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» je crois, le caractère du plus grand nombre des >> courtisans, marqué dans tous les lieux et dans tous >> les temps. »

Mais peut-être récusera-t-on l'autorité de Montesquieu, c'est-un auteur profane, c'est un philosophe..... Eh bien! écoutons un père de l'église, écoucoutons Massillon:

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Que de bassesses pour parvenir ! Il faut paraître, » non pas tel qu'on est, mais tel qu'on nous souhaite. » Bassesse d'adulation, on encense et on adore l'idole qu'on méprise; bassesse de lâcheté, il faut essuyer » des dégoûts, dévorer des rebuts, et les recevoir » presque comme des grâces; bassesse de dissimulation, point de sentiments à soi, et ne penser que d'après les autres; bassesse de déréglement, devenir » les complices et peut-être les MINISTRES des pas»sions de ceux de qui nous dépendons..... Ce n'est point là une peinture imaginée; ce sont les mœurs » des cours, ET L'HISTOIRE DE LA PLUPART DE CEUX » QUI Y VIVENT.... >>

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>>....... Le peuple regarde comme un bon air de » marcher sur vos traces; la ville croit se faire hon» neur en prenant tout le mauvais de la cour; vos » mœurs forment un poison qui gagne les peuples et » les provinces, qui infecte tous les états, qui change » les mœurs publiques, qui donne à la licence un air » de noblesse et de bon goût, et qui susbtitue à la simplicité de nos pères et à l'innocence des mœurs >> anciennes la nouveauté de vos plaisirs, de votre » luxe, de vos profusions et de vos indécences profa» nes. (C'est-là précisément ce qu'à dit M. Courier.) » Ainsi, c'est de vous que passent jusque dans le peuple les modes immodestes, la vanité des parures, les

>>

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>> artifices qui déshonorent un visage où la pudeur » toute seule devrait être peinte, la fureur des jeux, » la facilité des mœurs, la licence des entretiens, la » liberté des passions ET TOUTE LA CORRUPTION DE

» NOS SIÈCLES. »

Messieurs, c'était aussi pour conserver l'innocence d'un prince enfant, du dernier rejeton d'une race royale, que Massillon élevait sa voix éloquente. Il est triste de penser que, si Massillon vivait encore, il se verrait probablement traduit sur les bancs d'une cour d'assises!.....

Au surplus ce n'est point une assertion sèche et dénuée de preuves que l'auteur vous présente. Il ne s'est pas borné à censurer les mœurs de la cour: il a justifié sa censure par des faits; sa critique n'est que la conséquence forcée de ces faits; avant d'attaquer la conséquence, prouvez que les faits sont controuvés.

Voici la triple alternative que je présente à l'accusation. Ou vous niez, lui dirai-je, les faits rapportés dans l'écrit ; et alors, les monuments historiques sont là pour vous confondre ou vous les avouez, mais vous en faites l'apologie; et alors, c'est vous-même qui outragez la morale publique: ou vous les avouez et les condamnez, et vous prétendez cependant que j'aurais dû les taire, parce que les coupables ont siégé sur le trône ou près du trône; et alors, c'est encore au nom de la morale publique que je m'élève contre vous: c'est au nom de la morale publique que je repousse cette doctrine honteuse. Quoi! des désordres coupables auront été commis, et l'histoire, l'institutrice des peuples et des rois, devra garder le silence! Quoi!

l'adultère aura souillé les palais, et vous me commanderez, au nom des mœurs, respect pour l'adultère ! Il y aura des vices privilégiés! Des scandales auront un brevet d'impunité, et si, à l'aspect des mœurs outragés, je laisse éclater mon indignation, c'est mon indignation qui sera criminelle; c'est moi qui aurai outragé les mœurs!

Messieurs, l'Égypte honorait ses rois, mais elle jugeait leur cendre, et le jugement des morts était la leçon des vivants et de la postérité.

Que signifie cette distinction qu'on s'est efforcé d'établir entre l'histoire et d'autres écrits? La vérité a-t-elle, pour se montrer, des formes privilégiées! Existe-t-il un genre d'ouvrages dans lesquels la vérité soit criminelle?

C'est, il faut le dire, c'est la première fois qu'on voit un écrivain traduit devant les tribunaux pour avoir rapporté des faits dont on ne conteste point la sincérité! C'est la première fois que l'accusation vient nous tenir cet étrange langage: cela est vrai, mais vous ne deviez pas le dire. Nous avons vu incriminer des doctrines, condamner des opinions; il nous restait à voir accuser des souvenirs historiques; il nous manquait de voir traîner la vérité devant la cour d'assises!

C'est, dites-vous, attenter à la gloire nationale; c'est dépouiller la nation de son plus riche patri

moine.

Ce ne serait plus alors qu'une simple question d'amour-propre national, et non plus une question de morale publique.

Mais est-ce donc flétrir la nation que de flétrir les

vices de quelques hommes dont les noms figurent dans notre histoire? Une nation est-elle solidairepour tous les individus qui la composent ? Le patrimoine de l'honneur national se compose-t-il des vices ou des crimes dont elle a été le témoin? Vous nous reprochez d'avoir attenté à la gloire nationale? Ai-je donc essayé d'avilir les trophées de Fontenoi, les vertus de Sully, les lauriers de Racine? Voilà le patrimoine de l'honneur national: la France peut revendiquer la solidarité de la gloire; elle ne revendiquera jamais la solidarité de la honte.

On a plus vivement encore insisté sur le troisième chef d'accusation. Suivons le ministère public sur ce nouveau terrain.

M.Courier s'attache à prouver, comme nous l'avons vu, que le voisinage de la cour est dangereux pour les simples habitants de la campagne. Une des choses qu'il redoute le plus dans ce voisinage, c'est la contagion des mauvaises moeurs. Voici, à cet égard, comme il s'exprime :

<< Sachez qu'il n'y a pas en France une seule fa» mille noble, mais je dis noble de race et d'antique » origine, qui ne doive sa fortune aux femmes; vous » m'entendez. Les femmes ont fait les grandes mai» sons; ce n'est pas, comme vous croyez bien, en cou» sant les chemises de leurs époux, ni en allaitant leurs » enfants. Ce que nous appelons, nous autres honnête » femme, mère de famille, à quoi nous attachons tant » de prix, trésor pour nous, serait la ruine du courti»san. Que voudriez-vous qu'il fit d'une dame ho» nesta, sans amants, sans intrigues, qui, sous pré>> texte de vertu, claquemurée dans son ménage, s'at

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>> tacherait à son mari? Le pauvre homme verrait pleuvoir les grâces autour de lui, et n'attraperait ja» mais rien. De la fortune des familles nobles il en paraît bien d'autres causes, telles que le pillage, les » concussions, l'assassinat, les proscriptions, et surtout » les confiscations. Mais qu'on y regarde, on verra qu'aucun de ces moyens n'eût pu être mis en œuvre » sans la faveur d'un grand, obtenue par quelque » femme. Car, pour piller, il faut avoir commande»ments, gouvernements, qui ne s'obtiennent que par » les femmes; et ce n'était pas tout d'assassiner Jac>>ques Coeur ou le marchéchal d'Ancre, il fallait, pour » avoir leurs biens, le bon plaisir, l'agrément du roi, » c'est-à-dire, des femmes qui gouvernaient alors le » roi ou son ministre. Les dépouilles des huguenots, » des frondeurs, des traitants, autres faveurs, bienfaits qui coulaient, se répandaient par les mêmes canaux » aussi purs que la source. Bref, comme il n'est, ne fut, ni ne sera jamais, pour nous autres vilains, qu'un moyen de fortune, c'est le travail; pour la » noblesse non plus il n'y en a qu'un, et c'est................... >> c'est la prostitution, puisqu'il faut, mes arnis, l'ap›peler par son nom. »

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Laissant de côté tous les commentaires plus ou moins infidèles qu'on a faits sur ce passage, et le réduisant à son expression la plus simple, qu'y découvrons-nous? Cette proposition fondamentale, et dont le passage entier n'est qu'un développement:

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Que les mœurs des courtisans sont corrompues. >> J'aurais difficilement imaginé que cette proposition fût outrageante pour la morale publique, et que les mœurs des cours dussent être pour nous un objet de

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