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ché, crapuleux, semblable à la cour, mais en laid. Afin de le corrompre, on le peint corrompu. L'adultère est le sujet ordinaire de ces estampes. C'est un mari avec sa femme sur un lit et le galant dessous, ou bien le galant dessus et le mari dessous. Des paroles expliquent cela. Dans une autre, le mari lorgnant par la serrure, voit les ébats de sa femme, scène de Variétés. Ce théâtre aura bientôt le privilége exclusif d'en représenter de pareilles. Il jouera seul les pièces qu'on appelle grivoises, c'est-à-dire sales, dégoûtantes, comme la Marchande de goujons. Les censeurs ont soin d'en ôter tout ce qui pourrait inspirer un sentiment généreux. La pièce est bonne, pourvu qu'il n'y soit point question de liberté, d'amour du pays; elle est excellente, s'il y a des rendez-vous de charmantes femmes avec de charmants militaires, qui battent leurs valets, chassent leurs créanciers, escroquent leurs parents; c'est le bel air qu'on recommande. Corrompre le peuple est l'affaire, la grande affaire maintenant. A l'église et dans les écoles on lui enseigne l'hyprocrisie, au théâtre l'ancien régime et toutes ses ordures. On lui tient prêtes des maisons où il va pratiquer ces leçons.

En Angleterre tout au contraire, les caricatures et les farces se font contre les grandes livrées, à la risée du peuple, qui conserve ses mœurs et corrige la cour.

Un homme que j'ai vu arrivé d'Amérique. Il y est resté trois ans sans entendre parler de ce que nous appelons ici l'autorité. Nul ne lui a demandé son nom, sa qualité, ni ce qu'il venait faire, ni d'où, ni pourquoi, ni comment. Il a vécu trois ans sans être

gouverné, s'ennuyant à périr. Il n'y a point là de salons. Se passer de salons, impossible aux Français, peuple éminemment courtisan. La cour s'étend partout en France; le premier des besoins c'est de faire sa cour. Tel brave à la tribune les grands, les potentats, et le soir devant.......... s'incline profondément, n'ose s'asseoir chez......... qui lui frappe sur l'épaule et l'appelle mon cher. Que de maux naissent, dit Labruyère, de ne pouvoir être seul.

-A Boulogne-sur-Mer, M. Léon de Chanlaire avait établi une école d'enseignement mutuel, dans une salle bâtie par lui exprès avec beaucoup de dépenses. Là, trois cents enfants apprenaient l'arithmétique et le dessein. Les riches payaient pour les pauvres, et de ceux-ci cinquante se trouvaient habillés sur la rétribution des autres; tout allait le mieux du monde. Ces enfants s'instruisaient et n'étaient point fouettés. Les frères ignorantins qui fouettent et n'instruisent pas, ont fait fermer l'école, et de plus ont demandé que la salle de M. Chanlaire leur fut donnée par les jésuites, maîtres de tout. Chanlaire est accouru ici pour parler aux jésuites et défendre son bien. (Nota, que toute affaire se décide à Paris; les provinces sont traitées comme pays conquis); il va voir Frayssinous qui lui répond ces mots : Ce que j'ai décidé, nulle puissance au monde ne le saurait changer. Paroles mémorables et dignes seulement d'Alexandre ou de lui.

Tous ces célibataires fouettant les petits garçons et confessant les filles, me sont un peu suspects. Je voudrais que les confesseurs fussent au moins mariés; mais les frères fouetteurs, il faudrait, sauf meil

leur avis, les mettre aux galères, ce me semble. Ils cassent les bras aux enfants qui ne se laissent point fouetter. On a vu cela dans les journaux de la se→ maine passéc. Quelle rage! Flagellandi tàm dira cupido.

- Un Anglais m'a dit : Nos ministres ne valent pas mieux que les vôtres. Ils corrompent la nation par le gouvernement, récompensent la bassesse, punissent toute espèce de générosité. Ils font de fausses conspirations, où ils mettent ceux qui leur déplaisent, puis de faux jurys pour juger ces conspirations. C'est tout comme chez vous. Mais il n'y a point de police. Voilà la différence.

Grande; très-grande cette différence, à l'avantage de l'Anglais. La police est le plus puissant de tous les moyens inventés pour rendre un peuple vil et làche. Quel courage peut avoir l'homme élevé dans la peur des gendarmes, n'osant ni parler haut, ni bouger sans passeport, à qui tout est espion, et qui craint que son ombre le prenne au colet?

Pour faire fuir nos conscrits, les Epagnols n'ont qu'à s'habiller en gendarmes.

Quand Marchangy voulut parler aux députés, il fut tout étonné de se voir contredit et perdit la tête d'abord. Il lui échappa de dire, croyant être au palais: Qu'on le raie du tableau; en prison les perturbateurs; M. le président, nous vous requérons....... Plaisante chose qu'un Marchangy à la tribune, sans robe et sans bonnet carré; mais avec son bonnet...... Jefferies, Laubardemont! Il sera, dit-on, réélu et songe à exclure les indignes.

Les journaux de la cour insultent le duc d'Or

léans. On le hait; on le craint; on veut le faire voyager. Le roi lui disait l'autre jour: Eh bien, M. le duc d'Orléans, vous allez donc en Italie? Non pas, Sire, que je sache. Mon Dieu si, vous y allez; c'est moi qui vous le dis, et vous m'entendez bien. Non, Sire, je n'entends point, et je ne quitté la France que quand je ne puis faire autrement.

- Ce d'Effiát, député en ma place, est petit-fils de Ruzé d'Effiat qui donna de l'eau dé chicorée à Madame Henriette d'Angleterre. Leur fortune vient de là. Monsieur récompensa ce serviteur fidèle. Monsieur vivait avec le chevalier de Lorraine, que Madame n'aimait pas. Le ménage était donc troublé. d'Effiat arrangea tout avec l'eau de chicorée. Monsieur, depuis ce temps, eut toujours du contre-poison dans sa poche, et d'Effiat le lui fournissait. Ce sont là de ces services que les grands n'oublient point, et qui élèvent une famille noble. Mon remplaçant n'est pas un homme à donner aux princes, ni poison, ni contre-poison; il ferait quelques quiproquo. C'est une espèce d'imbécille qui sert la messe, et communie le plus souvent qu'il peut. Il n'avait, diton, que cinquante voix dans le collége électoral: ses scrutateurs ont fait le reste. J'en avais deux cent vingt

connues.

L'empereur Alexandre a dit à M. de Châteaubriand: Pour l'intérêt de mon peuple et de ma religion, je devais faire la guerre au Turc; mais j'ai cru voir qu'il s'agissait de révolution entre la guerre et le Turc je n'ai point fait la guerre. J'aime bien moins mon peuple et ma religion, que je ne hais la révolution, qui est proprement ma bête noire. Je me

réjouis que vous soyez venu; je voulais vous conter cela. Quelle confidence d'un empereur! Et le romancier qui publie cette confidence! Tout dans son discours est bizarre.

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Il entend sortir les paroles de la bouche de l'empereur. On entend sortir un carrosse ou des chevaux de l'écurie; mais qui diantre entendit jamais sortir des paroles? Et que ne dit-il : Je les ai vu sortir, ces paroles, de la bouche de mon bon ami qui a huit cent mille homme sur pied? cela serait plus positif, et l'on douterait moins de sa haute faveur à la cour de Russie.

Notez qu'il avait lu cette belle pièce aux dames; et quand on lui parla d'en retrancher quelque chose, avant de la lire à la Chambre, il n'en voulut: rien faire, se fondant sur l'approbation de madame Réçamier. Or, dites maintenant qu'il n'y a rien de nouyeau. Avait-on vu cela? Nous citons les Anglais : Est-ce que M. Canning, voulant parler aux Chambres, de la paix, de la guerre, consulte les ladys, les mistriss de la cité?

Les gens de lettres, en général, dans les emplois, perdent leur talent, et n'apprennent point les affaires. Bolinbroke se repentit d'avoir appelé près de lui Addisson et Steele.

Socrate, avant Boissy d'Anglas, refusa, áù péril de sa vie, de mettre aux voix du peuple assemblé une proposition illégale. Ravez n'a point lu cela; car il cût fait de même dans l'affaire de Manuel. Il est vrai que Socrate, président les tributs, n'avait ni traitement de la cour, ni gendarmerie à ses ordres. Manuel a été grand quatre jours; c'est beaucoup.

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