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Que par ce moyen lesdits princes, instruits à l'égal de leurs sujets, élevés au milieu d'eux, parlant la même langue, s'entendraient avec eux contre lesdits gens de cour, et peut-être parviendraient à délivrer le monde de cette engeance perverse, détestable, maudite;

Qu'ainsi, on ne verrait plus ni Saint-Barthélemy, ni frondes, ni dragonnades, ni révolutions, contrerévolution (1), qui, après force coups et grand massacre de gens tournent toutes au profit de la susdite valetaille;

Qu'un tel amendement aux choses de ce monde, bien loin d'être impossible (2) comme quelques uns croient, sé fait quasi de soi, sans qu'on y prenne garde; que le temps d'aprésent vaut mieux que le passé; que princes et sujets sont meilleurs qu'autrefois (3); qu'il y a parmi nous moins de vices, plus de vertu; ce qui tend à insinuer calomnieusement, contre toute vérité, que même les courtisans, exerçant près des rois l'art de la flagornerie, sont maintenant moins vils, moins lâches, moins dévoués, moins fidèles au trésor que ne le furent leurs devanciers.

Et

pour conclusion, que les princes nés princes sont les seuls bons, aimables, avec qui l'on puisse vivre. Que les autres, connus sous les noms de héros ou princes d'aventure, ne valent rien du tout. Que nous en avons vu montrer une insolence à nul autre

(1) Voyez page 217, ligne 6.. (2) Voyez page 217, ligne 12. (3) Voyez page 219, ligne 16.

pareille (1), et que ceux qui les flattaient valaient encore moins, apôtres aujourd'hui de la légitimité, prêts à verser pour elle leur sang, etc.

Lesquelles propositions scandaleuses, impies et révolutionnaires, auraient été par lui recueillies, mises en lumière dans un pamphlet intitulé: Simple discours, espèce de factum pour les princes contre les courtisans, saisi par la police comme contraire aux pensions, gratifications et dilapidations de la fortune publique, poursuivis par M. le procureur du roi, comme propre à éclairer lesdits princes et rois sur leurs vrais intérêts.

Tels sont les principaux griefs articulés contre Paul-Louis par les syndics du corps de la flagornerie Siméon, Jacquinot de Pampelune et autres, poursuivants en leur nom et comme fondés de pouvoir de la corporation.

Et ajoutent lesdits syndics, aux charges ci-dessus énoncées, qu'en outre Paul-Louis voulant porter atteinte à la bonne renommée dont jouissent dans le monde lesdites gens de cour, aurait mal-à-propos, sans en être prié, conté à tout venant les histoires oubliées de leurs pères et grands-pères, rappelé les aventures de leurs chastes grand'-mères, en donnant à entendre que tous chiens chassent de race, et autres discours pleins de malice et d'imposture.

Et que, par maints propos plus coupables encore, subversifs de tout ordre et de toute morale, comme de toute religion, il aurait essayé de troubler aucu

(1) Voyez page 225, ligne 16.

nement lesdites gens de cour dans l'antique, légitime et juste possession où ils sont de tout temps, de partager entre eux les revenus publics, le produit des impôts, dont l'objet principal, ainsi que chacun le sait, est d'entrenir la paresse et d'encourager la bassesse de tous les fainéants du royaume.

A raison de quoi ils ont cité et personnellement ajourné ledit Paul-Louis, à comparoir devant les assises de Paris, comme ayant offensé la morale publique, en racontant tout haut ce qui se passe chez eux, et la personne du Roi (1) dans celle des courtisans; le tout conformément à l'article connu du titre..... de la loi.... du Code des gens de cour, commençant par ces mots : Qui n'aime pas Cotin n'estime point son Roi, etc.

Et doit en conséquence ledit Paul, ci-devant canonnier à cheval, aujourd'hui vigneron, laboureur, bûcheron, etc., etc., comparoir en personne aux assises de Paris, le 27 du présent mois, pour s'ouïr condamner à faire aux courtisans, fainéants, intrigants, réparation publique et amende honorable, déclarant qu'il les tient pour valets aussi bons, aussi bas, aussi vils, aussi rampants que furent oncques leurs pères et prédécesseurs; qu'à tort et méchamment il a dit le contraire; et en même temps confesser, la hart au col, la torche au poing, que le passé seul est bon, que le présent ne vaut rien, n'a jamais rien valu, ne vaudra jamais rien; qu'autrefois il y eut d'honnêtes gens et des mœurs; mais qu'aujour

(1) Voyez le réquisitoire signé Jaquinot-Pampelune.

d'hui les femmes sont toutes débauchées, les enfants tous fils de coquettes, garnements tous nos jeunesgens, et nous marauds à pendre tous, si Bellart faisait son devoir.

Après quoi ledit Paul sera détenu et conduit èsprisons de Paris, pour y apprendre à vivre et faire pénitence, sous la garde d'un geôlier, gentilhomme de nom et d'armes, qui répondra de sa personne aussi long-temps qu'il conviendra pour l'entière satisfaction desdits courtisans, gens de cour, flatteurs, flagorneurs flagornant par tout le royaume, etc., etc.

Voilà, mes chers amis, en quelle extrémité se trouve réduit le bonhomme Paul que nous avons vu faire tant et de si bons fagots dans son bois de Larçai, tant de beau sainfoin dans son champ de la Chavonnière; sage s'il n'eût fait autre chose! On l'avait mainte fois averti que sa langue lui attirerait quelque méchante affaire; mais il n'en a tenu compte, Dieu sans doute le voulant châtier, afin d'instruire ses pareils qui ne se peuvent empêcher de crier quand on les écorche. Le voilà mis en jugement et condamné, ou autant vaut. Car vous savez tous comme il est chanceux en procès. Chaque fois qu'on le volait ici, c'était lui qui payait l'amende. Et de fait, se peut-il autrement? Il ne va pas même voir ses juges! Prions Dieu pour lui, mes amis, et que son exemple nous apprenne à ne jamais dire ce que nous pensons gens qui vivent à nos dépens.

des

PROCÈS

DE PAUL-LOUIS COURIER,

VIGNERON DE LA CHAVONNIÈRE,

Condamné le 28 août 1821, à l'occasion de son discours sur la souscription de Chambord.

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