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Que faudrait-il qu'il fit à présent? Qu'il mourut, afin de ne point déchoir.

-D'Arlincourt est venu à la cour, et a dit: Voilà mon Solitaire et mes autres romans, qui n'en dorvent guères au Christianisme de Châteaubriand. Mon galimathias vaut le sien; faites-moi conseiller-d'état au moins. On ne l'a pas écouté. De rage il quitte le parti, et se fait libéral. C'est le maréchal d'Hocquincourt, jésuite ou janseniste, selon l'humeur de sa maîtresse, et l'accueil qu'il reçoit au Louvre.

-Ravez maudit son sort, se donne à tous les diables. Il a fait ce qu'il a pu, dans l'affaire de Manuel, pour contenter le parti jésuite. Il n'a point réussi. Ceux qu'il sert lui reprochent de s'y être mal pris, disent que c'est un sot, qu'il devait éviter l'esclandré, et qu'avec un peu de prévoyance, il eût empêché l'homme d'entrer, ou l'eût fait sortir sans vacarme. Fâcheuse condition que celle d'un valet! Sosie l'a dit; les maîtres ne sont jamais contents. Ravez veut trop bien faire. Hyde de Neuville va mieux; et l'entend à merveille. Je vois, je vois là-bas les ministres de mon roi. Il a son roi comme Pardessus : Mon roi m'a pardonné. Voilà le vrai dévouement. Le dévouement doit être toujours un peu idiot. Cela plaît bien plus à un maître, que ces gens qui tranchent dú capable.

➡Serons-nous capucins, ne le serons-nous pas ? Voilà aujourd'hui la question. Nous disions hier: Serons-nous les maîtres du monde?

Ce matin, me promenant dans le Palais-Royal, M.....rd passe, et me dit: Prends garde, PaulLouis, prends garde; les cagots te feront assassiner.

Quelle garde veux-tu, lúi dis-je, que je prenne? Ils ont fait tuer des rois; ils ont manqué frère Paul, l'autre Paul à Venise, Fra Paolo Sarpi. Mais il l'échappa belle.

Fabvier me disait un jour: Vos phraseurs gåtent tout voulant être applaudis, ils mettent leur esprit à la place du bon sens que le peuple entendrait. Le peuple n'entend point la pompeuse élo→ quence, les longs raisonnements. Il vous paraît, lui dis-je, aisé de faire un discours pour le peuple; vous croyez le bon sens une chose commune et facile à bien exprimer.

-Le vicomté de Foucault nous parle de sa race. Ses ancêtres, dit-il, commandaient à la guerre. Il cite leurs batailles et leurs actions d'éclat. Mais la postérité d' Alphane et de Bayard, quand ce n'est qu'un gendarme aux ordres du préfet, ma foi, c'est peu de chose. Le vicomte de Foucault ne gagne point de batailles ; il empoigne les gens. Ces nobles ne pouvant être valets de cour, se font archers ou geôliers. Tous les gardes-du-corps veulent être gen→ darmes.

-Les Mémoires de madame Campan méritent peu de confiance. Faits pour la cour de Bonaparte, qui avait besoin de leçons, ils ont été révus depuis par des personnes intéressées à les altérer. L'auteur voit tout dans l'étiquette, et attribue le renversement do la monarchie à l'oubli du cérémoniál. Bien des gens sont de cet avis. Henri II fonda l'étiquette, et cependant fut assassiné. On négligea quelque chose apparemment ce jour-là. L'étiquette rend les rois esclaves de la cour.

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Dans ces Mémoires il est dit qu'une fille de garderobe, sous madame Campan, femme-de-chambre, avait dix-huit mille francs de traitement; c'est trentesix mille d'aujourd'hui. Aussi tout le monde voulait être de la garde-robe. Que de gens encore passent leur vie à espérer de tels emplois! Montaigne quelque part se moque de ceux qui, de son temps, s'adonnaient à l'agriculture, et à ce qu'il appelle ménage domestique. Allez, disait-il, chez les rois, si vous voulez vous enrichir, Et Démosthènes : Les rois, dit"il, font l'homme riche en un moment, et d'un seul mot; chez vous, Athéniens, cela ne se peut, et il faut travailler ou hériter. Qu'on mette à Genève un roi avec un gros budget, chacun quittera l'horlogerie pour la garde-robe; et, comme les valets du prince ont des valets, qui eux-mêmes en ont d'autres, un peuple se fait laquais. De là l'oisiveté, la bassesse, tous les vices, et une charmante société. :

I

Madame Campan fait de la reine un modèle de toute vertu ; mais elle en parlait autrement, et l'on voit dans O'Meara ce qu'elle en disait à Bonaparte; comme, par exemple, que la reine avait un homme dans son lit, la nuit du 5. au 6 octobre, et que cet homme en se sauvant, perdit ses chausses, qui furent trouvées par elle, madame Campan. Cette histoire est un peu suspecte. M. de la Fayette né la croit point. Bonaparte a menti, ou madame Campan.

Elle écrit mal et ne vaut pas madame de Motteville, qui était aussi femme-de-chambre. Madame du Hausset, autre femme-de-chambre, va paraître. On imprime ses Mémoires très-curieux. Ce sont là les vrais historiens de la monarchie légitime.

2.

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Quelqu'un montre une lettre de M. Arguelles où sont ces propres mots : Votre roi nous menace ; il veut nous envoyer un prince et cent mille hommes pour régler nos affaires selon le droit divin. Voici notre réponse: Qu'il exécute la Charte où nous lui enverrons Mina avec dix mille hommes et le drapeau tricolore; qu'il chasse ses émigrés et ses vils; courtisans, parce que nous craignons la contagion morale..

Horace va faire un tableau de la scène de Manuel. Mais quel moment chosira-t-il ? celui où Foucault dit: Empoignez le Député, ou bien quand le sergent refuse? J'aimerais mieux ceci. Car, outre que le mot empoignez ne se peut peindre (grand dommage sans doute), il y aurait là deux ignobles personnages, Foucault et le président, qui à dire vrai n'y était pas, mais auquel on penserait toujours. Dans cette composition, l'odieux dominerait, et cela ne saurait plaire, quoiqu'en dise Boileau. L'instant du refus, au contraire, offre deux caractères nobles, Manuel et le sergent qui tous deux intéressent, non pas au même degré, mais de la même manière et par le plus bel acte dont l'homme soit capable, résister au pouvoir. De pareils traits sont rares; il faut les recueillir et les représenter, les recommander au peuple. D'autre part, on peut dire aussi que Manuel, Foucault, ses gendarmes donneraient beaucoup à penser, et le président derrière la toile; car il est des objets que l'art judicieux........ La constance de Manuel et la bassesse des autres formeraient un contraste; ceux-ci servant des maîtres et calculant d'avance le profit, la récompense toujours proportion

née à l'infamie de l'action; celui-là se proposant l'approbation publique et la gloire à venir.

Lés fournisseurs de l'armée sont tous bons gentilshommes et des premières familles. Il faut faire des preuves pour entrer dans la viande ou dans la partie des souliers. Les femmes y ont de gros intérêts; les maîtresses, les amants partagent; comtesses, duchesses, barons, marquis, on leur fait à tous bon marché des subsistances du soldat. La noblesse autrefois se ruinait à la guerre, maintenant s'enrichit et spécule très-bien sur la fidélité.

Les bateaux venus de Strasbourg à Bayonne par le roulage, conteront de port cent vingt mille francs et seront trois mois en chemin. Construits en un mois à Bayonne, ils eussent coûté quarante mille francs. Les munitions qu'on expédie de Brest à Bayonne, par terre, iraient par mer sans aucuns frais.. Mais il y a une compagnie des transports par terre, dans laquelle des gens de la cour sont intéressés, et l'on préfère ce moyen. Il faut relever d'anciennes familles qui relevront la monarchic si elle culbute en Espagne.

- Les parvenus imitent les gens de bonne maison. Victor, sa femme, son fils, prennent argent de toutes mains. On parle de pots-de-vins de cinquante mille écus. Tout s'adjuge à huis-clos, et sans publication. Ainsi se prépare une campagne à la manière de l'ancien régime. Cependant Marcellus danse avec miss Canning.

La guerre va se faire enfin malgré tout le monde. Madame ne le veut pas. Madame du Cayla Ŷ paraît fort contraire. Mademoiselle ayant consulté

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