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fieurs femmes & plufieurs filles, quand elles apprirent ce dévalisement, parce que n'ayant pas reçû les lettres qu'elles attendoient, elles accufoient de mépris ou de négligence, ceux qu'elles prétendoient qui devoient leur écrire. Il y en avoit encore qui proteftoient (& cela, parce qu'ils l'avoient oui dire, par des gens, felon eux, trèsdigne de foi,) que ce Loup - garou étoit entré dans un Bal, qu'il y avoit danfé, & qu'enfuite il s'étoit jetté fur plufieurs femmes dont il avoit déchiré le vifage. De certains nioient qu'on eût bleffé le Loup-garou, prétendant que ces fortes de Sorciers font invulnérables. On vouloit encore qu'il eût couru plufieurs nuits de fuite; enfin chaque quartier, ou plutôt chaque rue avoit fon hiftoire particuliére, à laquelle on ajoutoit foi fans autre fondement que parce qu'on la difoit. On fouhaitoit que cela füt ainfi, on se faifoit un plaifir de le croire; à telle forte de gens, il n'en faut pas davantage pour ne

point douter. Cela eft fi vrai, qu'en fait d'erreurs populaires, le moindre rifque qu'on court, c'eft de paffer pour n'avoir point de religion, fi, quand on les entend débiter, l'on témoigne quelque incrédulité. Le peuple fe conftitue de lui-même miniftre là-deffus d'une espèce d'Inquifition, ine pardonne point fi l'on ne croit pas comme lui. Et certes, l'on feroit fort à plaindre, s'il avoit autant de puiffance pour punir, qu'il a de facilité pour croire. Mais laiffons la Morale & le Loup-garouifme, pour reprendre Monfieur Oufle, jouant d'autres fcénes qui ne feront pas moins extravagantes, que celles qu'on vient de

voir.

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Monfieur Oufle inquiet fur la conduite de fa femme, met en ufage quelques Juperftitieufes pratiques, pour connoître fi elle lui eft fidelle.

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E ne fai par quelle bizarrerie, Monfieur Oufle se mit dans l'efprit, que fa femme ne lui étoit pas auffi fidelle que fon devoir l'exigeoit, & qu'il le fouhaitoit lui-même. Il devoit pourtant être fort tranquille làdeffus; parce qu'outre qu'elle avoit de la fageffe & de la vertu, c'eft qu’elle étoit d'un extérieur qui la mettoit hors des dangers, où les plus fages & les plus réguliéres fuccombent fouvent, & ne fe reconnoiffent plus. Les hommes la voyoient fans conféquence. Après un tête-à-tête avec elle, on fortoit de part & d'autre auffi indifférent, que l'on fortiroit d'une cérémonie publique, où des hommes & des femmes fe font trouvés

Dv

dame Oufle

ensemble, fans avoir fait aucune attention les uns fur les autres, & où à peine a-t-on fongé à fe regarder. Quoiqu'il en foit, Monfieur Oufle étoit pourtant devenu jaloux de Matant il est vrai, que quand on a de la jalousie, ce n'est pas toujours que l'on ait fujet d'en a voir. Je me perfuade, que je donnerois une véritable raison de celle de Monfieur Oufle, fi je difois, qu'il croyoit que fa femme ne l'aimoit pas, & que par conféquent, elle en aimoit un autre car peu de femmes ( font fans amour) parce que, comme elle ne pouvoit fouffrir fes fantaisies fuperftitieuses, elle lui en faifoit des guerres fi continuelles, que toute fa conduite à fon égard, reffembloit beaucoup à la haine. Il fe mit donc dans l'efprit qu'elle avoit quelque attachement ailleurs; mais cet ailleurs lui étoit entiérement inconnu; & c'est ce qui faifoit fon grand embarras. Il vouloit, à quelque prix que ce fût, le deviner, & pour en venir à bout,

il rappella dans fa mémoire & alla chercher dans fes livres, toutes les inf. tructions qu'on ofe donner pour découvrir les fecrets les plus cachés des autres, & leurs intrigues les plus adroitement ménagées; bien réfolu de les mettre exactement en pratique, avec toutes les circonftances qu'il crut les plus néceffaires pour le faire arriver à fes fins, & c'eft ce qu'on va voir.

Il fit chercher une grenouille, dontil prit la tête, & un pigeon dont il prit le cœur; & après avoir fait fécher l'un & l'autre & réduire en poudre, il mit de cette poudre fur l'eftomach de fa pauvre femme pendant qu'elle dormoit, & paffa toute la nuit lui-même fans dormir ; parce qu'il prétendoit felon la promeffe de fes livres fuperftitieux, qu'elle ne manqueroit pas de dire, en dormant, tout ce qu'elle avoit fait étant éveilléé (a),

(a) Pour faire dire à une fille ou à une femme tout ce qu'elle a fait, qu'on prenne le cœur d'un pigeon avec la tête d'une grenouille, & après les avoir fait fecher, fi on les réduit en poudre fur l'eftomach de celle qui dort on lui fera tout avouer ce qu'elle

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