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dre. On crut fur fa parole le détail de fon combat ; mais on ne lui accorda pas ce qu'il fouhaitoit. Il eut beau dire, cette femme ne fe rendit point. Des vapeurs de commande, caufées à ce qu'elle prétendoit par la peur qu'elle avoit eûe, vinrent à fon fecours, pour la faire perfifter impunément dans fa réfolution. Ces vapeurs donc s'emparérent de fa tête, & la mirent dans un tel état, qu'elle ne connoissoit ni les cartes ni les jettons. Il fallut abfolument s'en rapporporter à ce qu'elle difoit, & celui qui affuroit avoir chaffé le Loup-garou, fut intérieurement des premiers à rendre juftice à cette Dame, par la peur qu'il avoit eu lui-même..

Enfin le jeu fut remis à un autre jour. La Dame cependant,en emportant l'argent qu'elle avoit gagné ( car peur & fes vapeurs ne l'empêchérent pas de fe reffouvenir qu'elle avoir fait un gros gain, & qu'il étoit à propos de l'emporter,) demanda, afin: de foutenir jufqu'au bout la comédie

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qu'elle avoit jouée, une escorte pour la conduire chez elle. Comme elle étoit jolie, de jeunes gens de l'affemblée qui fe faifoient un grand plaifir de lui rendre fervice, pour lui plailui accordérent avec zéle & avec empreffement, ce qu'elle fouhaitoit. Les vapeurs la prirent encore dans le Caroffe, par la crainte de trouver ce formidable Loup-garou en chemin. Elle tenoit pourtant toujours très-ferme l'argent qu'elle avoit gagné ; c'étoit peut- être par un effet de ces vapeurs; car elles font tomber quelques fois les femmes dans des convulfions fort violentes & fort tenaces. Ceux qui la conduifoient firent de leur mieux pour la foulager ; & enfin ils la remirent faine & fauve dans fa maifon.Pendant tout ce manége, Monfieur Oufle alloit toujours fon train, fans s'informer, comme on doit croire, de ce qui fe paffoit à fon fujet. On va rapporter le refte des aventures de fes courfes, comme Loupguou, dans le fixiéme Chapitre..

CHAPITRE

VI.

Le refte des Aventures de Monfieur Oufle, Loup-garou.

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Omme on craint d'ennuyer enfin les Lecteurs, en traitant trop long-tems d'une même matiére, & qu'on a un très - grand nombre d'autres chofes à rapporter fur plufieurs différens fujets, on ne tombera point dans une description exacte de toutes les frayeurs qu'il fit cette nuit en qualité de Loup garou; & ainfi on paffe fous filence des Bourgeois qui venoient de fouper en ville; un homme d'affaires, qui après avoir laisse sa femme dormant tranquillementdans fon lit, alloit trouver incognito, une maîtreffe qui lui coûtoit elle feule autant que tout fon ménage enfemble; un vieux Seigneur qui étoit dans un Fiacre, & qui s'étoit dépouillé de tout l'appareil de fa grandeur, afin de voir fans fracas & de ne point

embarraffer certaine petiteffe; trois foi-difant Abbés, qui chantoient mélodieusement certaines paroles qu'ils n'avoient pas affurément apprifes fur le Lutrin; quelques amans qui reconduifoient leurs Maîtreffes,en marchant le plus lentement qu'ils pouvoient, afin de ne pas fe féparer trop tôt; un Chymifte qui venoit de fouffler chez un grand, & qui emportoit de chez celui-ci plus d'argent qu'il n'y en pourroit jamais produire ; enfin tous gens à qui notre Loup-garou donna fi vigoureufement la chaffe, qu'il les obligea de retourner bien vîte fur leurs pas, & d'allonger beaucoup leur chemin, en prenant des rues détournées, afin de ne plus courir rifque de le rencontrer. On pasfera, dis-je, fous filence toutes ces petites aventures, pour s'arrêter feulement à deux de plus grande importance, que voici.

Un homme de confidération courant la pofte dans une chaife, & étant escorté de deux Cavaliers qui cou

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pourtant

roient avec lui, trouva dans fon paffage ce malheureux Loup - garou. Tous les chevaux reculent fi promptement & fe crabrent de telle forte qu'ils renverfent les Cavaliers par terre. L'homme de la chaise voyant ce fpectacle, & en même-tems cette prétendue effroyable bête, fort avec précipitation, le Loup fe jette tantôt fur l'un, tantôt fur l'autre, puis fur les Chevaux, fans leur faire d'autre mal, que de la peur. Après les avoir houfpillés à fon aife; car ils étoient fi effrayés que pas un n'eut le courage de fe défendre; il fe met à heurler, comme s'il eût voulu par-là chanter la victoire qu'il venoit de remporter. Les Chevaux cependant prennent le mords aux dents & s'enfuyent avec tant de légéreté, même ceux qui traînoient la Chaise, qu'on auroit crû qu'ils fortoient de l'écurie,& qu'il y avoit plus d'un mois qu'ils n'avoient marché. Les hommes de leur côté, ne furent pas moins diligens à courir, & Monfieur Oufle à

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