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Pays où il écrivoit. Rendez, je vous prie, juftice à ma réflexion; car il me femble que j'ai raison de la faire. Je vous ai dit qu'ils font compofés des quatre Elémens & que c'eft pour cela qu'ils en difpofent fouvent comme ils veulent. Mais il eft vrai auffi que quelquefois ils font terriblement balottés par ces mêmes Elémens, & que tel Diable s'attend de demeurer tranquillement fur la terre, qu'à l'heure qu'il y pense le moins, elle le renvoye fi loin; qu'il fe trouve tout d'un coup porté dans la région du feu, de-là dans l'air, & enfuite fur les eaux (0); enfin, voyant qu'on le rejette de tous côtés, il prend le parti de fe mêler dans les tourbillons, & de s'infinuer dans les vents: & là il fait des fracas épouvantables

(o) Empedocle dit, que les mauvais Démons font tellement hais des Elémens, que les uns les renvoyent aux autres & font pouflés, tantôt en la région de l'air, tantôt en la mer, tantôt en la terre, tantôt en l'élément, du feu, tantôt aux rayons du Soleil, & de la aux tourbillons & aux vents, Le Loyer, p. 184.

pour fe venger de ces Elémens; des eaux, par exemple, en y excitant des tempêtes, & leur donnant des agitations effroyables; de la terre, en déracinant fes arbres, & détruisant autant qu'il peut, les fruits qu'elle produit: En quoi certes on n'a pas fujet alors de le reconnoitre pour directeur de cet Elément; qualité que quelques-uns ont attribuée aux Démons; (p) & s'il eft vrai, comme d'autres l'ont penfé, que les Etoiles n'ont été placées au lieu où elles font, que pour empêcher les Diables de monter jufques dans les Cieux (q); qui

(p) Il y a beaucoup d'apparence que les Chaldéens & les Perfes remarquant que les chofes humaines étant fujettes ici-bas à des changemens confidérables, qui leur venoient du Ciel, en prirent occafion de forger deux divinités fuprêmes, l'une appellée Aromafdes pour la direction du Ciel, Pautre Arimanius pour la terre ; & les Romains mirent en leur place Jupiter & Pluton. Dans la fuite les Démons ont été reconnus pour tenir la place de celui-ci. Le Monde Ench. 1. 15.

(9) Mahomet feint, en fon Alcoran, les Etoiles être les fentinelles du Ciel, & empêcher les Diables d'en approcher, & connoître les fecrets de Dieu.

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nous empêchera de croire que ces mauvais Anges pouffés encore par un efprit de vengeance, fe mêlent dans les influences des Aftres, afin de les corrompre, & de nous apporter enfuite avec elles tant de maux, dont on ne reffent que trop les effets mais dont on ne peut pas comprendre la caufe? On fe tourmente pour tâcher de la connoître, fans pouvoir en venir à bout. Ah! Que l'on s'épargneroit de peines, fi l'on fouilloit comme moi dans tant de livres qu'on néglige de lire, ou qu'on lit, fans s'appliquer affez pour pénétrer ce qu'ils ont de plus mystérieux.

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Je vous apprendrois volontiers à préfent, jufqu'où les Diables peuvent porter la durée de leur vie (r). Mais

(r) Heliode diftingue quatre espèces de natures raisonnables, les Dieux, les Démons, les demiDieux ou Héros, & les hommes. Il va plus loin: il marque la durée de la vie des Démons; car ce font des Démons que les Nymphes dont il parle dans l'endroit que nous allons citer; & Plutarque l'entendoit ainsi. Une Corneille, dit Hefiode, vit neuf fois autant qu'un homme; un Cerf, quatre fois autant qu'une Corneille; un Corbeau, trois fois

j'ai tant d'autres choses à vous dire que je ne m'arrêterai point fur ce fujet; pour peu que vous me marquiez fouhaiter d'en être inftruit, je vous indiquerai les Auteurs qui pourront vous l'apprendre. Je ne le ferai pourtant pas que vous ne me promettiez de les lire comme moi avec respect & avec confiance.

Après avoir parlé de l'origine, de la nature & du nombre des Diables, je viens à leurs apparitions. Je ne vous dirai point ce que j'ai vû; car en vain vous citerois-je à cet égard mes yeux

autant qu'un Cerf; le Phénix, neuf fois autant qu'un Corbeau; & les Nymphes enfin, dix fois autant que le Phénix. On ne prendroit volontiers tout ce calcul que pour une pure rêverie Poëtique, indigne qu'un Philofophe y faffe aucune réflexion, indigne même qu'un Poëte l'imite; car l'agrément lui manque autant que la vérité. Mais Plutarque n'eft pas de cet avis. Comme il voit qu'en fuppofant la vie de l'homme de foixante & dix ans, ce qui en eft la durée ordinaire, les Démons devroient vivre fix cens quatre-vingt mille quatre cens ans, & qu'il ne conçoit pas bien qu'on ait pû faire l'expérience d'une fi longue vie dans les Démons, il aime mieux croire qu'Hefiode par le mot d'âge d'homme, n'a entendu qu'une année. Hiftoire des Oracles par M. de Fontenelle. p. 69. 70. 71.

pour témoins felon votre louable coutume, parce que je paffe dans vo· tre efprit pour être extrêmement vifionnaire; vous ne manqueriez pas de les récuser comme des Impofteurs. Je me contenterai donc de vous faire un précis de ce que j'ai lû de plus autentique fur cette matiére dans des Ouvrages, dont les Auteurs l'ont en quelque maniere épuifée. De bonne foi eft-il croyable que fi les Diables n'apparoiffent point, tant d'habiles gens auroient fi affirmativement affuré qu'ils apparoiffent, dans quel tems ils apparoiffent, & donné des détails fi circonftanciés de toutes les différentes manieres de leurs apparitions? On apprend d'eux que les Diables fe montrent ordinairement les nuits d'entre le Vendredi & Samedi, ou à midi (s); que pour fe former la figure, fous laquelle ils veulent se faire voir, ils choififfent un vent fa

(s) Les malins Efprits apparoiffent la nuit plûtôt lé jour, & la nuit d'entre le Vendredi & Šame. di, plûtôt que des autres jours. Bodin. 245.

que

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