérité, que les sentiments de ce prince sont connus; c'est-à-dire, publics, et que personne ne les ignore. Il croit, par exemple, que les princes sont faits pour les peuples et non les peuples pour les princes; sentiment moins bizarre que vous ne l'imaginez, vous autres courtisans. Il n'est ni le premier, ni seul de sa maison à penser de la sorte, si les bruits en sont vrais.

Êtes-vous plus exact et mieux instruit, Monsieur, quand vous nous assurez que monsieur le duc d'Orléans part pour l'Angleterre ? J'ai foi à vos discours où le mensonge n'entre point, le ciel n'est pas plus pur...... Mais à ceci je vois bien peu de vraisemblance. On sait, et c'est encore une chose connue, qu'il aime son pays, n'en sort pas volontiers, ayant pour cela moins de raisons qu'en aucun temps, comme vous dites, lorsqu'il voit une guerre d'abord mal entreprise......., être heureusement terminée.

Rare bonheur si, en effet, elle est terminée sans qu'il nous en coûte autre chose que des millions et quelques hommes. L'état-major est sain et sauf........

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