Page images
PDF
EPUB

et ne peut être que Smerdis ton frère se révolte aujourd'hui, ni que jamais il ait querelle avec toi, grande ni petite; car moi-même ayant fait comme tu commandais, l'ai enseveli de mes propres mains: si à présent les morts reviennent, attends-toi de voir revenir aussi le Mède Astyagès; mais il s'en va comme devant et selon l'ordre de nature, oncques de luj nulle nouveauté ne s'élèvera contre toi. Or, à cette heure, mon avis est qu'il convient appeler le héraut, afin de savoir par quel ordre il nous vient ici proclamer obéissance au roi Smerdis. »

Ainsi fut fait, la chose approuvée par Cambyse, le héraut mandé arriva, et venu Prexaspès l'inter roge: «< Homme qui te dis messager de Smerdis, fils de Cyrus, confesse ici la vérité et tu t'en iras sans nul mal; est-ce lui Smerdis, qui présent à tes yeux, t'a donné cet ordre, ou quelqu'un de ses serviteurs ?» L'autre répond: « Je n'ai point vu, depuis que le roi Cambyse est parti pour l'Egypte, Smerdis fils de Cyrus; le mage que Cambyse a laissé pour gouverneur de sa maison, m'a dépêché ici, disant que c'était Smerdis fils de Cyrus, qui me commandait de parler à vous comme j'ai fait. » Cambyse alors: « Prexaspès, en homme de bien tu as fait mon commandement, et partant tu es sans reproche; mais qui donc est celui des Perses qui se rebelle contre moi, usurpant le nom de Smerdis?» Lui à cela repart: « Je pense deviner, ô roi, ce qui se passe; les révoltés, ce sont les mages, celui que tu laissas gouverneur de ta

maison et son frère Smerdis. »

Alors que Cambyse entendit le nom de Smerdis, lors le frappa la vérité, tant de ce discours que du

songe où il avait cru recevoir nouvelles de Smerdis assis sur le siége royal, et qui de sa tête touchait le ciel. Connaissant donc que sans raison il avait fait mourir son frère, il pleura Smerdis, et le pleurant, se déconfortant du malheur de toute cette aventure, il saute sur son cheval en délibération de marcher promptement contre le mage à Suses; et comme il sauta sur le cheval, du fourreau de son sabre tombe le champignon, le sabre nud le blesse à la cuisse; ainsi atteint au même endroit où il avait été blessé, le dicu d'Egypte Apis, sentant sa plaie mortelle, s'enquit.comment s'appelait la ville: on lui dit Ecbatane. Un oracle jadis lui était venu de Buto, qu'il finirait sa vie à Ecbatane, pourquoi il pensait devoir mourir vieux à Ecbatane en Médie, où étaient toutes ses affaires; mais alors on vit bien que l'oracle entendait Ecbatane de Syrie; et comme Cambyse cut appris le nom de la ville où il était, l'aventure du mage et sa blessure l'ayant étonné vivement, sa raison s'en trouva remise, et comprenant la prédiction, il dit : << Ici s'en va mourir Cambyse fils de Cyrus. » Ce fut tout pour lors, mais au bout de quelques vingt jours, ayant mandé près de lui tous les plus apparents des Perses, il leur dit :

<< Force m'est à cette heure, ô Perses, de déclarer devant vous la chose que plus je voulais tenir cachée; car étant en Egypte, j'eus en songe une vision, cause de mon malheur; il me fut avis que je voyais un messager venu de chez moi, m'annoncer que Smerdis assis sur le siége royal, touchait de sa tête le ciel ; pourquoi appréhendant que mon frère ne m'ôtât l'empire, je fis plus vite que sagement. Aussi ne peut

l'humaine faiblesse détourner le mal à venir. Insensé lors, j'envoie à Suses Prexaspès tuer Smerdis, et après un si grand méfait, je vivais sans peur; ne pensant pas que jamais personne, lui mort, se pût soulever contre moi; mais ayant failli à comprendre ce qui m'était prédit, je fus mal à propos meurtrier de mon frère et n'en perds pas moins mon empire; car c'était le mage Smerdis que la divinité me montrait dans

cette vision se devoir contre moi rebeller. La chose est faite toutefois, et comptez que vous n'avez plus le fils de Cyrus Smerdis; mais ce sont les mages qui règnent, c'est un que je laissai gouverneur de ma maison, et son frère Smerdis. Celui qui maintenant saurait les punir et venger ma honte, a misérablement péri par ses plus proches! lui n'étant plus, ceci me reste à vous recommander, ô Perses, chose nécessaire et que je veux qui s'exécute après ma mort; je vous l'enjoins exprès au nom des dieux royaux, à vous tous, et à ceux surtout des Archiminides qui se trouvent ici présents; ne laissez pas la souveraineté retourner aux Mèdes; que s'ils l'ont usurpée par ruse, il faut par ruse la leur ôter, ou si la force les soutient, force plus grande les doit abattre. Faites ces choses, et ainsi puisse la terre vous donner tous ses fruits, vos femmes, vos brebis engendrer, vous étant libres à jamais; que si vous ne reprenez l'empire ou n'y faites du moins vos efforts, je vous veux et voue le contraire de tous ces biens, et davantage que puissent avoir tous les Perses, une fin pareille à la mienne.» Cambyse en disant ces paroles, déplorait son sort, et les Perses, quand ils virent le roi pleurer, se mirent tous à déchirer ce qu'ils avaient sur eux d'habits, et

se lamenter sans mesure. Ensuite l'os s'étant carié, la cuisse fut tantôt pourrie et le mal emporta Cambyse fils de Cyrus, après un règne de sept ans et cinq mois en tout, n'ayant lignée d'enfants ni mâle ni femelle. Les Perses là presents entrèrent en méfiance, et doutaient que vraiment les mages fussent devenus maîtres des affaires, soupçonnant Cambyse de dire à mauvais dessein ce qu'il disait de la mort de Smerdis, pour soulever contre lui la Perse. Eux tous tenaient pour assuré que c'était Smerdis fils de Cyrus qui se déclarait roi; car Prexaspès niait fortement avoir tué Smerdis, car il n'eût pas fait sûr pour lui, Cambyse mort, de confesser que le fils de Cyrus avait péri de

sa main.

Le mage donc après que Cambyse fut mort, régna paisiblement, profitant du nom qu'il avait le même que Smerdis fils de Cyrus, pendant les sept mois qui restaient à remplir les huit ans de Cambyse, durant lesquels il fit tant de bien, qu'à sa mort tout le monde en Asie le regretta, hormis les Perses; car envoyant de tous côtés aux nations qu'il gouvernait, il publia une exemption de milice et d'impôts pour trois ans : le mage fit cette publication aussitôt son avénement, mais il fut au huitième mois reconnu en cette manière.

Otanès était fils de Pharnaspès, par sa naissance et ses richesses égal aux plus grands de la Perse. Le premier de tous, cet Otanès soupçonna Smerdis de n'être pas le fils de Cyrus, mais bien celui qu'il était de fait, remarquant qu'il ne sortait point de la citadelle, ni jamais n'appelait à le voir aucun des notables Persans. Sur ce soupçon voici qu'il fit une fille à lui, nommée Phédyme, avait été femme de Cambyse;

:

et lors était au mage qui vivait avec elle, comme aussi avec toutes les femmes de Cambyse; Otanès envoyant devers cette sienne fille, lui fit demander près de qui elle couchait coutumierement, si c'était Smerdis fils de Cyrus, ou quelqu'autre. Elle lui renvoya disant qu'elle ne savait, n'avait conques vu le fils de Cyrus, ni lors ne connaissait qui était son mari. Le père, par un autre message, lui repart : Si tu ne connais Smerdis fils de Cyrus, saches d'Atossa quel est l'homme avec qui toutes deux vous demeurez', elle et toi, car sans faute elle connaît son frère. A cela sa fille renvoie : Je ne puis ni voir Atossa, ni parler à nulle des femines qui sont enfermées, quant et moi; car cet homme-ci, quel qu'il soit, dès le premier moment qu'il prit la royauté, nous dispersa, logeant l'une ici, l'autre là. Cette réponse ouïe, Otanès dès-lors comprit ce que c'était, et devers elle envoie un troisième message, disant ainsi : Comme bien née, tu dois, ma fille, faire ce qu'ordonne ton père, quelque péril qu'il y puisse avoir; car s'il n'est le fils de Cyrus, Smerdis, mais celui que je pense, couchant avec toi et prenant pouvoir sur les Perses, qu'il n'en ait pas long-temps la joie, mais soit puni comme il mérite; toi donc à présent fais ceci : quand tu seras au lit avec lui et le sentiras endormi, tâte à ses oreilles; si tu le trouve ayant des oreilles assure-toi que tu habites avec Smerdis fils de Cyrus; s'il n'en a, c'est le mage Smerdis. Phédyme là-dessus renvoie, disant que le péril est grand à telle chose faire, car si lui n'ayant point d'oreilles se sent toucher à cet endroit, elle sait qu'il la détruira, que toutefois elle le fera. Ainsi promit-elle à son père d'exécuter ce qu'il voulait. Cambyse régnant avait fait, pour quelque raison non pe

« PreviousContinue »