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reur, André le vigneron, Pierre, Jacques le bonhomme, et Charles qui cultive ses trois cents arpents de terre, le marchand, l'artisan, le juge, l'avocat, et notre digne vicaire, tous ont porté les armes, tous vous ont fait la guerre. Ah! s'ils n'eussent jamais eu de grand homme à leur tête....., sans la troupe dorée, les comtes, les ducs, les princes, les officiers de marque...., si la roture en France n'eût jamais dérogé, ni la valeur dégénéré en gentilhommerie, jamais nos femmes n'eussent entendu battre vos tambours.

Or, ces gens-là et leurs enfants, qui sont grandis depuis Waterloo, ne font pas chez nous si peu de monde, qu'il n'y en ait bien quelques millions n'ayant ni manières de Versailles, ni formes de Malmaison, et qui, au premier pas que vous ferez sur leurs terres, vous montreront qu'ils se souviennent de leur ancien métier. Car, il n'est alliance qui tienne, et si vous venez les piller au nom de la très-sainte et très-indivisible Trinité, eux, au nom de leurs familles, de leurs champs, de leurs troupeaux, vous tireront des coups de fusil. Ne comptant plus pour les défendre sur le génie de l'empereur, ni sur l'héroïque valeur de son invincible garde, ils prendront le parti de se défendre eux-mêmes; fâcheuse résolution, comme vous savez bien, qui déroute la tactique, empêche de faire la guerre par raison démonstrative, et suffit pour déconcerter les plans d'attaque et de défense le plus savamment combinés. Alors, si vous êtes sages, rappelez-vous de l'avis que je vais vous donner. Lorsque vous marcherez en Lorraine, en Alsace, n'approchez pas des haies, évitez les fossés, n'allez

pas le long des vignes, tenez-vous loin des bois, gardez-vous des buissons, des arbres, des taillis, et méfiez-vous des herbes hautes; ne passez point trop près des fermes, des hameaux, et faites le tour des villages avec précaution; car les haies, les fossés, les arbres, les buissons, feront feu sur vous de tous côtés, non feu de file ou de peloton, mais feu qui ajuste, qui tue; et vous ne trouverez pas, quelque part que vous alliez, une hutte, un poulailler qui n'ait garnison contre vous. N'envoyez point de parlementaires, car on les retiendra; point de détachements, car on les détruira; point de commissaires, car.... Apportez de quoi vivre; amenez des moutons, des vaches, des cochons, et puis n'oubliez pas de les bien escorter ainsi que vos fourgons. Pain, viande, fourrage et le reste, ayez provision de tout; car vous ne trouverez rien où vous passerez, si vous passez, et vous coucherez à l'air, quand vous vous coucherez: car nos maisons, si nous ne pouvons vous en écarter, nous savons qu'il vaut mieux les rebâtir que les racheter. Cela est plutôt fait, coûte moins. Ne vous rebutez pas d'ailleurs, si vous trouviez, dans cette façon de guerroyer, quelques inconvénients. Il a a peu de plaisir à conquérir des gens qui ne veulent pas être conquis, et nous en savons des nouvelles. Rien ne dégoûte de ce métier comme d'avoir affaire aux classes inférieures. Mais ne perdez point courage. Car si vous reculiez! s'il vous fallait retourner sans avoir fait la paix ni stipulé d'indemnités, alors, alors, peu d'entre vous iraient conter à leurs enfants ce que c'est que la France en tirailleurs, n'ayant ni héros ni péquins.

"Apprenez, dit le prophète, apprenez, grands de la terre; c'est-à-dire, messieurs du congrès, renoncez aux vieilles sottices. Instruisez-vous, arbitres du monde; c'est-à-dire, Excellences, regardez ce qui se passe, et faites-vous sages, s'il se peut. L'Espagne se moque de vous, et la France ne vous craint pas. Vos amis ont beau dire et faire, nous ne sommes pas disposés à nous gouverner par vos ordres. Et ni eux, avec leur sept hommes, ni vous, avec vos sept cent mille, ne nous faites la moindre peur; partant, je ne vois nulle raison de changer notre allure pour vous plaire, et je conclus à rejeter toute loi venant d'eux ou de vous.

Voilà ce que j'aurais dit après le général Foy, si j'eusse pu, député indigne, lui succéder à la tribune.

A MESSIEURS LES JUGES

DU TRIBUNAL CIVIL A TOURS.

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MESSIEURS,

Dans le procès que je soutiens contre Claude Bourgeau (malgré moi; car j'ai tout tenté pour en sortir à l'amiable), ma cause est si claire et si simple, que, sans le secours des gens de loi, je puis vous l'expliquer moi-même, quelque novice que je sois, comme bientôt vous l'allez voir, en toute sorte d'affaires.

Je vends à Bourgeau deux coupes de ma forêt de Larçai. Cette forêt, de temps immémorial, est divisée en vingt-cinq coupes, une desquelles s'abat tous les ans ; mais en 1816, j'en avais deux à vendre, à cause que je n'avais point coupé l'année précé dente. Bourgeau me les achète, et en exploitant la dernière, celle de 1816, il m'abat la moitie de la coupe suivante, que je ne lui avais point vendue, et qui ne devait l'être qu'en 1817. C'est de quoi je me plains, Messieurs..

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Bourgeau convient de tous ces faits qu'il n'est pas possible de nier, et notez, je vous prie, que de sa part il ne saurait y avoir eu d'erreur, les limites de chaque coupe étant marquées sur le terrain de manière à ne s'y pouvoir méprendre. Aussi n'est-ce pas

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