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manqué pour la paie de vos soldats qui ne se seraient pas révoltés; il ne m'eût point fallu envoyer à votre aide et dépenser à vous tirer de cet embarras, cinq cents beaux millions, mon Cousin, non que je veuille vous les reprocher; c'est une bagatelle, un rien; en-tre parents tout est commun; l'argent et le sang de mes sujets vous appartient comme à moi; ne vous en faites faute au besoin. Je vous rétablirai dix fois, s'il est nécessaire, sans m'incommoder le moins du monde, sans qu'il vous en coûte une obole. Je ne vous demanderai point les frais comme on m'a fait. C'est une vilenie de mes alliés. Au contraire, en vous restaurant je vous donnerai de l'argent, ainsi qu'à vos sujets, tant que vous en voudrez. J'en donne à tout le monde, et je paie partout; j'ai payé ma restauration; je paierai encore la vôtre, parce que j'ai beaucoup d'argent et beaucoup de complaisance aussi. pour les souverains étrangers, qui m'empêchent de recevoir la loi de mon peuple. Je les paie quand ils viennent ici; je vous paie, vous, quand je vais chez vous. Occupé, occupant je païe l'occupation. J'ai payé Sacken et Platow. Je paie Morillo, Balesteros; je paie les cabinets, les puissances; je paie les Cortès, la Régence; je paie les Suisses; j'ai encore, tous ces gens-là payés, de quoi entretenir, non-seulement ma garde, une maison ici qu'on trouve assez passable, et bien autre que celle de mon prédécesseur, mais de plus, des maîtresses qui naturellement me coûtent quelque chose. Le budget suffit à tout, et voilà ce que c'est que ce représentatif dont là-bas vous vous faites une peur. Sottise, enfance, mon Cousin, il n'est rien de meilleur au monde.””

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Pour monter cette machine chez vous et la mettre en mouvement, sans le moindre danger de vos royales personnes, je vous enverrai, si vous voulez, le sieur de Villèle, homme admirable, ou quelque autre de nos amés, avec une vingtaine de préfets. Fiez-vous à eux; en moins de rien ils vous auront organisé Chambres et un ministère, derrière lequel vous dormirez, pendant qu'on vous fera de l'argent. Vous aurez, de la haute sphère où nous sommes placés, comme dit Foy, le passe-temps de leurs débats, chose la plus drôle du monde, vrai tapage de chiens et de chats qui se battent dans la rue pour des bribes. Quand leurs criailleries deviennent incommode, on fait jeter quelques scaux d'eau, dès que le budget est voté.

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Octroyez, mon Cousin, octroyez une Charte constitutionnelle et tout ce qui s'ensuit, droit d'élection, jury, liberté de la presse; accordez et ne vous embarrassez de rien, surtout ne manquez pas d'y fourrer une nouvelle noblesse que vous mêlerez, avec l'ancienne, autre espèce d'amusement qui vous tiendra en bonne humeur et en santé, long-temps. Sans cela, aux Tuileries nous péririons d'ennui. Quand vous aurez traité avec vos Liberales, sous la garantie des puissances, et juré l'oubli du passé à tous ces révolutionnaires, faites en pendre cinq ou six, aussitôt après l'amnistie, et faites les autres ducs et pairs, particulièrement s'il y en a qu'on ait vu porte balles ou valets d'écurie; des avocats des écrivains, des philosophes bien, amoureux de l'égalité; chargez-les de cordons; couvrez-les de vieux titres, de nouveaux parchemins; puis regardez, je vous défie de prendre du chagrin,

lorsque vous verrez ces gens-là parmi vos Sanches et vos Gusmans, armoirier leurs équipages, écarteler leurs écussons : c'est proprement la petite pièce d'une révolution; c'est une comédie dont on ne se lasse point et qui pour vos sujets deviendra comme un carnaval perpétuel.

J'ai à vous dire bien d'autres choses que pour le présent je remets, priant Dieu sur ce, mon Cousin, qu'il vous ait en sa sainte garde.

Signé, LOUIS.

Plus bas : DE VILLÈLE.

Pour copie conforme,

Paul-Louis COURIER,

VIGNERON.

COLLECTION

DE LETTRES ET ARTICLES

PUBLIÉS DANS DIFFÉRENTS JOURNAUX.

COURIER FRANÇAIS. — 23 mai 1822.

Lettre en réponse à un article du Drapeau Blanc, inséré dans le numéro du 14 mai 1822.

Au Rédacteur du Drapeau Blanc.

MONSIEUR,

Je lis dans votre journal qu'aux élections de Chinon, M. le marquis d'Effiat a obtenu deux cent vingt voix, et que son concurrent (c'est moi sans vanité que vous nommez ainsi) en a eu cent soixante. Cela peut être vrai, je ne le conteste point; j'aime mieux m'en rapporter, comme vous avez fait, aux scrutateurs choisis par M. le marquis mais de grâce, corrigez cette façon de parler. Je ne fus concurrent de personne à Chinon, n'ayant nulle part concouru, que je sache, avec qui que ce soit: je n'ai demandé ni sou

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