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loi est établie pour eux, contre eux serait plutôt le mot. En vertu de cette loi qu'on appelle alien-bill, si je faisais là quelque sottise, comme de courir avec une meute à travers vignes et guérets (il n'y a point de vignes, je le sais bien, faute de soleil, en Angleterre; mais je parle par supposition), si je commettais là de semblables dégats, d'abord on me punirait d'une peine arbitraire, selon le bon plaisir du juge, puis je serais banni du royaume, ou, pour mieux dire, déporté ; cela s'exécute militairement. L'étranger qui se conduit mal ou déplaît, on le prend, on le mène au port le plus proche, on l'embarque sur le premier bâtiment prêt à faire voile, qui le jette sur la première côte où il aborde. Voilà comme on me traiterait si j'allais chasser sur les terres de M. Fischer, ou même, sans que j'eusse chassé, si M. Fischer témoignait n'être pas content de moi dans son pays. Pour un même délit on distingue les étrangers des nationaux; on ne punit point l'un comme l'autre. Et quoi de plus juste en effet? Puis-je, avec mon hôte, en user comme je ferais avec mes enfants? Si mon hôte casse mes vitres, je les lui fais payer, je le bats, je le chasse; mon fils, je le gronde seulement. Vous comprenez la différence, grande sans doute, et cette loi admirable de l'alien-bill que je voudrais voir appliquée à M. Fis cher, non pas les nôtres, faites pour nous. De notre part, ce serait justice, réciprocité, représailles; non pas le faire jouir avec nous des bénéfices d'une société dont il ne supporte aucune charge. Soyons, si vous voulez, plus polis que les Anglais, afin de conserver le caractère national; ne chassons pas M. Fis

cher. Sans l'embarquer ni le conduire où peut-être il n'aurait que faire, prions-le de s'en aller et ne point revenir; enfin, délivrons-nous de lui, qui trouble l'ordre de céans. Si vos pouvoirs, Messieurs, ne s'étendent pas jusque-là, c'est un grand mal, et c'est le cas de demander une loi exprès. J'en veux bien faire la pétition au nom de toutes nos communes, et m'offre pour cela volontiers, quelque dangers qu'il puisse y avoir, comme je le sais par expérience, à user de ce droit aujourd'hui.

J'avais ce discours dans ma poche, et l'aurai lu au tribunal sans y changer une syllabe; car lorsqu'il faut improviser, j'appelle mon ami Berville; mais comme je montais l'escalier, plus animé, plus échauffé que je ne le fus jamais, l'Anglais vint à moi, me parla, me fit parler par des personnes auxquelles on ne peut rien refuser. Que voulez-vous? Ma foi, Monsieur, l'affaire en est demeurée là. J'en suis fâché, lorsque j'y pense, car enfin l'intérêt de toute la commune a cédé, en cette rencontre, aux recommandations, sollicitations de femines, d'amis, que sais-je ? C'est, je crois, la première fois que cela soit arrivé en France, et sans doute, ce sera la dernière.

Je suis, Monsieur, etc.

COURIER FRANÇAIS. 4 octobre 1823.

A monsieur le Rédacteur du Courier Français.

MONSIEUR,

Dans une brochure publiée sous mon nom en pays étranger, on attaque des gens que je ne connais point et d'autres que j'honore. L'imposture est visible; peu de personnes, je crois, y ont été trompées. Cependant je vous prie, à telle fin que de raison, de vouloir bien déclarer que cet écrit n'est pas de moi. On y parle des grands, ce que je ne fais point sans quelque nécessité; on y blâme le gouvernement d'actes, selon moi, pernicieux. En ce sens je pourais être auteur de la brochure: mais on blâme en ennemi, ce n'est pas ma manière; je suis aussi loin de haïr que d'approuver le gouvernement dans la marche qu'il suit; je n'en espère pas de sitôt un meilleur, et le crois moins mauvais que ceux qui l'ont précédé.

Annoncez, je vous prie, ma traduction de Longus, qui s'imprime à présent, corrigée, terminée : c'est un joli ouvrage, un petit poème en prose, où il s'agit de moutons, de bergers, de gazons; la première édition fut saisie à Florence par ordre de l'empereur Napoléon-le-Grand : j'imprimai le grec à Rome, il fut saisi de même. Revenu à Paris, quand il n'y eut plus d'empereur, et toujours occupé de Chloé, de ses brebis, je retouchais ma version, lorsqu'on me mit en prison à Sainte-Pélagie: ce fut là que je fis ma seconde édition, la troisième va bientôt paraître chez

Merlin, quai des Augustins, beau papier, impression

de Didot.

J'ai l'honneur, etc.

CONSTITUTIONNEL. - 8 octobre 1823.

A monsieur le Rédacteur du Constitutionnel.

MONSIEUR,

Parlez un peu, je vous prie, dans vos feuilles, de ma belle traduction d'Hérodote, fort belle suivant mon opinion. Des personnes habiles, sur un premier essai qui parut l'an passé, en ont dit leur avis, qui n'est pas tout-à-fait d'accord avec le mien. Je leur réponds aujourd'hui par un autre fragment traduit du même auteur, avec une préface où je défends ma méthode, expose mes principes, montrant d'une façon claire et incontestable, que j'ai raison contre la critique, dont pourtant je tâche de profiter: croire -conseil est ma devise.

Annoncez l'édition des Cent nouvelles nouvelles, à laquelle je travaille avec M. Merlin, jeune libraire instruit, qui m'est d'un grand secours, soit pour la collation des premiers imprimés et des vieux manuscrits, soit dans les recherches qu'exigent ma préface et mes notes: mes notes font un volume. J'essaie sur ce texte de comparer nos mœurs à celles de nos pères; matière délicate, sujet intéressant, où il est mal aisé de contenter tout le monde.

Qui vous empêcherait de dire un mot en passant de ma traduction de Longus corrigée, terminée enfin selon mon petit pouvoir? Elle se vend chez Merlin, et celle-là, Monsieur, on ne l'a point critiqué; mais on a fait bien pis, on l'a persécutée. La première édition fut saisie à Florence; je fis la seconde en prison à Sainte-Pélagie; la troisième va paraître.

A propos de prison et de Sainte-Pélagie, vous pourriez dire encore que je n'ai aucune part à certaines brochures qui mènent là tout droit, imprimées sous mon nom en pays étranger. On y parle d'un prince dont certes je n'oserais faire un éloge public, bien que sa vie, ses mœurs, ses sentiments connus, méritent à mon gré toute sorte de louanges; mais c'est le grand chemin de Sainte-Pélagie, et j'en sais des nouvelles. Dans ces écrits on blâme des choses sur lesquelles je dis peu ma pensée, parce qu'il y a du danger; et quand je veux la dire, j'emploie d'autres termes. Je puis blâmer quelquefois, mais non pas en ennemi, ce que fait le gouvernement, dont, en un certain sens, je suis toujours content; car c'est Dieu qui gouverne, ce ne sont pas les hommes. Ainsi le monde est bien, et tout va pour le mieux quand je ne suis pas en prison.

Agréez! etc.

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